Iceberg et sable noir, la plage de diamants de Jökulsárlón

Par Le Figaro Nautisme

Des blocs de glace translucides, détachés du glacier Vatnajokull, dérivent à travers la lagune glaciaire Jokulsarlon, et s’échouent sur le sable noir de “Diamond Beach”, la plage des diamants, pour mourir à petit feu dans l’océan...

Un décor irréel né des glaciers

À l’extrême sud du parc national du Vatnajökull, la lagune glaciaire de Jökulsárlón s’étire entre les montagnes et l’océan. Alimentée par le glacier Breiðamerkurjökull, elle s’étend désormais sur plus de 20 km2 et atteint jusqu’à 300 mètres de profondeur, formant un véritable miroir de glace au cœur d’un paysage volcanique.

Chaque jour, d’immenses blocs se détachent de la langue glaciaire et dérivent lentement dans les eaux paisibles de la lagune. Poussés par la marée, ils franchissent l’étroite embouchure de la rivière Jökulsá avant de rejoindre la mer. Certains reviennent ensuite s’échouer sur le rivage voisin : une plage de sable noir volcanique où ces fragments étincelants contrastent avec la noirceur du sol. C’est ce jeu de lumière, entre la blancheur bleutée des glaces et le fond d’obsidienne, qui a donné à ce lieu son surnom évocateur de « Diamond Beach ». Les jours de soleil, les blocs scintillent comme des joyaux taillés, tandis que sous la pluie ou le brouillard, la plage prend des allures de décor lunaire. Peu d’endroits au monde offrent une telle intensité visuelle, où le regard passe du noir profond des sédiments au bleu cristallin des glaces millénaires.

Le témoignage vivant du changement climatique

Derrière la beauté du lieu, Diamond Beach raconte aussi l’histoire d’un bouleversement silencieux. Le glacier Breiðamerkurjökull, qui alimentait autrefois directement la mer, a reculé de plusieurs kilomètres depuis le début du XXe siècle. À mesure qu’il se retire, il laisse derrière lui un bassin d’eau douce : la lagune de Jökulsárlón. Celle-ci continue de s’agrandir chaque année, gagnant près d’un demi-kilomètre carré d’étendue.

Le phénomène est spectaculaire, mais inquiétant. Le Vatnajökull, plus grande calotte glaciaire d’Europe, fond désormais à un rythme accéléré. Les chercheurs estiment que si les températures continuent d’augmenter au même rythme, la majorité des glaciers islandais pourraient disparaître d’ici deux siècles. Ainsi, la lagune et la plage, aussi sublimes soient-elles, sont aussi le reflet visible du changement climatique à l’œuvre. Pour les Islandais, Jökulsárlón est devenue une sorte de miroir du temps : un lieu où la nature expose sa beauté, mais aussi sa fragilité. Les visiteurs le ressentent souvent comme une expérience double, entre émerveillement et prise de conscience.

© AdobeStock

Un écosystème surprenant au milieu de la glace

Malgré son apparente austérité, le site abrite une vie étonnamment active. Des phoques gris se prélassent régulièrement sur les blocs de glace dérivants, guettant le passage des bancs de poissons. Les sternes arctiques et les skuas nichent sur les rives, tandis que les orques croisent parfois au large, visibles depuis la côte lors des mois d’été.

La plaine de Breiðamerkursandur, vaste étendue d’alluvions noires et de sédiments glaciaires, s’étend sur près de 18 kilomètres entre les glaciers Hrútárjökull et Fjallsjökull. Formée par des milliers d’années d’activité volcanique et de fonte glaciaire, elle rappelle combien la géologie islandaise est en mouvement permanent. Ici, les volcans façonnent le relief autant que la glace le transforme. Les couleurs changent à chaque heure : à l’aube, les icebergs prennent des reflets argentés ; à midi, la lumière les rend d’un bleu éclatant ; au crépuscule, ils se teintent d’or et de rose. Cette palette infinie attire photographes, cinéastes et voyageurs en quête de paysages bruts et changeants.

© AdobeStock

Sécurité et respect des lieux

Contrairement à la célèbre plage de Reynisfjara, réputée pour ses vagues meurtrières, Diamond Beach est considérée comme relativement sûre. Cependant, elle n’est pas sans danger. Les icebergs, instables par nature, peuvent se retourner sans prévenir. Grimper dessus est strictement interdit, tout comme s’aventurer trop près de l’eau. Les courants marins et les températures, rarement supérieures à 2 °C, peuvent transformer une imprudence en tragédie. Après plusieurs incidents, les autorités islandaises ont instauré des amendes dissuasives pour protéger les visiteurs et les secouristes. Les guides locaux rappellent régulièrement qu’ici, la glace vit, bouge, respire presque, et qu’il faut l’admirer à distance, sans la défier.

Les voyageurs qui prennent le temps d’observer depuis la berge ressentent mieux la grandeur du site : le grondement sourd des blocs qui se heurtent, le craquement des glaces en dérive, le souffle glacé du vent venu du Vatnajökull. Tout semble suspendu entre la mer et la montagne.

Une étape incontournable de la côte sud

Située à mi-chemin entre Skaftafell et Höfn, Diamond Beach est facilement accessible depuis la Route 1. Le site fait partie des arrêts emblématiques de la côte sud, au même titre que les chutes de Skógafoss ou la plage de Vik. Des excursions en bateau amphibie ou en zodiac sont proposées sur la lagune pour approcher les icebergs de près et observer la langue glaciaire. Les départs se font toute l’année, même si l’hiver offre une atmosphère plus mystique encore, entre lumière rasante et silence polaire. De nombreux voyageurs choisissent aussi d’y venir au lever ou au coucher du soleil, quand la plage est plus calme et que la lumière révèle les reflets bleus et dorés des glaces. En hiver, les aurores boréales ajoutent une dimension presque irréelle au décor.

Diamond Beach et Jökulsárlón ne sont pas seulement des merveilles naturelles : ce sont des lieux qui rappellent la puissance de la Terre et la fragilité du climat. En quelques heures sur place, le visiteur passe de l’émerveillement à la réflexion. Face à ces blocs de glace qui s’effacent lentement, il est impossible de ne pas ressentir un mélange de respect, de fascination et de mélancolie.

Et avant de partir, pensez à consulter les prévisions météo sur La Chaîne Météo Voyage et à télécharger l'application mobile gratuite Bloc Marine.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
Max Billac
Max Billac
Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…
Cyrille Duchesne
Cyrille Duchesne
Cyrille Duchesne
Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...
Irwin Sonigo
Irwin Sonigo
Irwin Sonigo
Capitaine 200 et ancien embarqué dans la Marine nationale, Irwin Sonigo a exploré toutes les facettes de la navigation. Des premiers bords sur un cotre aurique de 1932 à la grande plaisance sur la Côte d’Azur, en passant par les catamarans de Polynésie, les voiliers des Antilles ou plusieurs transatlantiques, il a tout expérimenté. Il participe à la construction d’Open 60 en Nouvelle-Zélande et embarque comme boat pilote lors de la 32e America’s Cup. Aujourd’hui, il met cette riche expérience au service de Figaro Nautisme, où il signe des essais et reportages ancrés dans le réel.