
Figaro Nautisme : Comment devient-on le directeur d’un groupe exclusivement dédié aux catamarans ?
Boris Compagnon : Je suis né à La Rochelle, la mer et les bateaux ont toujours fait partie de ma vie, de mon ADN... J’ai découvert le bateau, comme beaucoup, par l’Optimist, j’ai continué sur 420 et enfin j’ai régaté en habitable avec la Société des Régates Rochelaises. Le parcours classique du jeune rochelais ! J’ai commencé ma carrière professionnelle dans le textile. En 2000, j’ai eu l’opportunité de faire une transat en catamaran, un Bahia 46. J’ai adoré ! Après cette expérience, j’ai eu envie de mêler ma passion pour les bateaux et mon métier. Je suis rentré chez Zodiac au service après-vente. J’y suis resté 8 ans. Quand l’usine de Rochefort a fermé, je voulais rester physiquement dans ma région natale et surtout continuer dans le nautisme. Amel m’a proposé de rentrer au service livraison du chantier puis, comme cela se passait bien, je suis passé au service commercial. Amel, c’est une expérience incroyable sur de magnifiques bateaux, très techniques. Chaque livraison était la concrétisation du rêve d’un client. Et pour chaque mise à l’eau d’un nouveau bateau, la règle était de passer une semaine complète avec le propriétaire pour la mise en main et checker la totalité des systèmes. A chaque fois, cela était une expérience très forte et l’émotion souvent au rendez-vous. A l’époque, Amel sortait 30 bateaux par an, c’est dire si j’ai passé du temps sur l’eau...
Après 10 années extraordinaires chez Amel, Olivier Poncin m’a proposé de le rejoindre dans une nouvelle aventure : il venait de lancer la marque Bali Catamarans et tout était à faire, à construire. Il m’a expliqué le concept, ses objectifs. J’ai tout de suite adhéré. Au début, cela n’a pas forcément toujours été simple, car Bali arrivait avec un concept complètement nouveau et cassait les codes. Aujourd’hui, après 10 ans, on constate à quel point Olivier Poncin avait raison !
Figaro Nautisme : Le groupe Catana comprend plusieurs marques : Catana, créée en 1984, Bali Catamarans qui a une dizaine d’années et la toute dernière, YOT. Quelles sont les spécificités de chacune de ces marques ?
Boris Compagnon : Avant tout, il faut bien comprendre qu’aucune marque, aucun chantier, aucun bateau ne peut répondre à tous les besoins de chaque marin... Dans le groupe Catana, notre idée directrice, notre ADN est de proposer des bateaux qui vont répondre à des programmes et des besoins qui vont être différents selon chaque propriétaire. On ne part pas faire un rallye Paris Dakar en Formule 1. En bateau, c’est la même chose et chacune de nos marques a donc ses propres spécificités et clairement le programme d’un Catana est différent de celui d’un Bali ou d’un YOT...
Pour être synthétique, Bali s’adresse à ceux qui souhaitent se lancer dans le monde de la croisière avec un bateau facile, accessible et très confortable.
Quant aux catamarans Catana, ils s’adressent à des navigateurs confirmés, passionnés, ceux que l’on appelle « les bouffeurs de milles », des marins qui aiment la vitesse, les sensations à la barre, qui adorent jouer avec les réglages et qui naviguent loin et longtemps !
Enfin, notre dernière marque est destinée à la clientèle des bateaux à moteur. Il faut avoir en tête qu’aujourd’hui, un bateau sur dix est un voilier. Et le monde du bateau à moteur - 90% du marché du nautisme - n’a pas encore intégré tous les avantages offerts par la plateforme du catamaran, comme cela peut être le cas dans la voile.
Dans le groupe Catana, nous ne construisons que des catamarans. C’est notre ADN, notre savoir-faire, notre passion : nous ne nous développons pas sur ce créneau parce qu’il est porteur, mais parce que nous y croyons depuis plus de 40 ans. Catana a été créé à une époque où personne, ou pas grand monde, ne croyait au potentiel des multicoques !
Figaro Nautisme : Quelle est l’actualité des chantiers du groupe en 2025 ?
Boris Compagnon : L’actualité du groupe est chargée cette année. Bali va présenter à Cannes en septembre 2025 un tout nouveau modèle : le Bali 5.2. Un catamaran que nous avons conçu pour répondre aussi bien aux besoins des propriétaires que des locataires. L’aménagement a été pensé pour offrir de très nombreuses options avec 3 à 6 cabines, chacune avec douche et WC séparés et, si nécessaire, 2 cabines supplémentaires pour l’équipage. La modularité est exceptionnelle. Ce tout nouveau catamaran va pouvoir accueillir jusqu’à 16 personnes, le tout avec une finition haut de gamme, dans le même esprit que ce que nous proposons sur notre navire amiral, le 5.8.
Chez Catana, nous présenterons également au salon nautique de Cannes le nouveau millésime de notre Ocean Class, un catamaran de 50 pieds particulièrement abouti avec un design totalement repensé.
Et du côté de YOT, nous venons d’annoncer le prochain YOT 53. Un « Powercat cruiser » inédit et vraiment novateur avec sa porte oscillo-basculante, comme dans les Bali, qui permet d’offrir un espace de vie unique et totalement décloisonné. La cabine propriétaire est située à l’avant sur toute la largeur du catamaran. Son espace est exceptionnel avec une vraie nouveauté, un accès direct au cockpit avant offrant un espace « propriétaire » unique ! Un catamaran qui s’adresse à des propriétaires exigeants avec un aménagement en 4 cabines, 2 motorisations au choix en 2 X 440 ou 2 X 550 CH pour une vitesse de croisière de 15 à 18 noeuds et une vitesse maxi de 23 noeuds. Un bateau que nous présenterons à l’automne 2026.
Enfin, nous sommes très fiers de notre nouvelle usine au Portugal que nous venons d’inaugurer. Une unité de production exclusivement dédiée à la construction des YOT sur un terrain de 60 000 m2 ! La capacité de production de cette usine est de 200 à 300 bateaux par an. Notre objectif est de doubler notre chiffre d’affaires d’ici 5 à 10 ans en nous développant sur le créneau des catamarans à moteur.
Figaro Nautisme : Les bateaux d’aujourd’hui sont de plus en plus complexes mais aussi plus confortables et paradoxalement plus faciles à manoeuvrer. Comment voyez-vous l’évolution de vos bateaux dans 10 ou 15 ans ?
Boris Compagnon : L’avenir de notre industrie passe forcément par la démocratisation de la mer et toujours plus de facilité d’accès. Nous savons comment construire des bateaux confortables et capables de bien avancer quelques soient les conditions. Notre challenge dans l’avenir sera d’offrir toujours plus de maniabilité, de sécurité et d’aspects pratiques aux nouveaux marins. En mer, aujourd’hui, on a accès à peut-être 5 à 10% de ce que nous offre la technologie à terre. Un exemple, tout simple, permet de bien appréhender les progrès qui sont devant nous : on demande à son smartphone le chemin le plus facile ou le plus rapide ou le moins cher pour aller d’un point A à un point B. Demain, il faudra que ce soit aussi le cas en mer, selon les conditions météos, l’envie de mettre telle ou telle voile, de consommer plus ou moins et du temps que nous voulons consacrer à cette navigation...
Figaro Nautisme : Le groupe Catana en chiffres ?
Boris Compagnon : Nous sommes 1300 collaborateurs dans tout le groupe Catana, répartis sur 5 sites de production pour un chiffre d’affaires de 229 millions d’euros. En 11 ans, nous avons sorti 18 nouveaux modèles. Notre nouvelle usine au Portugal de 25 000 m2 est entièrement couverte de panneaux solaires...
Figaro Nautisme : Votre dernière navigation et la prochaine ?
Boris Compagnon : L’été dernier, autour de la Corse, en Bali Catsmart. La prochaine sera cet été. Je ne sais pas encore où, c’est la météo qui dictera la route, comme toujours en mer...