Isabelle Joschke et Pierre Brasseur vont s’engager dans quelques jours à bord de l’IMOCA MACSF, dans un défi hors du commun qui va puiser dans leurs ressources physiques et mentales, et qui nécessite une préparation millimétrée. Bien en amont des courses, un plan culinaire se prépare dans certaines cuisines afin d’alimenter, de la meilleure des façons, un physique qui va être mis à mal.
Pour la Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre, les deux skippers emporteront des plats qui leur apporteront calories, nutriments et fibres, éléments extrêmement importants pour gérer les conditions difficiles en mer. Ils seront concoctés par Anne Lise Vacher Roubinet, spécialiste du plat déshydraté, et le chef étoilé Eric Guérin.
Le temps d’un avitaillement lourd et encombrant est depuis très longtemps révolu à bord des voiliers de courses. De même les plats lyophilisés, légers à transporter, laissent de plus en plus de place à des recettes qui retrouvent du goût. Bien manger permet d’être solide pour mieux endurer les efforts imposés par la compétition au large. De plus, il ne faut jamais négliger la notion de plaisir, très importante même en course.
Afin d’être dans les meilleures dispositions possibles, Isabelle Joschke apporte une attention très particulière à son alimentation. Un planning culinaire complexe est adapté à sa façon de naviguer, sa façon d’attaquer les premiers jours de course et sa physiologie.
« Sur un bateau de course, que ce soit lors d’une transatlantique ou d’un tour du monde, une bonne alimentation est indispensable. Sur la Transat Jacques Vabre nous allons emporter environ deux tiers de plats déshydratés préparés par Anne Lise Roubinet et un tiers de plats appertisés réalisés par le chef Éric Guérin. Je ne supporte pas l’alimentation lyophilisée, cela me provoque des troubles digestifs. Je n’ai surtout pas besoin de ça pendant la course.
Le procédé de déshydratation respecte l’aliment qui sera mieux assimilé par l’organisme. C’est un peu plus long à préparer mais en général j’en ouvre deux en début de journée. Le plat doit être placé environ deux heures dans l'eau chaude pour qu'il soit réhydraté et consommable. C’est assez long, mais une fois que c’est prêt j’ai mes repas pour la journée. Nous avons une relation particulière avec Anne Lise Roubinet que je connais depuis 2019 et j’adore ses plats. J'ai trouvé avec elle le type d'avitaillement dont j'avais besoin et je considère que c'est du luxe » analyse Isabelle.
Spécialiste du plat déshydraté, Anne Lise Roubinet prend en effet une part importante dans la conception des plats d’Isabelle : « Contrairement à tous les autres skippers, je fais du sur-mesure pour Isabelle. Elle se connaît très bien, donc j'adapte les recettes en fonction de ses besoins et de ses envies. Elle a vraiment un rapport particulier à la nourriture, ce qui est en adéquation avec ce que je pense. Nous sommes en total accord sur ce point et c’est ce qui fait que nous avons cette relation particulière. Ce travail en amont avec elle est très intéressant. Ses plats favoris sont le mafé et le curry Thaï, mais j’adapte également les plats en fonction des latitudes qu’elle va traverser. Ce sera moins le cas pour la Transat Jacques Vabre que pour le Vendée Globe. La déshydratation est un processus assez long, il demande du temps mais il garde quand même beaucoup plus de saveurs que le lyophilisé et conserve une part de vitamines ».
Pour la Transat Jacques Vabre, Isabelle Joschke aura le choix. Répartis dans deux grands sacs pour chaque skipper et compartimentés en sucré et salé, ces plats sont à disposition rapide en bas de la descente. Pas de caisse journalière, pas de planning, ça sera selon ses envies. « Je ne peux pas dire que le matin du mercredi 1er novembre j’aurai envie de manger de l’avocat, des œufs ou des céréales. Tout va dépendre de mes envies du moment et surtout de mon état. Les premiers jours sont toujours difficiles. Parfois, je ne peux rien avaler. Je peux aussi passer sur des barres de céréales, des abricots secs, des baies de goji, tout dépend de mes envies du moment. Côté boissons, c’est souvent de l’eau avec des pastilles ou du thé. ».
Chef étoilé du restaurant La Mare aux Oiseaux*, Éric Guérin est également un virtuose de l’appertisation. Il développe désormais de nombreuses recettes pour les marins et Isabelle peut compter sur des plats à son image.
« Pour Isabelle, nous faisons de la haute couture culinaire, c’est du sur-mesure. Isabelle a besoin de manger des petites quantités, mais plus régulièrement. Nous adaptons ses plats au niveau du contenu mais également du contenant. Cette démarche est très intéressante, c’est une recherche permanente. L’appertisation que je propose est un procédé de cuisson plus long que l’on monte à une certaine température. Il est ensuite conditionné sous vide. Ces plats peuvent être gardés un à deux ans à température ambiante. Ils peuvent être mangés froids ou chauds. Isabelle a un faible pour le couscous au chanvre et le homard au sarrasin. Il est possible de tout faire, c’est selon les envies du skipper » précise Eric Guérin.