La baie de Somme est en danger

Par AFP/Nautisme.com

Une baie qui s'ensable, de moins en moins d'eau, des prés qui se multiplient: la baie de Somme, classée Grand site de France, connaît une évolution qui risque de compromettre sa vocation maritime avec des répercussions sur l'économie, le tourisme et l'écologie.

Une baie qui s'ensable, de moins en moins d'eau, des prés qui se multiplient: la baie de Somme, classée Grand site de France, connaît une évolution qui risque de compromettre sa vocation maritime avec des répercussions sur l'économie, le tourisme et l'écologie.

"Le changement existe depuis très longtemps, ça fait à peu près 1.000 ans qu'il y a un ensablement", explique Patrick Triplet, directeur de la réserve nationale de la baie de Somme. "C'est une dynamique naturelle mais qui a été accélérée par les constructions de l'homme: la poldérisation (conquête des terres sur la mer grâce aux digues, ndlr) a diminué la surface de l'estuaire et la canalisation de la Somme a fait qu'on n'a plus d'effet de chasse sur l'ensemble de l'estuaire" que rendrait possible un gros débit d'eau, explique-t-il.

Quand le visiteur se rend au belvédère de l'église de Saint-Valery-sur-Somme (qu'il faut prononcer Valry) et contemple les 70 km2 de la baie, il aperçoit, même à marée haute, peu d'eau et de nombreuses "mollières", ces prairies salées qui font le délice des moutons. Selon M. Triplet, il y avait 40 hectares de végétation au début du XXe, contre..."plus de 2.000 aujourd'hui", soupire-t-il. Aussi, il est loin le temps où l'on pouvait pratiquer le char à voile à côté du Crotoy. Les bateaux doivent eux zigzaguer entre les bancs de sable pour arriver à bon port au Hourdel, à Saint-Valery ou au Crotoy. Certains pêcheurs à pied se sont eux reconvertis dans la mytiliculture, l'élevage des moules, au nord de l'estuaire.

Cette évolution de la Baie de Somme, qui fait partie du "club des plus belles baies du monde" avec celles d'Ha-Long (Vietnam) ou de San Francisco, pourrait sonner le glas du tourisme et de l'économie liée à la mer (pêche, activités nautiques) et profiter à l'agriculture. "Les gens ne viendront plus dans la baie de Somme pour voir de l'herbe: les couchers de soleil sont magnifiques avec ces superbes reflets, quand ce sera tout vert...", s'inquiète M. Triplet. Autre sujet de préoccupation avec le passage du règne animal au règne végétal, les oiseaux migrateurs. "S'il n'y a plus rien à manger, ils ne vont plus venir et vont changer d'endroit", prévient Julia Bastide, chercheuse dans un laboratoire du CNRS.

Face à cette situation, les pouvoirs publics ne sont pas restés les bras croisés. Le conseil départemental, en charge des ports, a depuis les années 1980 multiplié les actions pour préserver leurs accès. "La principale action a été de maintenir les chenaux d'accès aux ports en mettant en oeuvre différents types de chasse", explique Roland Caron, directeur du développement des infrastructures au conseil départemental.

Des bassins pour stocker l'eau et des chasses hydrauliques ont été conçus, avec le même principe que pour les toilettes, créer ponctuellement un gros débit d'eau pour repousser les sédiments. Mais là aussi, attention au casse-tête: "il faut que la vitesse de l'eau libérée soit supérieure à 0,60 m/s pour décoller les sédiments mais il ne faut pas que ce soit supérieur à 1 m/s pour que les bateaux ne s'en aillent pas", dit M. Caron.

Autre projet sur la table, la "dépoldérisation" d'une trentaine d'hectares de la baie, à la ferme Caroline. Alors que pendant des siècles, les hommes ont tenté de gagner des terres sur l'eau, devenues très fertiles, le phénomène s'inverserait. "En raison des restrictions budgétaires, on essaye de revoir le projet en en conservant le principe, à horizon 2020", dit M. Caron. Plus que la "dépoldérisation", certains fondent leur espoir sur l'extraction du sable de la baie. "Plutôt que de creuser des trous dans l'arrière pays, exploitons les gisements de sable directement dans l'estuaire", plaide M. Triplet, réclamant une étude de faisabilité.

L'écrivaine Colette, subjuguée par les paysages de la baie à marée basse, écrivait au début du XXe, "la mer est partie si loin qu'elle ne reviendra peut-être jamais". Une phrase prémonitoire ?


L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
Max Billac
Max Billac
Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…