Vivre et relever les défis des mers ensemble: sur les quais de la ville méditerranéenne de Port-de-Bouc, près de Marseille, un majestueux trois-mâts, navire-école, réunit un équipage multinational, dont des Ukrainiens et des Russes opposés à la guerre menée par Moscou.
Avec son imposante proue en forme de lion, sa coque en bois et ses mâts de 33 mètres dotés de voiles écru, le Shtandart est une réplique d'un navire du XVIIIe siècle qui appartenait à la flotte de la mer Baltique du temps du tsar et empereur de Russie Pierre Le Grand (1672-1725).
C'est en 1994 qu'une équipe de volontaires passionnés d'histoire, de navigation et de savoir-faire manuel s'attèle à construire la copie du Shtandart initial à Saint-Pétersbourg (nord de la Russie).
Mis à l'eau en 2000, le trois-mâts navigue depuis des années à travers les mers d'Europe comme navire-école et participe à des festivals de vieux gréements, de la Finlande à la Grèce en passant par les Pays-Bas.
Opposé au président russe Vladimir Poutine, son capitaine, Vladimir Martus, n'est pas revenu en Russie depuis des années.
Depuis l'invasion de l'Ukraine le 24 février, le navire affiche sa solidarité avec le peuple ukrainien en faisant flotter le pavillon jaune et bleu, au côté de ceux des autres pays des membres de l'équipage: Russie, Belgique, France, Pays-Bas, Irlande, Allemagne.
"Ici sur le bateau, nous sommes comme une famille composée de plusieurs nations. En mer, on a des défis (...) que nous ne pouvons résoudre que si nous travaillons ensemble", confie à l'AFP Vladimir Martus.
Sans hésiter, il a accueilli à bord des réfugiées ukrainiennes, dont Ekaterina Gopenko, 33 ans. Elle avait décidé de rejoindre le navire en janvier, avant l'invasion, pour vivre une expérience sur un trois-mâts.
"Quand la guerre a commencé, j'étais en train de venir ici et quand je suis arrivée, j'ai réalisé que je n'avais plus d'endroit où aller car je ne pouvais pas rentrer en Ukraine. Donc le capitaine m'a dit que je pouvais rester ici aussi longtemps que je voulais", confie-t-elle à l'AFP.
En raison de son pavillon russe, le navire craint toutefois de ne plus pouvoir être accueilli dans des festivals européens ou même dans les ports, puisqu'une directive européenne réduit drastiquement l'accès aux bateaux russes.
"Pourtant, ce n'est pas un pétrolier, ce n'est pas le yacht d'un oligarque. Le message qu'envoie ce bateau est magnifique par les temps qui courent", remarque Laurent Belsola, maire de Port-de-Bouc.
"Le capitaine, son père est russe, sa mère est ukrainienne, il y a six ou sept nationalités qui vivent ensemble en toute fraternité, ils sont contre la guerre", poursuit l'édile de cette cité de 18.000 habitants dont beaucoup sont issus de l'immigration grecque, nord-africaine ou espagnole.