Travailler à bord : un rêve accessible ?

Culture nautique

En escale, en voyage autour du monde ou tout simplement en télétravail, de plus en plus de propriétaires de bateau allient vie à bord et travail. Un choix de vie bien réfléchi qui – technologies modernes aidant – est de plus en plus facile à mettre en place.

Votre bureau avec vue sur le mouillage : vive le télétravail, à bord de votre bateau ! ©Fountaine Pajot – Jérôme Kelagopian
En escale, en voyage autour du monde ou tout simplement en télétravail, de plus en plus de propriétaires de bateau allient vie à bord et travail. Un choix de vie bien réfléchi qui – technologies modernes aidant – est de plus en plus facile à mettre en place.

Les « tracances » ou comment concilier vie à bord et vie professionnelle ?
Le concept est totalement « tendance ». A tel point qu’un mot désigne maintenant le fait de travailler tout en étant en vacances et inversement : « tracances ». Le concept est un peu fourre-tout : on y trouve les cadres qui ne débranchent jamais, même en vacances en famille au bout du monde, les salariés qui télétravaillent d’un lieu de villégiature (et donc pourquoi pas de leur bateau), ceux qui passent quatre à six mois par an sur leur bateau à Porquerolles ou ailleurs et qui travaillent tout en profitant d’un cadre de vie exceptionnel… Ces « tracances » se développent auprès des cadres depuis la pandémie et sont même, parfois, encouragées par les entreprises qui voient cette nouvelle méthode de travail d’un œil positif si elle est bien encadrée.
Mais avant d’imaginer se lancer dans l’aventure de la vie à bord tout en continuant son activité professionnelle, encore faut-il bien comprendre à quoi vous vous exposez. Vivre sur un bateau au quotidien et y travailler n’a rien à voir avec le télétravail depuis sa maison. Un bateau demande un entretien et une surveillance constants. Selon la situation – si vous êtes dans un mouillage dans un atoll du Pacifique ou au port de La Rochelle – vous aurez à vous occuper de votre bateau quelques minutes ou… plusieurs heures par jour. L’entretien courant, mais aussi la charge des batteries, l’avitaillement ou gratter la coque, sont vite chronophages. Rien d’insurmontable et qui n’empêche, normalement, de cumuler sa journée de travail et son rôle de skipper, si vous êtes un minimum organisé.

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Les plus grands bateaux – ici le Lagoon Eighty 2 – offre des espaces exceptionnels où vous trouverez facilement votre place pour télétravailler © Lagoon Catamarans

Un bateau comme habitat principal
Pourquoi utiliser son bateau comme habitat principal ? Certains prennent cette décision pour des raisons financières – difficultés à se loger, à louer ou à acheter un logement – pour des arguments fiscaux, d’autres par choix de vie pour une durée plus ou moins longue. Il n’y a donc pas un portrait-robot type du navigateur-résident à bord de son bateau à plein temps. Mais des spécificités propres à chacun qui justifient cette décision de choisir un habitat un peu différent. Que ce soit pour quelques semaines, mois ou années. Cette population très diverse va pourtant, se retrouver côte à côte, au port ou au mouillage. Certains à bord d’unités prestigieuses (et coûteuses), d’autres sur des bateaux d’une taille modeste, construits il y a plusieurs décennies ! Un « peuple des mers » bigarré et attachant, le plus souvent uni et pratiquant une entraide que l’on ne retrouve que trop peu à terre.
Quoiqu’il en soit, transformer son bateau en résidence principale est possible, mais nécessite de prévenir les différentes administrations pour être en règle. Le ministère chargé de la Mer précise ainsi que "le principe fiscal est que toute personne (physique ou morale) doit avoir et préciser sa résidence fiscale. Sont considérées comme fiscalement domiciliées en France :
• les personnes qui ont sur le territoire français leur foyer ou le lieu de leur séjour principal (maison, appartement, hôtel, bateau...) et qu'ils y séjournent plus de 6 mois (183 jours) au cours de l'année.
• celles qui y exercent une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles n'établissent que cette activité n'est exercée en France qu'à titre accessoire,
• celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques,
• les agents de l'État exerçant leurs fonctions ou chargés de mission dans un pays où ils ne sont pas soumis à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus."
Vous avez donc parfaitement le droit de vivre à bord de votre bateau à condition de faire connaître à l’administration une adresse de résidence fiscale. Certains ports proposent ces services. Sinon, il faudra élire domicile chez un parent ou des amis. Le concept du domicile fiscal reste complexe et, si vous prévoyez de vivre sur votre bateau au bout du monde – et de vous domicilier en dehors de France -, il est utile de demander conseils à un spécialiste qui saura vous aider efficacement en fonction de votre situation personnelle.

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La préparation de votre « bureau-bateau » doit être irréprochable : impossible de manquer d’énergie au milieu d’une téléconférence… © DR

Comment trouver du travail lors d’une escale en grand voyage ?
Vous voilà parti à bord de votre bateau. Selon votre profession, vous pourrez trouver – plus ou moins facilement – du travail. Sur le littoral français, si vous avez un métier en tension, il n’y aura aucun problème pour trouver un job pour quelques semaines ou quelques mois. Cela se complique quand on quitte le territoire national. Certains métiers sont aussi très recherchés en Europe ou sur les rivages plus lointains. Encore faut-il justifier de ses diplômes et éventuellement avoir fait valider des équivalences en fonction des escales que vous aurez prévues en amont. C’est possible pour certaines professions, beaucoup moins évident pour d’autres. Renseignez-vous avant le départ auprès des ambassades des pays que vous souhaitez visiter. Enfin, il faut, en dehors de l’Union Européenne, obtenir le fameux « sésame » pour travailler. Là encore, la demande doit souvent être effectuée avant d’arriver sur place et peut demander de longs mois d’attente avant une éventuelle réponse positive.
En Méditerranée, mais cela est quasiment valable partout dans le monde, le fait de voir un marin arriver en provenance d’un rivage lointain est une qualification qui peut être suffisante pour trouver un job sur un navire, que ce soit en tant que marin, hôtesse, ou pour s’occuper et entretenir les bateaux sur zone. Attention toutefois, encore une fois, à avoir l’autorisation de travail indispensable pour être couvert en cas d’accident et éviter les problèmes avec les administrations locales qui peuvent être au moins aussi tatillonnes que la nôtre.

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Par définition, un bateau est dans un environnement possiblement peut être agressif pour du matériel électronique. A vous de le protéger efficacement ! © Bénéteau

Télétravail et grand voyage
Chef de cuisine, infirmier, mécanicien… ces métiers qui sont recherchés un peu partout dans le monde existent, mais ne sont pas la majorité. Alors pour vivre à bord de son bateau tout en travaillant, le télétravail est peut-être la solution idéale pour vous. Depuis la pandémie de 2020, les entreprises ont appris à comprendre, accepter et surtout tirer profit cette nouvelle donne en matière de temps de travail et surtout de la localisation de celui-ci. Et oui, aujourd’hui, nul besoin d’être attaché à son bureau, de participer en présentiel à des meetings, briefings et autres conférences pour être efficaces dans son travail. Certaines études démontrent même que les télétravailleurs sont plus performants que lorsqu’ils étaient au bureau.
Ne rêvez pas non plus… Aller voir son patron en lui expliquant que vous partez en tour du monde (ou de l’Atlantique ou de Méditerranée…) pour plusieurs mois mais que vous allez travailler durement depuis votre bateau… ne sera pas simple à vendre ! La donne sera bien sûr différente si vous êtes associé, ou que votre présence dans l’entreprise est tout à fait indispensable ! La négociation est toujours possible, à vous de trouver les arguments vraiment convaincants.
Mais, force est de reconnaître que cette discussion sera beaucoup plus facile si vous êtes, votre propre patron, et que vous exercez une activité professionnelle telle que consultant, ingénieur informatique, illustrateur, journaliste (nautique ou autre !)... Ces professions ont été popularisées sous le terme de « Digital Nomad » par Tsugio Makimoto et David Manners dans leur livre éponyme en 1997. Un livre devenu cultissime dans le milieu des « voyageurs-actifs-diplômés » a tel point qu’aujourd’hui, il y aurait 35 millions de « digitals nomads », des personnes qui travaillent loin de leur bureau, grâce à internet et la multiplication des connexions haut débit partout dans le monde, du développement des clouds. Pour attirer et garder ces talents, les entreprises sont prêtes à accepter cette nouvelle manière de travailler. Pour les « nomades digitaux » à leur compte, de nombreuses plateformes offrent une visibilité mondiale et donc, des contacts et des contrats. CQFD !
Seule certitude : travailler de son bateau ou pendant un grand voyage est possible mais nécessite une préparation importante et surtout d’embarquer un équipement adéquat.

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L’espace « pause-café » de votre bureau… © Bali Catamarans

Les équipements indispensables pour vivre à bord et travailler
Commençons par la base, à savoir votre lieu de vie et donc de travail : le bateau. Essayez, si cela est possible, de créer un espace de travail dédié à votre activité professionnelle. Ce lieu devra être protégé des éléments extérieur (embruns, pluie, soleil, etc.), suffisamment intime pour vous éloigner des distractions et des autres membres de votre équipage. Il devra être confortable, car vous risquez d’y passer de nombreuses heures tous les jours. Un bateau, même les plus grands, offre un espace de vie limité qu’il faut partager. La bonne gestion de cet espace contraint est une des clefs de la réussite de votre vie professionnelle nomade…
L’environnement marin peut être extrêmement rude pour les appareils numériques. Il faut donc les protéger le plus efficacement possible. Appareils marinisés, boitiers étanches, contrôle de l’humidité ambiante dans votre « bureau » et éventuellement utilisation de systèmes déshumidificateurs seront un plus pour la sauvegarde de vos données et de vos instruments de travail.
La préparation du bateau en termes de réseau électrique, de production d’énergie et en général d’autonomie doit être particulièrement soignée. Devoir arrêter votre travail parce que les batteries sont vides est impensable !
La clef du « nomade digital » reste l’accès à internet. Même en pleine mer, en transatlantique ou transpacifique, le haut débit est devenu accessible. Le nec plus ultra est aujourd’hui la solution Starlink et sa connexion offrant de 40 à 220 Mbits/s avec une couverture mondiale. En gros, c’est la 5G à bord, tout le temps… C’est par ce système que les marins du Vendée Globe nous envoient des vidéos en haute définition depuis les 50e hurlants.

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Les skippers du Vendée Globe peuvent envoyer des vidéos haute définition ou tenir des visioconférences depuis les lointaines mers du Sud. Une technologie aujourd’hui à disposition pour tous, pour un coût raisonnable. © Boris Herrmann #VG2024


Evidemment, cela représente un coût (le forfait mensuel 50 GO coute 287 euros – 1128 euros pour 1 TO), mais qui reste tout à fait acceptable dans le cadre d’une activité professionnelle. N’oubliez jamais que cette connexion est le sésame qui va vous permettre de vivre sur votre bateau avec le même internet qu’au bureau de votre entreprise…
Pour le reste de l’équipement, il n’y a rien de plus à prévoir que pour un télétravail à la maison : un système de sauvegarde cohérent, si possible sur un cloud pour éviter les pertes en cas de vol et de détérioration des disques durs à bord et un VPN pour sécuriser vos données si votre activité est sensible (et même si elle ne l’est pas).
Selon votre activité professionnelle, l’équipement de votre bateau peut aussi évoluer. Si vous êtes un plongeur chevronné, un compresseur sera indispensable à bord, avec tous les périphériques qui vont avec. Si votre activité consiste à livrer des pizzas aux bateaux au mouillage autour de vous, investissez dans un bon four et si vous êtes mécanicien, la caisse à outils à embarquer devra vous permettre de répondre à toutes les demandes de vos clients.
Enfin, même au bout du monde et au mouillage dans un lagon paradisiaque, votre activité nécessitera une assurance professionnelle pour vous couvrir en cas de problème. Alors, avant d’appareiller, voyez avec votre assureur pour clarifier votre situation et avoir la police qui conviendra à votre situation.

Vivre à bord en travaillant : bonne ou mauvaise idée ?
Le choix de vivre et travailler de son bateau est un choix de vie qui a de nombreux avantages mais qui n’est pas adapté forcément à tout le monde. Avant de vous lancer dans cette aventure, n’hésitez pas à tester cette vie – un peu particulière – en organisant quelques jours ou quelques semaines en télétravail depuis votre bateau pour être certain que c’est bien la vie que vous souhaitez. Et qu’elle est réellement compatible avec votre activité professionnelle et votre situation familiale…
Et avant de partir en mer, ayez les bons réflexes en consultant la météo sur METEO CONSULT Marine et en téléchargeant l'application mobile gratuite Bloc Marine.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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