Les « Jujus » font bégayer les IMOCA

Par Figaronautisme.com

« Jujus »… jus-te connu du sérail, le surnom du tandem formé par Justine Mettraux et Julien Villion pourrait faire le tour de la planète voile les jours prochains. Sur leur solide Teamwork de 2018, ils ont ouvert la voie du Nord et fondent maintenant sur Fort-de-France, menaçants la tête de course trustée par les derniers-nés de l’IMOCA. Et si les Jujus l’emportaient ?…

A quand faut-il remonter dans l’histoire de la course au large pour voir des bateaux distants de 800 milles avoir autant de chances de l’emporter alors qu’ils ne sont plus qu’à 900 milles du but ?! Peut-être à la Route du Rhum 1990 où Philippe Poupon avait contesté jusqu’au bout en déboulant par le Nord la victoire de Florence Arthaud qui glissait dans l’alizé vers Pointe-à-Pitre. Ce scénario, assez improbable il faut le dire à l’heure des routages océaniques ouverts à tous, se répète aujourd’hui et nul n’en connait encore l’issue.

En choisissant samedi soir dernier de virer de bord, laissant la meute des IMOCA filer au Sud vers l’alizé, Justine Mettraux et Julien Villion ont jeté une pièce en l’air mais ne manquaient pas d’arguments pour savoir de quel côté elle retomberait. Leur routage, qui les emmenait plein Ouest  sur un chemin certes tortueux et aléatoire, donnait à ce moment-là leur option gagnante de plus de 24 heures. Tout sauf le bord du facteur !

Une décision réfléchie

Bizarrement, seul Groupe Dubreuil (Simon-Martinez) suivait, puis un petit groupe d’IMOCA à dérives accompagné du foiler Medalia (Hare-Bubb). Le souvenir du méchant front traversé en début de course, l’appréhension de matraquer des bateaux récents, le calendrier serré des courses à venir, tout simplement le peu d’appétence des IMOCA pour le près, ont canalisé la flotte vers l’autoroute du soleil. « Avec nos bateaux, on n’a plus trop envie d’y aller dans ces conditions-là, confirmait Yann Eliès à la vacation ce matin. Paprec Arkea est un bateau neuf, pas vraiment fiabilisé. Il faut aussi avoir la machine qui va avec ce genre d’option »  Même son de cloche la veille pour Benjamin Dutreux sur Guyot Environnement-Water Family : « On a eu pas mal de petites casses sur les premières 24 heures de course et on trouvait ça dangereux d’y aller. On voulait aussi privilégier la régate au contact »

Les quelques 1300 milles qu’a parcouru Teamwork au près n’ont certes pas été de tout repos. Grisaille, changements incessants de voiles pour tenir la cadence dans des brises changeantes, navigation penchée et usante pour le corps comme le matériel « Plus jamais ça ! » plaisantait Julien Villion filmé par sa co-équipière, casquette fourrée vissée sur la tête et veste de quart sur le dos dans une vidéo postée avant-hier, … à quatre jour de l’arrivée. « Le sommet » comme baptisait le navigateur de cette route de montagne était atteint la nuit dernière au passage du front. Un front bien rugueux avec des grains à plus de 40 noeuds et visiblement un peu de casse sur le bateau qui a du stopper sa course jeudi matin pour réparer (le hook de grand-voile prédisent certains) et repartir

A l’assaut d’un sommet

« On a viré hier puis cravaché toute la nuit pour descendre des ténèbres. La dépression qu’on a traversé était un peu velue ! Comme prévu, le petit retard qu’on avait pris dans le front précédent fait qu’on s’est retrouvés plus nord que ce qu’on aurait voulu. C’était donc bien intense !

On a eu quelques malheurs qui nous ont bien handicapés, il a fallu les résoudre cet après-midi quand ça a enfin molli. On a donc du faire une petite pause dans notre cavalcade pour s’en occuper. On a essayé de faire au plus vite mais c’est toujours rageant de perdre du temps en chemin, surtout si ces minutes sont précieuses à la fin. On est repartis à fond et au maximum de nos possibilités. On va pouvoir se lâcher maintenant, ça glisse enfin ! » racontait le message du bord le lendemain.

Voici donc les Jujus dans des conditions enfin propices à la vitesse, en bordure de l’anticyclone des Bermudes qui se reforme. Reste que Teamwork est ce midi à 250 milles du leader For People car soleil ou pas, les petits copains charbonnent eux aussi… Bref, à la distance où se trouvent les bateaux de la Martinique, il faudrait que Teamwork navigue 25% plus vite que la concurrence d’ici samedi soir où sont espérés les leaders. Comme ces derniers avancent déjà à 20 noeuds de moyenne, il y a peu de chance que l’IMOCA datant de 2018 fasse exploser à ce point les compteurs. Mais en navigant dès la nuit prochaine en route directe vers l’arrivée après leur empannage, ils auront nettement moins de milles à parcourir sur l’eau que les bateaux qui glissent dans l’alizé, non pas en ligne droite mais en tirant des bords. Sur Paprec Arkea, deuxième au classement, Yann Eliès était formel ce matin à la vacation : « Ils vont toucher la rotation plus tôt que nous et descendre avec un meilleur angle. Quand on les route, je les vois finir avec nous à Fort-de-France ou au pire devant…»

Suspense total

C’est donc un finish à suspense qui se profile pour ce week-end, de ceux qui restent dans les annales de la course au large. Et qu’importe le résultat final, les Jujus auront de toutes façons rempli leur contrat comme le saluait joliment à la vacation hier Thomas Ruyant, qui caracole toujours en tête sur For People : « Je n’ai pas routé précisément leur bateau. Tout va dépendre de leur capacité à aller vite à un angle qui est moins facile que le nôtre au portant. Sur For People, on a vraiment envie de gagner, mais si c’est Justine et Julien qui l’emportent, je serais très content pour eux »

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…
Cyrille Duchesne
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...