Après un mois de course en solitaire, Isabelle Joshcke (MACSF) revient en vacation sur son quotidien, ses sentiments et sa manière d'appréhender cette aventure aujourd'hui.
“ Ça va bien aujourd’hui, c’est un peu usant mais je commence à m’y faire à ces conditions pas faciles. Je dois avouer qu’on est secoués. Le vent accélère et décélère constamment donc il n’y a pas de constance à bord. Soit le bateau avance trop lentement, soit il se met à accélérer super vite et donc je dois faire attention à ne pas me retrouver entre deux vagues. Ce n’est pas de tout repos.
On a énormément réduit notre pourcentage de potentiel. Je n’imaginais pas qu’on puisse autant réduire ses vitesses cibles. C’est impossible d’avancer vite dans ces conditions. Et du coup par rapport à la flotte, je suis mes vitesses, mais j’essaye surtout de suivre mon feeling et comment je ressens le bateau car j’ai l’impression peut-être qu’à chaque bateau et là où il se trouve par rapport à la dépression, il va avoir la possibilité d’accélérer un peu plus. Et surtout j’essaye de plus en plus de me préserver : dans les manœuvres, j’y vais tout doux... Et j’essaye aussi de préserver le bateau un maximum car ça fait un mois que je suis en mer donc je sens qu’il commence à y avoir de l’usure : si le bateau doit finir le tour, il faut faire attention à lui.
Avant le départ je me voyais potentiellement bien placée, mais je ne me rendais pas compte de ce que ça coûtait d’être bien placée. Je n’imaginais pas un début de course aussi difficile. Je pense que j’imaginais mon Vendée Globe un peu moins dur , surtout psychologiquement. Je prends du recul, ça fait une semaine que je suis dans les mers du Sud et je me demande ce que je fais là et ce que je vais rencontrer là. Je me sens quand même une toute petite chose devant les éléments, je me sens plus fragile que dans l’Atlantique. Je ne l’avais pas autant anticipé.
Est-ce que ça tape pendant un mois comme cela dans les mers du Sud ? J’aimerais bien qu’on me dise si ça tape comme ça pendant un mois car là je vais devenir dingue. Je regarde toujours à 2-3 jours, heureusement que j’ai une cartographie, ça me permet de m’accrocher à certaines choses, c’est comme quand on fait de l’escalade et qu’on s’accroche un petit peu plus haut, pour moi c’est l’Australie, puis la Nouvelle-Zélande et l’entrée dans le Pacifique. Je me demande si ça va être dur pendant plus d’un mois, je suppose que non et qu’il y aura des périodes de calme notamment dans une grosse semaine où on sera pris dans un anticyclone. Ça fera sans doute du bien, ça permettra de réparer le bateau.
Je regarde à moyen court terme et j’espère qu’à plus long terme des choses changent même si je sais que je vais m’habituer et que le temps passe. Paradoxalement, les journées passent vite alors qu’il y a quelque chose qui se ressemble depuis que je suis dans le Sud, hier ressemble à aujourd’hui et à avant-hier. Au niveau du temps, quelque chose à vraiment changé, avant chaque journée était différente, tout était dans l’action, et là c’est comme si le temps s’étirait. J’ai du mal à appréhender tout ça, donc pour l’instant je me raccroche à l’Australie. "