
Un phénomène discret, mais en progressionOn les croise à La Rochelle, à Port Camargue ou à Saint-Malo : des propriétaires de bateaux qui ne naviguent pas forcément tous les jours, mais qui ont choisi d’habiter leur unité plusieurs mois par an, à quai ou au mouillage. Pour eux, le bateau n’est plus un simple objet de loisir, mais un lieu de vie secondaire, voire une échappatoire au modèle immobilier classique.Ce mode de vie attire un public varié. Des jeunes actifs qui télétravaillent à bord, des retraités en quête de calme, ou encore des couples qui veulent un pied-à-terre sans se ruiner. Dans tous les cas, le point commun est le même : habiter la mer plutôt que la terre, quelques semaines, quelques mois, ou plus, en vivant différemment.
L'immobilier côtier, un marché devenu hostileCe qui pousse nombre de plaisanciers à envisager le bateau comme résidence secondaire, c’est d’abord une réalité bien terrestre : le coût de l’immobilier sur les littoraux français est devenu prohibitif. À Arcachon, le prix médian du mètre carré atteint 7 633 € selon MeilleursAgents (avril 2025). À Biarritz, ce chiffre grimpe à 8 419 €/m², et il dépasse les 10 000 €/m² dès que l’on parle de vue mer. La tendance est la même en Bretagne Sud, où à La Trinité-sur-Mer, un bien avec un accès direct au port dépasse aisément 6 000 €/m².Face à cela, certains choisissent d’investir dans un voilier de 12 à 14 mètres ou un catamaran habitable, pour un budget qui reste globalement inférieur. Un monocoque d’occasion bien équipé se négocie autour de 120 000 à 160 000 €, tandis que les catamarans modernes débutent vers 220 000 € pour les modèles les plus compacts. Mais il ne faut non plus oublier les bateaux à moteur, qui sont aussi une bonne alternative. L’achat du bateau n’est pas anodin, mais il représente une valeur d’usage bien plus forte qu’une résidence secondaire fermée dix mois par an. Et surtout, il permet une flexibilité géographique inédite.

Le port : sésame ou verrou logistiqueAvoir un bateau, c’est bien. Avoir une place à l’année dans un port, c’est essentiel. Or, c’est ici que le projet peut achopper. La France compte environ 170 000 places de port à flot, chiffre stable depuis une décennie (source : Fédération Française des Ports de Plaisance). Dans les zones les plus tendues, notamment sur l’Atlantique et en Méditerranée, les listes d’attente s’étendent souvent sur plusieurs années. À Port Haliguen ou à Port-Grimaud, un plaisancier sans antécédent peut attendre jusqu’à dix ans pour un anneau de 12 mètres.Certains ports proposent des concessions de longue durée, parfois jusqu’à 30 ans, mais ces droits d’usage sont chers, très recherchés et rarement transférables. D’autres, comme Sète ou Cherbourg, conservent encore une certaine souplesse d’accueil, mais souvent au prix d’un éloignement des zones très attractives.La question n’est pas que de disponibilité. Les ports ont chacun leur règlement de police : certains interdisent de rester plus de 30 nuits consécutives à bord, d’autres ferment les vannes d’eau et les bornes électriques en hiver, rendant la vie à quai très inconfortable.Comme le résume Françoise, plaisancière installée à Port Napoléon :« Ce n’est pas la mer qui me fait peur, c’est l’administration. On doit presque négocier notre droit de dormir chez nous. »
Confort à bord : plus proche du studio que de la villaLes bateaux modernes n’ont plus grand-chose à voir avec les unités des années 80. Aujourd’hui, les constructeurs proposent des volumes plus généreux, un éclairage naturel abondant, une isolation correcte, des équipements dignes d’une petite résidence. Sur un Lagoon 40 ou un Jeanneau Sun Loft, on trouve une cuisine équipée, deux ou trois cabines fermées, des douches avec eau chaude, un vrai carré pour les repas, et de nombreux rangements.L’autonomie est aussi en nette amélioration : panneaux solaires, batteries lithium, groupes électrogènes et dessalinisateurs permettent de vivre sans raccordement pendant plusieurs jours, voire plus. L’arrivée d’internet satellite à bord, avec Starlink , a ouvert la voie au télétravail nomade sur l’eau.Mais il serait trompeur de parler de confort égal à celui d’une maison. À bord, l’espace est limité, les déplacements exigent agilité et attention, l’humidité est une réalité, et chaque objet doit être rangé avec méthode. En hiver, il faut souvent chauffer, ventiler, et surveiller le moindre bruit suspect.Et puis, il y a l’entretien. Un bateau vit, bouge, s’use. Pompes de cale, batteries, hublots, prises de quai, vannes… tout peut tomber en panne. Vivre à bord, c’est aussi être capable de gérer ou déléguer des interventions régulières.

Un investissement à long terme, mais à haut rendement de plaisirLes coûts de fonctionnement d’un bateau-résidence sont très différents de ceux d’une maison secondaire. Il n’y a pas de taxe foncière, mais il y a des charges techniques. Il n’y a pas de syndic, mais il y a le port et les réparations.Prenons l’exemple d’un monocoque de 12 mètres basé à La Rochelle :• Une place au port coûte environ 4 000 €/an (source : Port de Plaisance des Minimes, grille 2024).• L’entretien annuel (carénage, moteur, voiles, électronique) est estimé entre 5 000 et 7 000 € selon l’usage.• L’assurance oscille entre 600 et 1 200 € selon la valeur du bateau et les zones couvertes.• La DAFN (Droit Annuel de Francisation) est de quelques centaines d’euros, calculée selon la longueur et la motorisation.En cumulant tous les postes, on atteint 10 000 à 12 000 € par an. Un budget conséquent, certes, mais qui reste bien inférieur à celui d’une maison secondaire à 500 000 ou 600 000 €, lorsqu’on prend en compte les taxes, les frais d’entretien, les gardiennages, et le financement.
Liberté, mobilité, identité : les bénéfices intangiblesCe que les plaisanciers recherchent dans cette vie flottante, c’est autant la liberté de mouvement que le lien à la mer. Pouvoir décider de passer deux semaines à Belle-Île puis remonter vers les Scilly sans changer de "chez soi", c’est une forme d’autonomie qui attire.Pour Jean-Michel, propriétaire d’un RM 1180 :« J’ai laissé tomber mon projet d’acheter une maison sur la côte. Pour le même prix, j’ai un bateau confortable, une vue mer 360°, et je peux changer de port quand je veux. »Au-delà du mode de vie, il y a aussi une forme d’engagement : moins de surface, plus de nature, une attention à la consommation énergétique, un rapport au temps différent. Ce que certains qualifient d’écolo-bobo cache parfois une vraie conscience d’un monde en transition.

Des limites qu’il faut accepter pleinementVivre à bord d’un bateau (que ce soit un voilier ou à moteur), même à temps partiel, impose une discipline. Ce n’est pas une solution de repli ou une ruse fiscale. C’est un choix de vie qui suppose de composer avec la technique, l’administration, la météo, les autres. C’est aussi un mode de vie pas toujours compris par l’entourage, ni valorisé par les politiques publiques.En France, le bateau n’est pas reconnu comme un logement, même s’il peut être votre résidence principale de fait. Il n’est donc pas assurable comme tel, ne donne droit à aucune aide au logement, et ne bénéficie pas des protections locatives du droit commun.Il faut donc aborder ce choix avec lucidité. Il ne s’agit pas de chercher une résidence de substitution, mais de créer un nouveau rapport à l’habitat.
Transformé en résidence secondaire, le bateau devient un espace à part, entre lieu de vie, lieu d’aventure, et havre personnel. Il ne conviendra pas à tout le monde. Il demande rigueur, autonomie, et un goût prononcé pour l’imprévu. Mais pour celles et ceux qui veulent sortir du cadre, le voilier ou le catamaran résidentiel offre une expérience que l’immobilier classique ne pourra jamais offrir : celle de se sentir chez soi partout où l’on jette l’ancre.
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