The Transat CIC - Alan Roura : « Avant, je pouvais pleurer pour une poulie »

Par Figaronautisme.com

Si Alan Roura est arrivé heureux de sa première Transat anglaise, en 13e position, c’est que le Genevois revient de loin. Après un premier Vendée Globe où il se sera révélé aux yeux du grand public par son authenticité et sa joie de vivre, le marin avait rempilé, à 27 ans, pour un deuxième tour du monde en demi-teinte où les problèmes techniques ont eu raison de ses belles ambitions. Trois ans plus tard, après deux saisons à la barre de son nouveau bateau, noyé sous la pression et de premiers résultats en-deçà de ses espérance, c’est regonflé d’une nouvelle confiance qu’il a savouré une performance qui, au-delà du classement, marque un nouveau cap dans sa préparation au Vendée Globe : celui de l’accomplissement mental.

Alan, comment as-tu vécu, jour après jour, cette The Transat CIC ?

Je suis très content de mon départ, j’ai réussi à bien me positionner, je suis au contact avec les bateaux les plus rapides et cela me motive ! Mais le vent mollit rapidement derrière Groix et je me retrouve en souffrance avec mon ancien J2 qui est de petite taille et qui ne m’aide pas dans de si petites conditions. Je sais que ça va être dur, mais je m’accroche au long bord de reaching à suivre, qui me permet de remonter bateau après bateau. Je suis en mode « attaque », je sens que le bateau se sent bien. Moi un peu moins ! (Rires) Je suis malade, je n’arrive pas à manger, je me sens faible… C’est la première fois que ça m’arrive mais ce n’est pas grave, j’attaque !

Quand arrive la première dépression, j’ai bien en tête comment je veux gérer la première phase de transition. Je suis mon tracé, je fais comme je le sens, j’essaye de toiler le bateau comme il faut et je tape dedans. La mer est forte mais ça va, ça va vite et ça paye car je ressors de la deuxième dépression dans le bon paquet. Vient ensuite la troisième… Et là, c’est autre chose ! La situation s’avère un peu plus compliquée car il faut gérer son positionnent dans le Nord de la dépression, au plus proche de son coeur. Il faut anticiper pour ne pas se faire manger par cet « oeil du cyclone » et attraper la bonne bascule de vent. Mais les fichiers météo ne sont pas d’accord et là, ça se joue à rien. Justine Mettraux et Seb Simon s’envolent, quand moi je reste bloqué plus de trois heures. Nico Lunven, lui, a pris 10 heures. C’est là que je perds définitivement le groupe de tête, mais je cravache tout de même, sur le bord le plus difficile de la course, dans une mer croisée, où le rapport entre vitesse et risque de casse est le plus important. Le bateau accélère très fort en surf sur les vagues, mais s’arrête aussi fort dans leur creux. Les moyennes ne sont finalement pas très élevées, on est obligés de sous-toiler un peu le bateau et d’aller bas en angle pour ne pas tout casser.

Là où je sens que j’ai finalement été le plus fort, c’est mentalement. Parce que j’ai su contrer les coups durs et les transformer en positif. Quand, sur le premier bord, je suis déjà forcé de remonter la flotte en direction du Fastnet, je me dis que l’avantage est que je serai parmi les derniers à virer, que je serai à tel endroit dans la dépression, que ça me placera là et que j’aurai un coup à jouer. J’ai réussi à transformer mes coups de retard en coups d’avance et c’est ce qui fait que je m’en sors plutôt bien à la fin. M’être bien préparé en météo a évidemment aidé aussi, tout comme d’avoir travaillé à prendre confiance en moi. Le mental quoi ! C’est la première fois de ma vie où je casse quelque chose d’aussi important et où je me dis : « Ce n’est pas grave Alan ». Alors qu’avant je pouvais pleurer pour une poulie !

J’ai énormément appris, cet hiver puis sur cette course où on a eu toutes les conditions, comme un mini Vendée Globe. En plus d’avoir validé les modifications apportées pendant le chantier, j’ai encore gagné en confiance dans le bateau : il marche et j’ai trouvé les manettes, ça y est. Cela aura pris du temps sans mode d’emploi livré avec, mais je suis assez fier d’être enfin parvenu à tirer le meilleur de ce bateau, ainsi que de moi-même.

Que retiendras-tu de ta course ?

Au moment où les conditions s’adoucissent, avec encore un peu de vent pour avancer jusqu’à la zone de calme avant l’arrivée, j’entends un « CRAC ». Je constate que j’ai perdu toute la partie supérieure du foil. Je ne sais pas si j’ai tapé quelque chose, ou si c’est la pièce, qui date de 2019, qui a fait son temps. C’est dur car jusque là, la course était telle que je l’avais visualisée au départ. Je me suis efforcé de continuer à naviguer proprement jusqu’à l’arrivée, de conserver ma 11e place, voire même la possibilité de terminer 10e, mais je termine 13e. C’est dommage, ce sont les trois derniers jours de course qui coûtent cher au classement final, mais je reste heureux d’avoir fini, avec le foil encore à poste et sans autres dommages apparents.                  

Je suis également parti avec l’envie de me faire plaisir, de me retrouver avec mon bonheur d’être en mer et de me libérer dans ma façon de naviguer. Et il y a quelque chose de certain : je navigue beaucoup mieux quand je ne me mets pas de pression !

Quel est le programme désormais ?

À court terme, on remet le bateau propre et en état. On a tout contrôlé à bord et nous avons sorti le foil afin de comprendre ce qu’il s’est passé. La question des dégâts collatéraux se pose aussi, c’est cela qui déterminera si nous pouvons participer ou non à la course retour, la New York Vendée, dont le départ sera donné le 29 mai.

À plus long terme, je vais continuer à travailler le mental car s’il a tenu sur une transat, il faut maintenant que ça tienne sur un tour du monde ! Tout comme le bateau : nous allons rapidement examiner le foil tribord, voir s’il risque de subir le même sort que le premier ou pas. Mais je laisse mon équipe s’en occuper. J’essaye de me préserver un maximum parce que je n’ai pas envie de me mettre des idées dans la tête. Je préfère rester concentré sur la suite et être prêt à repartir le moment venu !

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…
Cyrille Duchesne
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...