Armel Tripon peut-il remporter le Vendée Globe ?

Il est bien loin le temps où le jeune Armel Tripon découvrait la navigation à bord d’un tout petit bateau, un Muscadet, par une belle nuit étoilée. C’était l’époque du lycée et cette idée adolescente qu’il faut se construire une vraie et belle existence. Ce sera la mer et les bateaux à voile, comme une révélation intime. Cap sur les Glénans, en compagnie de quelques autres compères, qui iront eux aussi au bout de leurs rêves. Stagiaire, puis moniteur, Armel Tripon obtient son Brevet d’Etat voile. L’attirance pour le large, les grandes courses transocéaniques sont en lui dès 1994, lorsqu’il embarque à bord d’un bateau de la plus célèbre des écoles de voile pour aller admirer le départ de la Route du Rhum à Saint-Malo. "C’était magique au cap Fréhel de voir passer le Primagaz de Laurent Bourgnon", figure mythique de la course au large. "A l’époque, c’est tout juste si je savais que ce type de bateaux existait" dit-il. Armel démarre comme préparateur, puis devient skipper.
C’est à bord d’un Mini 6.50 qu’il remporte la célèbre Mini-Transat en 2003. Depuis 1977, ils sont quelques marins célèbres à avoir traversé l’Atlantique à l’ancienne sur ces petits bateaux de 6,50 m, avec très peu de moyens techniques et sans communication possible avec la terre ferme. Il est donc un parfait mentor pour Matthieu Vincent qui prépare depuis plusieurs mois son départ pour la Mini-Transat 2019. Après cette première victoire, viendront ensuite pour ce nantais pur souche les années Figaro, le Class40, puis un premier passage en IMOCA où il crée la surprise avec une très remarquée quatrième place sur le Rhum 2014. En 2017, Armel Tripon passe au multicoque, via l’excitante classe des Multi50, des trimarans de 50 pieds. Plus de quinze ans à naviguer, près d’une vingtaine de transatlantiques au compteur, voilà le tempo d’Armel lorsqu’il s’engage dans la Route du Rhum 2018. Un sacré défi pour ce père de trois garçons et autodidacte. Ce sera la juste récompense pour ce travailleur acharné puisqu’il remporte cette fameuse Route du Rhum en forçant l’admiration de tous. Il arrive premier de la catégorie Multi50 et finit sur le podium général derrière les deux trimarans géants Ultime !
Pour ce Vendée Globe 2020, le skipper de 45 ans s'engage à bord d'un tout nouveau bateau. Original et atypique. Un monocoque de 18 mètres de dernière génération aux couleurs de l’Occitane en Provence, dessiné par l'architecte Sam Manuard et construit par le chantier français Black Pepper Yachts. L'IMOCA a bénéficié du support de "spécialistes en hydrodynamique, aérodynamique et ingénierie structure" explique le constructeur. "Nous avons basé notre réflexion sur le principe d'efficience dans le cadre du Vendée Globe. Comment un homme seul dans un milieu hostile et en charge de sa propre sécurité peut-il exploiter au mieux le potentiel de son bateau ? Comment réussir à pousser fort tout au long du parcours et en particulier dans le Grand Sud ? C'est cette grille de lecture qui nous a amené à prendre ces choix. Nous voulions un bateau facile et homogène, qui préserve au mieux son skipper" explique Samuel Manuard.
Parmi les particularités du voilier, on retiendra sa carène de "scow", c'est-à-dire une étrave arrondie, sa largeur modérée, ses foils déportés, le pont flush deck, le cockpit reculé, la casquette à vision frontale, des poids reculés avec le cockpit et la zone de vie très en arrière. Enfin, la largeur modérée devrait permettre de réduire les surfaces développées pont/coque pour réduire la masse du bateau. "Bien que la largeur soit contenue, les formes de coque sont puissantes, afin de garder de la stabilité en particulier lorsque le bateau évolue à faible vitesse lors des manœuvres d'empannages notamment. Le skipper doit se sentir à l'aise et pouvoir enchainer des manœuvres sans arrières pensées. Ce cas de figure peut être crucial dans le Grand Sud le long de la zone interdite" racontait l'architecte du bateau lors de sa mise à l'eau officielle, l'été dernier. En tout cas, avec ses immenses foils et son design atypique, le voilier d'Armel a démontré tout son potentiel en remportant les "runs" du Défi Azimut en septembre dernier dans la baie de Lorient. Un galop d'essai et une victoire qui donnent à l'Occitane et à Armel Tripon un vrai statut d'outsider voire de favori sur le Vendée Globe 2020-2021.