Transat Paprec : ici tout recommence

Décidément, la situation est sacrément complexe et ce qui se voit sur la cartographie d’heure en heure se vit, surtout, à bord des Figaro. En cause : cette immense zone sans vent qui joue avec les nerfs. « Il faut à la fois qu’on la contourne mais aussi qu’on se place bien pour la suite, décrypte Thomas André (Cap St Barth, 3es). C’est très stressant, personne n’ose prendre de vraies options. C’est stressant et ça crispe ! »
En plus de cette situation générale, il y a tous ces grains qui changent tout, ce ciel noir et menaçant qui éclate si souvent. « On a passé la nuit à batailler contre les grains », reconnaît Thomas de Dinechin (Almond for Pure Ocean). « On est tombé sur un joli grain qui est monté presque à 30 noeuds, c’était vraiment chaud », ajoute Davy Beaudart (Hellowork). Parfois, les grains ralentissent les bateaux - « on a été bloqué dans un nuage avec de la pluie mais sans vent » confie Hugo Cardon (Humains en action) - parfois ils leur permettent d’accélérer. « Il y a beaucoup de nuages et de variation de vent », abonde Quentin Vlamynck (Les Étoiles Filantes).
Des pépins et beaucoup de stratégie
Ces conditions jouent sur le moral mais aussi sur l’état des bateaux. Alexis Thomas (Wings of the Ocean) évoque « des petits problèmes techniques » sans préciser lesquels. Lola Billy (Région Bretagne - CMB Océane) a confié avoir eu « une avarie de spi », la drisse s’étant ouverte en deux. « Il ne nous reste qu’un petit spi », précise-t-elle alors que Corentin Horeau garde le sourire : « on se met en mode Charlie Dalin sur le Vendée Globe ! »
Côté stratégie, la flotte est désormais regroupée sur une ligne de près de 120 milles (222 km) en latéral. Les stratégies se sont affinées dans le weekend. Il y a les partisans d’une route Nord dont les leaders, Wings of the Ocean (Alexis Thomas et Pauline Courtois, 1ers), Skipper Macif (Charlotte Yven et Hugo Dhallenne, 2es) et Cap St Barth (Cindy Brin et Thomas André, 3es). D’autres comme Demain (Martin Le Pape et Mathilde Géron, 5es), Laure Galley et Kévin Bloch (DMG MORI Academy) et Bretagne - CMB Espoir (Victor Le Pape, Estelle Greck, 7e) ont choisi une route plus Sud, plus proche de l’orthodromie et plus directe.
« La route Nord est plus longue mais permet d’être dans une position d’attente et d’avoir un peu plus de vent qu’au Sud pour continuer à avancer », confie Thomas André. « On a coupé le fromage par rapport à ceux qui sont au Nord, explique de son côté Martin Le Pape. Ça nous replace dans une position d’attaque, on espère trouver un trou de souris ». Son frère Victor, qui file aussi au Sud, ajoute : « cette dépression nous en fait voir de toutes les couleurs, c’est un peu Star Wars ! » Car dans le même temps, la flotte se resserre toujours un peu plus. L’hypothèse d’une arrivée groupée avec l’essentiel de la flotte en quelques heures devient de plus en plus d’actualité. Les premiers à franchir la ligne sont attendus « le jeudi 8 mai au soir ou le vendredi 9 mai au matin », d'après Yann Chateau à la direction de course.
L’ANALYSE DE YANN CHATEAU
« Les écarts se sont bien resserrés dans la nuit et ce n’est que le début. Il y a toujours cette bulle sans vent qui se décale vers l’ouest. Ceux qui sont déjà dedans ont été freinés et les autres se rapprochent. C’était flagrant notamment entre Cap St Barth et Les Étoiles Filantes mais aussi entre les premiers et l’ensemble de la flotte. Ainsi, ceux qui sont derrière reviennent fort : à titre d’exemple Solan Ocean Racing comptait 150 milles de retard dimanche matin et n’en a plus que 78 milles ce matin !
Les routages ne s’accordent pas : il y en a un qui récompense les Sudistes, un autre laisse penser que les Nordistes pourraient l’emporter. Par ailleurs, un constat s’impose. La flotte devrait arriver très groupée avec une poignée d’heures seulement entre la majorité des concurrents. Les écarts seront si faibles que chaque aspect à gérer (les grains, les sargasses, les aspects techniques) aura un rôle déterminant dans la dernière ligne droite ».
DES NOUVELLES DE LA FLOTTE
Les grains sont devenus une obsession. « Ils sont parfois violents, confie Corentin Horeau (Région Bretagne CMB Océane). Ils obligent aussi à ressortir les capuches et les cirés. « L’ambiance est humide, on est trempé, confie Laure Galley. La chaleur on a mais le soleil, ça manque ! » « Ça pleut sec ! » souligne Victor Le Pape (Région Bretagne CMB Espoir).
Heureusement qu’il y a des petits moments de réconfort. Dès que les grains s’estompent, « on ressort les shorts » dixit Martin Le Pape (Demain) et on lance « l’opération séchage sous la véranda » écrit Davy Beaudart (Hellowork). « On vit dans l’humidité depuis longtemps et c’est difficilement vivable, confie Alexis Thomas (Wings of the Ocean). Les petits airs vont nous faire du bien ».
Après une nuit « cruelle », justement à cause des grains, Anaëlle Pattusch et Hugo Cardon se sont remotivés (« on va tout donner pour remonter »). Et pour le moral, ils se sont partagés leur dernière mangue alors que Martin Le Pape et Mathilde Géron ont dégusté du jambon. Ellie Driver et Oliver Hill (Women's Engineering Society), eux, ont croisé une baleine, impressionnante et majestueuse, à quelques mètres de leur Figaro. Tiphaine Rideau et Pier-Paolo Dean (Banques Alimentaires) ont eu la visite d’un poisson volant avant d’immortaliser le coucher du soleil puis un arc en ciel. Quentin Vlamynck et Audrey Ogereau (Les Étoiles Filantes) ont reçu des messages émouvants des familles soutenues par l’association, de quoi faire le plein de motivation jusqu’au bout de l’aventure.
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