Dans la course au développement des énergies marines renouvelables, l'obstination de la petite entreprise bretonne Sabella pourrait finir par payer: son hydrolienne, entièrement fabriquée en France, pourrait être la première à l'automne à produire de l'électricité dans l'Hexagone, devançant des géants tels qu'Alstom et DCNS.
Seule une poignée d'hydroliennes dans le monde produit actuellement de l'électricité grâce à la force des courants marins. Il s'agit d'unités isolées en test. Cependant, une exploitation industrielle se dessine à moyen terme, le potentiel mondial étant de 75 à 100 gigawatts, dont 8 au Royaume-Uni et 3 en France.
Alstom et DCNS fondent de grands espoirs sur le potentiel de ces "éoliennes" sous-marines. Dans le seul raz Blanchard, au large du Cotentin, le courant pourrait générer deux fois plus d'électricité que le réacteur nucléaire EPR en construction sur la côte.
Cependant, "D10 (hélice de 10 m de diamètre) risque d'être la première hydrolienne raccordée au réseau en France", assure Jean-François Daviau, président de Sabella, lors d'un entretien dans les locaux de l'entreprise, à Quimper. La turbine, dont la construction est en cours dans plusieurs régions, sera immergée fin octobre dans le Fromveur, une zone de forts courants au large de la pointe bretonne. En test pendant un an, elle produira cependant de l'électricité pour l'île d'Ouessant.
C'est que la PME, qui emploie cinq personnes, a déjà un beau palmarès à son actif: la première immersion d'une hydrolienne en France, un prototype baptisé D03 et plongé en 2008 dans l'estuaire de l'Odet (Finistère).
L'entreprise travaille alors au développement de la turbine D10 d'un mégawatt. Le projet est évalué à 12 millions d'euros. Sabella parvient à réunir 7 millions, dont les deux tiers en aides publiques, ainsi que 3,5 millions grâce à des partenariats privés. Une levée de fonds est en cours pour trouver le million et demi restant.
Mais Jean-François Daviau est confiant. Surtout depuis que GDF Suez l'a pré-selectionné en juin pour ses développements futurs dans le Fromveur.
"C'est une belle histoire", témoigne Pierre KarlesKind, vice-président du Conseil régional de Bretagne. "C'est vraiment l'histoire du petit poucet qui arrive à développer un modèle", ajoute-il, se félicitant du côté "100% Français de l'hydrolienne Sabella". Une machine qui pourrait s'exporter au Canada, au Chili, en Argentine ou encore en Inde.
"Aujourd'hui, sur les dix acteurs du secteur de l'hydrolien dans le monde, il ne reste plus que deux entreprises, dont Sabella, qui n'ont pas été rachetées par des grands groupes", assure Jean-Christophe Allo, jeune chef de projet chez Sabella. Pour combien de temps... "On commence à être approché", sourit Jean-François Daviau.
LIRE AUSSI: