Toujours en tête, Alex Thomson devrait franchir la longitude du cap des Aiguilles ce jeudi vers 20h (heure française), soit après moins de 18 jours et demi de course ! Un temps canon qui permettra au Britannique d'entrer dans l'océan Indien avec toujours cent milles d'avance sur son dauphin Armel Le Cléac'h. Et derrière la meute des poursuivants s'étale sur plus de 3 500 milles, avec un peloton encore bloqué dans une bulle sans vent…
À ce rythme, Alex Thomson (Hugo Boss) aura tenu une moyenne de 15,9 nœuds depuis le départ des Sables d'Olonne et son passage dans l'Indien correspondra approximativement au temps établi par le catamaran Orange II en 2002 avec treize hommes à bord ! C'est dire si non seulement les monocoques IMOCA d'aujourd'hui sont extrêmement rapides mais aussi que les conditions météorologiques ont été particulièrement favorables pour les leaders.
Coup de chaud à Frio
Mais ce qui marque surtout à l'orée du passage du premier des trois caps de ce tour du monde, ce sont les incroyables écarts entre le leader et le reste de la flotte : coincé dans une bulle à 700 milles au large du cap Frio (Brésil), le peloton voit les « retardataires » s'intégrer au groupe puisque le Hollandais Pieter Heerema (No Way Back), le Suisse Alan Roura (La Fabrique) et l'Irlandais Enda O'Coineen (Kilcullen Voyager-Team Ireland) sont désormais à portée de lance-pierres et suffisamment décalés dans l'Ouest pour espérer toucher le nouveau vent de secteur Nord-Est en premier ! Un coup d'aiguille dans le derrière de cette cohorte et qui annonce une belle bagarre dès ce jeudi après-midi quand la bulle va imploser sur place.
Car ces treize solitaires devront encore patienter quelques heures avant que les dures chaleurs tropicales ne fassent place à un léger souffle permettant de se sortir de cette nasse : l'aiguillon de la compétition ne doit pas cacher que dans ce mano a mano, c'est Éole qui va faire le tri. En tous cas, ce nouveau départ à 2 500 milles du cap des Aiguilles préjuge d'une âpre bataille pour prendre l'ascendant sur Kito de Pavant (Bastide Otio) qui est désormais quasiment à la même distance que Louis Burton (Bureau Vallée), mais 500 milles plus dans le Sud-Ouest. Le Méditerranéen peut enfin glisser en étant le premier à accrocher la nouvelle dépression qui sort d'Argentine et qui doit pousser toute cette flotte jusqu'au cap des Aiguilles.
Croisement au milieu de l'Atlantique
Entre ce cap mythique et le cap Frio, un trio s'offre aussi une belle empoignade : Jean-Pierre Dick (StMichel-Virbac) et Jean Le Cam (Finistère Mer Vent) ont même croisé leur route dans la nuit quand Thomas Ruyant (Le Souffle du Nord pour le projet Imagine) leur met la pression à une centaine de milles. Les trois skippers en ont encore pour une petite semaine avant d'entrer dans l'océan Indien, mais ils devraient connaître dès la nuit prochaine une sacrée accélération avec l'arrivée de la perturbation argentine.
Ce n'est pas le cas pour les leaders qui ont vu cette nuit, le tempo nettement ralentir : le front froid qui les avait propulsé à grande vitesse dans les Quarantièmes n'est plus et c'est en bordure Sud de l'anticyclone de Sainte-Hélène qu'ils naviguent désormais dans une quinzaine de nœuds de secteur Ouest-Nord Ouest. Alex Thomson n'est ainsi plus qu'à seize nœuds de moyenne, mais c'est aussi le cas pour tout le groupe de tête jusqu'à Yann Éliès (Quéguiner-Leucémie Espoir) qui n'a pas tout à fait perdu le contact.
Certes le Gallois va exploser le temps de référence établi en 2012 par Armel Le Cléac'h (22j 23h 46', avec environ 4h d'avance sur Jean-Pierre Dick et François Gabart) avec un delta sur son dauphin d'environ sept heures, de plus d'une journée sur le troisième Sébastien Josse (Edmond de Rothschild) et de trois jours sur Jérémie Beyou (Maître CoQ) ! Et même si le week-end s'annonce plutôt paisible aux abords du « mur de glaces » par 42°S, la remise en cause de la suprématie du Britannique n'est pas encore à l'ordre du jour : un sacré coup d'aiguille pour l'armada française…