De la Martinique au cœur de l’Atlantique, Yoann Richomme a découvert les automatismes de la navigation en solitaire, trouvé les bons réglages, tenu bon sur une mer croisée et réalisé un sacré coup tactique. À près de cinq jours de l’arrivée, le skipper de Paprec Arkéa, leader depuis dimanche dernier, revient sur son apprentissage express de l’IMOCA en solo.
Un départ éprouvant. « Jeudi dernier, on a vécu un départ très sympa en baie de Fort-de-France. Il a fallu jouer avec le dévent de l’île, parcourir la baie, contourner l’île et la zone interdite qui avait été définie par les organisateurs. Finalement, ça demandait pas mal d’efforts : j’ai laissé un peu d’énergie dans les 12 premières heures de course. »
Une remontée vers le Nord exigeante. « Ensuite, on a attaqué le long bord de près pour remonter quasiment jusqu’aux Bermudes. Cela semblait rectiligne mais ce n’était pas simple à gérer : le vent était instable, la mer croisée… C’étaient des conditions périlleuses pour les bateaux. C’est d’autant plus délicat et compliqué quand on est seul à bord. Rien n’est facile, tu dois veiller à éviter la moindre erreur. Et puis tu dois composer avec les autres : dès que tu captes du monde à l’AIS*, tu as tendance à les épier et ça peut te faire perdre de l’énergie… »
Un contournement audacieux. « En fin de week-end, on a commencé à contourner l’anticyclone. L’idée, c’était de parvenir à l’éviter tout en bénéficiant des dépressions qui se forment au Nord-Ouest et qui peuvent nous pousser jusqu’aux Açores. J’ai essayé de me positionner afin d’être le plus Nord de la flotte afin de bénéficier de conditions de vent légèrement plus conséquentes. C’est ce que j’ai réussi dimanche soir et ça m’a permis de prendre la tête de la course. C’était une belle satisfaction d’avoir réussi ce « petit coup » météo, sans me soucier des autres ! »
La suite, une fin de parcours engagée. « Nous sommes actuellement engagés dans un très grand bord tribord qui devrait nous mener jusqu’aux Açores. Nous sommes actuellement poussés par une dépression et je pense qu’il y en aura deux ou trois qui vont nous passer dessus dans les prochains jours. Ensuite aux Açores, le vent de Sud-Ouest va passer en Nord-Ouest et il devrait nous donner un bon angle pour repartir des Açores jusqu’en France. Ce sera à nouveau un très long bord jusqu’à l’arrivée. Cela semble relativement simple même si ça aura lieu dans des conditions dures, une météo d’hiver avec 25 à 35 nœuds tout du long. C’est engagé mais dans quatre à cinq jours, je serai à la maison ! »
Le sommeil. « On dit souvent qu’il est délicat de trouver le sommeil au début d’une course. Le corps doit s’habituer à ce dont il n’a pas l’habitude : la compétition, le rythme, l’influx nerveux… J’ai eu du mal à me reposer et c’est un peu ce que je dois encore améliorer. Mais j’arrive quand même à avoir un sommeil réparateur et à rester toujours lucide depuis le départ. »
L’apprentissage. « Oui, j’ai l’impression de beaucoup apprendre ! Lors des premières manœuvres en solo, il y a toujours un peu d’appréhension. Virement, empannage, prise de ris, changement de voile… Tu essaies de faire tout en étant le plus consciencieux possible même quand les conditions sont toniques. Il ne faut pas faire d’erreur, d’autant que ce sont des bateaux qui accélèrent très vite ! J’arrive à m’habituer en menant mon bateau à 100% mais ce que je dois encore apprendre, c’est parvenir à évoluer avec un pourcentage plus faible, tout en étant performant. Il faut faire preuve d’humilité : j’ai encore beaucoup à apprendre. »
*système couplé à la VHF du bord, qui permet de connaître les routes, vitesses et type de navire des bateaux aux alentours