Les 25 Imoca du 8e Vendée Globe naviguent du 22° sud au 47°sud : la flotte s'étire ce soir sur 4 336 milles, soit 8 000 km ! Tandis que Didac Costa (25e) caracole en short au large du Brésil, Armel Le Cléac'h (1er) a sorti les moufles, le bonnet et les sous-couches au pays des albatros et des manchots. Les marins ne vivent pas dans le même monde. Le groupe de tête continue de glisser, tandis qu'en queue de peloton, derrière la bulle sans vent qu'ils s'apprêtent à quitter, les skippers vont être cueillis par une grosse dépression en provenance de l'Ouest. 35 nœuds fichiers… Comprenez que le vent peut monter au-delà de 45 nœuds. Il va y avoir du sport dès mercredi soir !
Ils vont être cueillis à froid. Le groupe des 15 bateaux, de Didac Costa 25e à Louis Burton 11e, étudie depuis hier soir cet œil rouge aux grosses barbules qui déboule du sud-ouest de l'Atlantique sud. « Une dépression, c'est une dépression. Qu'elle soit du Golfe de Gascogne ou du Sud, ça reste une dépression » confiait le Suisse Alan Roura (La Fabrique) ce matin, visiblement ravi de pouvoir enfin naviguer dans des conditions toniques. Les choses sérieuses vont donc commencer pour ces marins dont les trois-quarts (11 sur 15) sont des bizuths du Vendée Globe. Cette dernière journée dans des vents faibles leur a donc permis de se préparer à rentrer dans le dur : sortir les voiles de petite taille, amener le matériel sur l'arrière du bateau, déballer les sacs de nourriture à haute teneur en calorie pour affronter le vent et la froidure… pendant un mois. Même Arnaud Boissières (17e), qui rentre pour la troisième fois dans les mers du Sud, est paré : « On fait plus attention à tout, vérifier si le matériel est bien accroché. Je me sens prêt. J'ai bien la pêche, c'est cool de voir la fin de l'Atlantique. On va rentrer dans l'Indien dans la semaine. C'est excitant et ça fait un peu peur, mais c'est génial. Sur les deux derniers Vendée Globe j'avais pas mal marché dans les mers du Sud. » Jeudi 1er décembre donc, tous navigueront dans des conditions musclées, à doser le curseur pour ne rien casser.
Naviguer groupé : sécurité et motivation supplémentaire
Les marins sont d'accord pour dire que naviguer groupé, comme le font en ce moment même Fabrice Amedeo (Newrest-Matmut) 12e, Kojiro Shiraishi (Spirit of Yuko) 13e et Conrad Colman (Foresight Natural Energy) 14e a quelque chose de rassurant. Thomas Ruyant (Le Souffle du Nord pour le projet Imagine), 8e, avouait cet après-midi que « C'est chouette de naviguer de concert avec d'autres bateaux dans ces coins-là. On est un petit groupe de 3 bateaux dans le même système météo, c'est rassurant. » En tête de course aussi, au beau milieu de l'océan Indien, la solitude est piquante. Même Armel Le Cléac'h s'est livré ce matin sur cet isolement et cet éloignement avec les terriens : « Il y a des moments où tout va bien à bord et d'autres où le moral est un petit peu plus bas, car il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. J'essaie de ne pas trop y penser, de prendre les choses au jour le jour. Il faut prendre son rythme et essayer de tenir mentalement et physiquement avec la fatigue, le froid, le décalage horaire aussi. La route est longue et on n'est pas à l'abri de problèmes. » Oui la route est longue sur un Vendée Globe. Le secret de la réussite passe sans doute par la détermination et l'humilité face aux éléments.