Les algues de Méditerranée : discrètes, précieuses et menacées 3/7

Culture nautique
Par Figaronautisme.com

Sous le soleil éclatant de la Méditerranée, entre les eaux cristallines et les criques secrètes, un monde végétal discret mais essentiel prospère. À la différence des vastes forêts de laminaires de l’Atlantique ou du Pacifique, la Méditerranée abrite des algues plus petites, mais parfaitement adaptées à cet environnement unique. Quels sont les joyaux méconnus de la flore marine méditerranéenne ? Comment sont-ils utilisés ? Et surtout, quelles menaces pèsent sur eux ?

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Sous le soleil éclatant de la Méditerranée, entre les eaux cristallines et les criques secrètes, un monde végétal discret mais essentiel prospère. À la différence des vastes forêts de laminaires de l’Atlantique ou du Pacifique, la Méditerranée abrite des algues plus petites, mais parfaitement adaptées à cet environnement unique. Quels sont les joyaux méconnus de la flore marine méditerranéenne ? Comment sont-ils utilisés ? Et surtout, quelles menaces pèsent sur eux ?

Les algues jouent un rôle clé dans l’écosystème méditerranéen, inspirent la gastronomie locale et nourrissent l’industrie cosmétique. Pourtant, ces précieuses ressources sont aujourd’hui menacées par la pollution, le changement climatique et la surexploitation.

Un écosystème singulier, des algues adaptées
La Méditerranée, mer semi-fermée, se distingue par une salinité plus élevée que l’Atlantique et une relative pauvreté en nutriments. Ses eaux sont d’une clarté exceptionnelle, mais cette transparence révèle un défi pour la vie végétale : le manque d’éléments nutritifs ralentit la croissance des algues. De plus, bien que la température y soit stable, elle augmente sous l’effet du réchauffement climatique, fragilisant encore davantage cet équilibre fragile.
Les algues méditerranéennes ont donc dû développer des stratégies d’adaptation uniques. Moins imposantes que les laminaires atlantiques, elles se répartissent en trois grandes catégories : les algues rouges, vertes et brunes, chacune jouant un rôle essentiel dans l’écosystème marin.
Contrairement aux zones tempérées de l’Atlantique Nord, où dominent les forêts sous-marines de kelp, la Méditerranée héberge des espèces plus résistantes, souvent calcifiées ou adaptées aux fonds rocheux. Parmi elles, des algues rouges comme Corallina officinalis, qui contribue à la formation des récifs, ou encore la discrète Cystoseira, algue brune endémique jouant un rôle clé dans la biodiversité.

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Les perles végétales de la Méditerranée
Les algues rouges : des ressources exploitées
Les algues rouges sont les plus utilisées en Méditerranée. Parmi elles, Gelidium sesquipedale est une espèce précieuse, notamment pour la production d’agar-agar, un gélifiant très prisé dans l’agroalimentaire et la cosmétique. Historiquement récoltée sur les côtes espagnoles et marocaines, elle est aujourd’hui sujette à une exploitation intensive.
Autre espèce fascinante : Lithophyllum byssoides, une algue calcifiée qui joue un rôle crucial dans la protection du littoral contre l’érosion. Malheureusement, le réchauffement climatique menace ces formations naturelles, fragilisant les barrières biologiques qu’elles constituent.
Les algues vertes : un potentiel gastronomique encore sous-exploité
Si en Asie et en Bretagne, les algues sont des ingrédients de base, la Méditerranée reste en retrait sur ce plan. Pourtant, certaines espèces comme Ulva lactuca, ou laitue de mer, offrent un fort potentiel culinaire. Riche en minéraux et en protéines, elle commence à séduire les chefs de la région.
Autre espèce prometteuse, Codium fragile, surnommé « doigt de mer », se distingue par sa texture douce et son goût iodé, rappelant les fruits de mer. Déjà populaire en cuisine asiatique, elle fait son entrée progressive dans la gastronomie méditerranéenne.
Les algues brunes : essentielles mais vulnérables
Moins présentes que leurs cousines atlantiques, les algues brunes comme Cystoseira spp. forment pourtant de véritables forêts sous-marines miniatures. Indispensables à la biodiversité marine, elles servent d’abri à de nombreux poissons et crustacés. Malheureusement, elles sont très sensibles à la pollution et aux ancrages de bateaux, qui les arrachent des fonds marins.

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Un usage entre tradition et modernité
La culture méditerranéenne n’a pas développé de tradition culinaire autour des algues, contrairement aux sociétés asiatiques ou atlantiques. Pourtant, des traces d’usages anciens existent : en Corse et en Sardaigne, certaines soupes contenaient autrefois des algues. Aujourd’hui, la gastronomie évolue et des chefs audacieux réintroduisent ces ingrédients marins dans leurs créations.
À Marseille, certains restaurants haut de gamme travaillent la laitue de mer en accompagnement de poissons ou en beignets croustillants. À Barcelone, des expériences culinaires associent le Codium fragile à des plats à base de crustacés pour accentuer leur saveur iodée.
Au-delà de la cuisine, les algues méditerranéennes sont recherchées pour leurs propriétés gélifiantes et hydratantes. L’agar-agar, extrait des algues rouges, est un substitut végétal à la gélatine animale, très prisé dans l’industrie agroalimentaire et en cosmétique.
Les extraits d’algues rouges et brunes sont également utilisés pour leurs vertus anti-âge et hydratantes dans les produits de soin. Certaines marques méditerranéennes misent sur ces ressources naturelles pour développer des gammes bio et durables.
Les algues ne sont pas seulement utiles à l’homme : elles sont cruciales pour la protection du littoral. Les algues calcifiées comme Lithophyllum renforcent les côtes rocheuses face à l’érosion. Certaines espèces servent également de bio-indicateurs pour surveiller la qualité de l’eau, alertant sur la pollution avant même qu’elle ne devienne visible.

Un écosystème sous pression
Les eaux usées, le tourisme intensif et l’urbanisation détruisent les habitats naturels des algues méditerranéennes. Les zones rocheuses où elles prospèrent disparaissent sous l’effet du bétonnage des côtes, compromettant leur régénération.
La hausse des températures perturbe les écosystèmes marins. Certaines algues, comme Lithophyllum byssoides, souffrent du réchauffement et ne parviennent plus à maintenir leur rôle protecteur pour les côtes. Parallèlement, des espèces invasives comme Caulerpa taxifolia, une algue tropicale introduite accidentellement en Méditerranée, étouffent les espèces locales en colonisant massivement les fonds marins.
Si la demande en algues rouges pour l’agar-agar ne cesse de croître, leur surexploitation met en péril leur renouvellement. Des projets d’algoculture durable voient néanmoins le jour pour concilier exploitation et préservation. Cultiver des algues plutôt que les récolter à l’état sauvage pourrait être une solution pour protéger cet écosystème fragile.

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Exemple de plat avec de la laitue marine© AdobeStock

Préserver ce patrimoine fragile
Les algues méditerranéennes, discrètes mais essentielles, sont à un tournant de leur existence. Entre intérêts économiques et impératifs écologiques, leur avenir dépendra des efforts de conservation mis en place. La Méditerranée, bien que pauvre en algues massives, possède une biodiversité marine précieuse qui mérite d’être protégée.
Et si nous levions l’ancre vers d’autres horizons ? Direction l’Océan Indien, où les algues sont au cœur d’enjeux économiques et environnementaux majeurs…

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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