Microparticules dans l'océan Atlantique : les modèles statistiques de mesure en question

Courses
Lundi 30 janvier 2023 à 7h03

Grâce au capteur de microplastiques embarqué sur son IMOCA, Fabrice Amedeo collecte des échantillons tout au long des courses sur lesquelles il s’engage. L’objectif de cette mission, menée en partenariat avec l’IFREMER, l’Université de Bordeaux et l’IRD est double : échantillonner les microplastiques dans les eaux océaniques de surface, au large et dans des zones encore peu étudiées, afin de mieux cartographier et modéliser les déplacements de ces microparticules.

53 échantillons ont été prélevés sur le dernier Vendée Globe. Les premiers enseignements issus de l’analyse des filtres à 300 µm ont été dévoilés à Marseille au printemps dernier. Ils ont notamment montré que les eaux de surface de l’océan Atlantique sont deux fois plus polluées par les fibres de cellulose que par les microplastiques. Les différentes équipes menées par Enora Prado, Chercheur à l’Ifremer Brest, Lab. LDCM, Jérôme Cachot, Professeur des Universités à l’Université de Bordeaux, Lab. EPOC, Sophie Lecomte, Directrice de recherche CNRS, Lab. CBMN et Christophe Maes, Chargé de recherche IRD, Lab. LOPS, viennent de terminer l’analyse des filtres contenant les particules comprises entre 300 µm et 100 µm. Ils livrent leurs premières analyses après plusieurs mois de travail.

Une plus grande concentration de fibres de cellulose et de microplastiques

Tout d’abord, et ceci confirme les résultats publiés l’année dernière, il y a toujours dans ces nouveaux échantillons une grande majorité de fibres de cellulose, à hauteur d’environ 70%.

L’analyse spectroscopique montre que les fibres de cellulose sont 40 fois plus concentrées sur les tamis de 100 µm avec une répartition dans la colonne d’eau quasi équivalente à celles des microplastiques. « Malgré des différences hydrodynamiques entre leurs morphologies, les microplastiques et les fibres subiraient une dispersion dynamique similaire dans l’Océan du grand large » explique Christophe Maes.

On note une plus grande diversité de plastiques sur les tamis à 100 µm. Leur abondance augmente avec la diminution de leur taille : 100 % des échantillons issus des tamis de 100 µm contiennent des microplastiques contre 64 % pour les tamis 300 µm. La concentration moyenne est de 38 particules/m3 (34 fois plus importante que celle des particules de taille supérieure à 300 µm). Ceci peut notamment s’expliquer par une fragmentation plus rapide de certain type de plastique en très petites particules due à des processus à la fois biologiques, chimiques et physiques : l’abrasion, l’action des UV ou encore la biodégradation : « On s’y attendait, mais on avait peu d’idée sur le coefficient multiplicateur », confie Enora Prado. Y trouve-t-on plus de microplastiques primaires ou secondaires ? C’est difficile à dire dans l’état actuel des outils à disposition, mais au vu de la durée très longue de dégradation des macroplastiques, on peut estimer que ces échantillons très fins comportent principalement des primaires, c’est-à-dire issus du lavage des textiles en machine, à l’abrasion des pneus sur les routes et aux poussières des villes.

La différence entre l’Atlantique sud et l’Atlantique nord se confirme

Cette deuxième vague d’étude des eaux de surface au large confirme une véritable différence entre l’Atlantique Sud et l’Atlantique Nord. En effet, l’Atlantique Sud semble être légèrement moins contaminé par les microplastiques, ce qui soulève des questionnements au regard de la dynamique interne du gyre océanique subtropical (vers 30°S). Les prélèvements sur les filtres 30 µm ainsi que ceux de la dernière Transat Jacques Vabre entre le Havre et le Brésil, permettront de mieux cartographier la pollution microplastique de l’Atlantique Nord et d’affiner la différence de concentration entre le Sud et le Nord.

Comprendre les erreurs du passé et trouver les remèdes

Rappelons que ce projet d’envergure représente une opportunité sans précédent pour la communauté scientifique, collecter et analyser les microplastiques de différentes classes de taille, présents dans les eaux océaniques de surface pour lesquelles peu de données sont actuellement disponibles. Ce sont les négligences du passé qu’il s’agit de comprendre pour en définir les sources et entamer les actions correctives. Aujourd’hui la sensibilisation des citoyens à ne pas jeter les produits plastique dans la nature et le développement du recyclage à grand échelle sont des axes d’amélioration incontestables.   

« Nous avons besoin de mieux quantifier et caractériser la pollution des eaux du large pour savoir d’où elle vient, mais aussi pour mieux évaluer le risque associé à cette pollution pour les écosystèmes marins océaniques », explique Jérôme Cachot. « Globalement, c’est un terrain de jeu relativement nouveau pour la communauté scientifique. Cartographier les eaux marines du large représente un challenge car cela couvre des aires géographiques immenses pour lesquelles on a très peu de données. L’objectif est de parvenir à une modélisation pour obtenir une dynamique de la pollution aux microparticules : le transport de ces particules, les sources de production et les zones d’accumulation. Comme on ne peut pas agir partout, en même temps, il est important d’identifier les principales sources de pollution pour savoir où agir en priorité. Cet état des lieux de la pollution océanique au large devrait permettre d’initier de nouvelles politiques et réglementations pour limiter ces sources de pollution. Puis de mesurer ensuite l’efficacité de ces politiques et en suivre l’évolution dans le temps ».

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l'atout voyage et évasion de l'équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l'actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne. Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant Ros
Sophie Savant Ros
Sophie Savant Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l'édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com. Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l'Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
François Tregouet
François Tregouet
François Tregouet
Depuis toujours, François est passionné de voile en général et de multicoques en particulier. En croisière ou en course, de l’Europe à l’Australie, il ne les délaisse que lorsque le règlement l’exige : Mini-transat, Fastnet, Giraglia… Jamais rassasié de nouveautés, il a assisté à la plupart des salons sur les cinq continents. Depuis 2018 il se consacre entièrement à la rédaction et à l’information, notamment pour Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s'est toujours intéressé à l'équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l'auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d'occasion et qui décrivent non seulement l'évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
Max Billac
Max Billac
Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son Targa 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
Eric Mas
Eric Mas
Eric Mas
Eric Mas est l'un des fondateur de METEO CONSULT – La Chaîne Météo. Éminent spécialiste de météo, Eric est également un marin passionné qui a routé les plus grands skippers sur toutes les eaux du globe : VDH lors du premier Vendée Globe, Philippe Jeantot, Jean Maurel, Michel Desjoyeaux, Francis Joyon, et tant d'autres. Actuellement il participe au projet de Lalou Roucayrol sur son multi 50.
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…