Vendée Globe - Sébastien Destremau: "C'est inhumain"

Par AFP/Nautisme.com

"C'est inhumain": seul en mer depuis trois mois, Sébastien Destremau est le dernier concurrent du Vendée Globe, une course qu'il qualifie malgré tout de "fabuleuse" et qu'il devrait clore vers le 10 mars aux Sables d'Olonne.

"C'est inhumain": seul en mer depuis trois mois, Sébastien Destremau est le dernier concurrent du Vendée Globe, une course qu'il qualifie malgré tout de "fabuleuse" et qu'il devrait clore vers le 10 mars aux Sables d'Olonne.

Destremau, marin d'aventure de 52 ans, s'est confié dans un entretien à l'AFP alors qu'il naviguait au large des Açores. En manque de nourriture et après avoir eu les cotes cassées, il devrait franchir la ligne après 125 jours de mer, pour se classer 18e.

Q: Vous connaissez des conditions de course très difficiles mais pourtant vous semblez avoir le moral...
R: "Ca changerait quoi si je n'avais pas le moral ? C'est exactement la même chose, je n'ai pas encore vu de supermarché sur la route ou de station essence pour faire le plein ! Il faut faire avec ce qu'on a. Je préfère bien vivre ce qu'il se passe, ce n'est que de la nourriture, ça ne met pas en péril le projet. C'est un détail par rapport à la difficulté de l'épreuve elle-même. Alors par contre, ça parle à tout le monde. Quand on est terrien, on mange matin, midi et soir et quand on a faim on ouvre le frigo et on se sert. Elle est ennuyeuse cette difficulté mais elle n'est pas importante, elle n'empêche pas le bateau de naviguer. Le bateau doit couper la ligne d'arrivée, par la porte par la fenêtre mais il faut qu'il coupe la ligne d'arrivée".

Q: Vous en rêvez de cette ligne d'arrivée ?
R: "Ouais. Je rêve d'entendre le coup de sifflet. On tire un trait, un vrai trait. On ne peut plus se prendre un chalutier, démâter, ou autre. Ce moment-là, je l'attends avec énormément d'impatience, depuis le départ. Clore, on termine ce qu'on a commencé. Tant qu'on n'a pas coupé, on n'a rien fait. Rien".

Q: Comment qualifieriez-vous l'expérience que vous vivez depuis le départ, le 6 novembre ?

R: "Je n'ai qu'un seul mot pour décrire ce qu'est le Vendée Globe: c'est inhumain. C'est un mot qui peut être négatif mais il ne l'est pas. Ce n'est peut-être pas inhumain pour les premiers, qui vivent autre chose, qui ont un objectif de résultat. Mais c'est inhumain de faire 120 jours. Ca n'existe nulle part ailleurs, il n'y a rien de comparable à ça. N'importe où dans le monde, vous tirez la sonnette d'alarme et on vient vous cherchez en hélicoptère. Là, il peut se passer jusqu'à dix jours de navigation pour retoucher terre. Ce n'est pas humain ça. Mais c'est absolument fabuleux. Et on n'est pas des surhommes. On est tout à fait normaux mais on s'est mis dans une situation inhumaine".

Q: Avez-vous peur ?
R: "J'ai peur tout le temps. Peur constamment que ça s'arrête. Le moment le plus difficile que j'ai traversé a été quand le bateau s'est retourné dans l'océan indien et que je me suis cassé les côtes. Là je n'ai pas eu peur. Mais j'ai cette peur lancinante et constante de ne pas savoir si dans cinq minutes vous serez encore debout en train de marcher vers l'arrivée. C'est vraiment dur à vivre".

Q: Après 120 jours de mer, ressentez-vous des manques ?
R: "Je suis parti sans aucune musique, aucun bouquin, pas d'alcool, ni cigarettes, aucune photo. Je n'ai rien emmené. Je n'ai reçu aucune nouvelle depuis la terre, aucune nouvelle de ce qu'il se passe dans le monde. Je sais que Trump a été élu président des Etats-Unis et j'ai entendu dire que Fillon était dans la merde. Je ne sais pas pourquoi et je ne veux pas savoir. J'ai tout laissé à terre. Je fais une parenthèse, ça ne sert à rien d'emmener le monde avec nous sur ce voyage-là, ça n'aurait aucun intérêt. Mes enfants me manquent".

Q: Vous êtes le dernier de la course. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
R: "Couper la ligne du Vendée Globe en dernière position ce n'est pas finir dernier et c'est très important pour moi. Les derniers sont ceux qui ne sont pas parvenus jusqu'à la ligne d'arrivée. Quelle performance exceptionnelle que de gagner le Vendée Globe. Mais après, finir second, 8e ou 18e, on en n'a rien à foutre. C'est déjà une victoire de prendre le départ, couper la ligne d'arrivée est un miracle. Cerise sur le gâteau, le fait que je me retrouve dernier classé me permet de fermer toutes les portes".

Q: vous avez d'ailleurs fabriqué une clé avec un cintre et des bouts de bois pour fermer derrière vous les points de passage mythiques...
R: "Je trouvais sympa et joli que le dernier sur l'eau ferme les portes. Après moi, il n'y a plus personne, le Vendée Globe c'est terminé. Je fermerai la porte du Vendée Globe la semaine prochaine et je remettrai cette clé au directeur de course, symboliquement une fois que j'aurais débarqué du bateau".


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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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