Promeneurs dégoûtés, voiliers privés d'accès à la mer : de Barfleur (pointe est du département de la Manche) à Caen-la-mer, nombre de plages normandes sont souillées depuis fin juin par des amas d'algues à l'odeur parfois infecte.
Dans la station balnéaire de Lion-sur-mer, l'odeur est perceptible dès l'entrée de la commune. Lorsqu'on approche de la mer, et des amas de parfois quelques dizaines de cm d'épaisseurs, elle monte à la tête. Mais le sable n'en est pas moins parsemé de vacanciers. "Ca sent comme les égoûts mais au bout de quelques heures on s'habitue", trouve Soizic Allard, une jeune maman "du coin", 25 ans, de retour de la plage. "Quand on est arrivés, ça sentait plus fort. Mais il y a les mouches aussi", ajoute son ami Alexis Marie.
A deux heures de route à l'est de là, à Barfleur, l'école de voile a dû annuler les stages du matin. "Y a environ 60 cm d'épaisseur d'algues bien compactées. Du coup, impossible de faire passer les bateaux", témoigne son directeur Camille Yvon qui n'a jamais vu ça l'été.
A Lion-sur-mer aussi, "à un moment, on pouvait pas mettre les bateaux à la mer. Il y avait 1,50 mètres d'algues. Moi je fais 1,78 m, je me suis retrouvé avec des algues à mi-cuisse", explique Michel Siquot, le président du Club Pêche/plaisance de Lion-sur-mer. Selon lui, un pêcheur enlisé dans les algues s'est même évanoui le 29 juin vers 18h00 avant de revenir à lui en présence des pompiers.
Daniel Roupsard, adjoint au maire de Courseulles-sur-mer, se désole lui aussi. "La tâche est immense. Ce matin, on a remis quelques semi-remorques d'algues à la mer. Mais là, ça se voit pas (la mer est remontée ndlr). Avec ces vents d'est qui ramènent tout et les faibles coefficients de marée, c'est un éternel recommencement", explique-t-il.
Selon le Centre d'études et de valorisation des algues (Ceva), nombre de plages situées entre Barfleur et Caen-la-mer sont touchées par ce mélange de sargassum muticum, d'algues vertes et d'algues rouges. La plus visible est la sargasse qui recouvre les autres. "On a survolé la Normandie le 3 juillet et observé de très très gros échouages, des tas énormes", explique Sylvain Ballu du Ceva.
La sargasse, arrivée en Normandie avec les huitres japonaises dans les années 70, distincte mais de la même famille de la sargasse des Antilles (sargassum fluitans), est moins susceptible d'émettre des gaz toxiques que les algues vertes car elle laisse davantage passer l'air mais, avec "une épaisseur d'un mètre ou 50 cm", elle peut poser les mêmes problèmes.
Selon le chercheur, les volumes importants sont dus à des vents qui ont détaché les algues de platiers rocheux. La forte chaleur a pu jouer indirectement car elle engendre des vents inhabituels.