
Une origine terrestre et tellurique : la genèse du sel noir
Contrairement à ce que son nom pourrait laisser penser, le sel noir de Hawaï n’est pas récolté dans la lave. Sa couleur provient de l’ajout de charbon actif à du sel marin récolté de manière artisanale, principalement sur la côte ouest de l’île de Moloka’i ou sur Big Island. Ce charbon est obtenu à partir de coques de noix de coco carbonisées, une ressource locale traditionnelle, parfois remplacée par d’autres matières végétales.
L’eau de mer est pompée dans des bassins peu profonds et exposée au soleil jusqu’à évaporation complète. Ce procédé d’évaporation solaire, typique des salines traditionnelles, permet d’obtenir un sel naturellement riche en oligo-éléments : calcium, magnésium, potassium et fer. Une fois les cristaux formés, ils sont mélangés manuellement avec le charbon, qui leur confère leur couleur noire intense ainsi qu’une légère saveur fumée et minérale.
Ce sel n’est donc pas un produit brut mais une création locale issue d’un double patrimoine naturel et culturel : celui de la mer, et celui du feu.
Une tradition hawaïenne revisitée
Dans la culture traditionnelle hawaïenne, le sel - appelé pa'akai - est bien plus qu’un simple ingrédient culinaire. Il est utilisé depuis des siècles dans les cérémonies de purification, de guérison, et de bénédiction. Les anciens l’utilisaient pour protéger les pêcheurs en mer ou bénir les maisons.
Aujourd’hui encore, les producteurs locaux perpétuent ces pratiques tout en s’adaptant à une demande mondiale. Certaines petites exploitations sur Moloka’i et Kaua’i proposent un sel noir sans traitement industriel, à haute valeur symbolique, utilisé aussi bien dans la cuisine que dans les rituels.
Mais attention : la majorité du sel noir vendu sur les marchés internationaux est produite à partir de sel marin importé, puis coloré artificiellement au charbon végétal dans des installations parfois situées... loin de Hawaï. Il est donc essentiel de vérifier la provenance et les labels de traçabilité pour s’assurer de l’authenticité du produit.
Une palette gustative distinctive
En bouche, le sel noir de Hawaï présente une texture croquante et aérée, idéale pour la finition des plats. Sa saveur est douce, moins salée qu’un sel raffiné, avec une note de noisette ou de bois grillé en fin de bouche. Le charbon actif, bien que neutre, influence la perception minérale du sel.
On le retrouve de plus en plus dans les cuisines créatives, notamment en :
o finition sur des produits de la mer (poisson cru, huîtres, carpaccio),
o contraste sur des légumes vapeur, betteraves rôties ou oeufs pochés,
o touche décorative sur les desserts au chocolat ou les glaces maison.
C’est un sel de table spectaculaire, autant pour le goût que pour le visuel.

Où trouver un vrai sel noir de Hawaï ?
Sur le marché français, l’offre est variée, mais tous les produits ne se valent pas. Le sel noir, devenu un incontournable des épiceries fines, se décline sous différentes formes, qualités et niveaux de transformation. Voici quelques repères de prix pratiqués actuellement :
o Luberon Gourmet : 7,15 € les 100 g
o L’Île aux Épices : 4,35 € les 100 g
o Épices du Monde : 5,10 € les 100 g
Le prix au kilo varie fortement, généralement entre 40 et 90 €, en fonction de la méthode de récolte, de la teneur en charbon actif, de la finesse du grain et du conditionnement. L’idéal reste un produit récolté localement, enrichi sans additifs, fidèle à l’esprit artisanal qui caractérise ce sel volcanique.
Entre authenticité et marketing
Le succès du sel noir de Hawaï a malheureusement ouvert la porte à de nombreuses contrefaçons. Certains sels "black lava" sont simplement des sels de mer colorés chimiquement, sans lien réel avec l’archipel. D’autres produits sont issus de mélanges industriels bon marché à base de charbon de bois sans qualité alimentaire.
Pour préserver les artisans hawaïens et la qualité originelle du produit, des coopératives locales tentent de structurer la filière et de protéger l’appellation. Mais à ce jour, aucune AOC ni IGP n’existe pour encadrer strictement la désignation "sel noir de Hawaï". Vigilance, donc.
Le sel noir de Hawaï n’est pas un produit du quotidien. Il évoque un territoire isolé, forgé par les volcans, un savoir-faire lent, et une relation intime à la nature. Sa couleur séduit, son goût intrigue, sa symbolique fascine.
C’est le sel d’un archipel qui brûle sous l’écume, d’un peuple qui sacralise la mer, et d’un monde culinaire qui n’a pas peur du contraste. À manier avec parcimonie, à offrir avec intention, à goûter comme un fragment de lave devenu cristal.