La pollution et le bétonnage déciment les minuscules larves de poissons qui s'approchent des côtes méditerranéennes pour grandir. Au nom de la biodiversité, des chercheurs prélèvent en mer les futurs loups et rascasses, les élèvent en aquarium et les relâchent quand ils sont plus costauds.
Au Barcarès, dans les Pyrénées-Orientales, le Centre de recherches sur les écosystèmes marins (CREM) est l'un des sept sites méditerranéens choisis, de la frontière espagnole à Port-Cros, dans le Var, en passant par la Corse, pour mener à bien le projet Sublimo, d'un coût d'1,9 million d'euros financé pour moitié par le programme européen Life.
Les chercheurs sont partis du constat des hécatombes subies par les post-larves de poissons, c'est-à-dire les larves écloses en mer au moment où elles s'animent pour rejoindre les "nurseries" côtières où elles se développent et deviennent juvéniles. "Les habitats sont dégradés en raison de la pollution de tous les bassins versants et de l'impact physique des aménagements côtiers", explique Philippe Lenfant, spécialiste d'écologie marine et pilote du projet qui associe les Universités de Perpignan et de Corte et le CNRS. A quoi s'ajoutent les effets de la surpêche, qui n'est pas forcément cotière. La mortalité à ce stade peut aller jusqu'à 99% et on "a une perte de biodiversité", dit-il. On assiste à un "paradoxe", des prédateurs comme les loups se "font manger par les bas niveaux trophiques", des poissons situés en dessous dans la chaîne alimentaire et qui leur servent d'ordinaire de repas, explique le chercheur. En raison de la dégradation de leurs nurseries, les jeunes "top prédateurs" dépensent beaucoup d'énergie pour s'alimenter, ne grossissent pas et finissent par être gobés par exemple par les gobies, "espèces opportunistes dotées de capacités d'installation phénoménales".
Le projet, lancé fin 2011 et qui doit durer jusqu'en avril 2015, vise à améliorer les connaissances des spécialistes sur les post-larves et faire de la restauration en les élevant à l'abri des prédateurs.
Le projet, qui a également permis aux chercheurs de constituer un "atlas du développement" des post-larves, constitue une "piste pour la pêche durable" qui intéresse les pêcheurs: "c'est une très bonne chose, ça pourrait permettre le repeuplement d'espèces un peu fragiles", dit Alex Fabre, président du comité interdépartemental des pêches de l'Aude et des Pyrénées-Orientales. De même, "ça peut permettre de faire un diagnostic, voir les poissons qui se portent bien et ceux qui sont fragilisés par les virus et les toxines. Il y a tellement de choses qui se déversent dans la Méditerranée qu'on est à l'abri de rien".