Race to the Edge : Argo et Zoulou, la revanche supersonique de la RORC Transatlantic Race 2026

Course au large
Par Le Figaro Nautisme

Le 11 janvier 2026, le départ de la RORC Transatlantic Race sera donné depuis Lanzarote. Pour la première fois, les MOD70 Argo et Zoulou mettront le cap sur Antigua. Deux multicoques identiques, deux skippers rivaux depuis dix ans, et un seul objectif : traverser l’Atlantique à plus de 30 nœuds.

Le 11 janvier 2026, le départ de la RORC Transatlantic Race sera donné depuis Lanzarote. Pour la première fois, les MOD70 Argo et Zoulou mettront le cap sur Antigua. Deux multicoques identiques, deux skippers rivaux depuis dix ans, et un seul objectif : traverser l’Atlantique à plus de 30 nœuds.
© Tim Wright/RORC

Un nouveau cap pour une course mythique

C’est une première pour la RORC Transatlantic Race : l’arrivée se fera cette année à Antigua, au lieu de Grenade. Une différence qui peut sembler minime sur la carte, mais qui change tout pour les navigateurs. Plus au nord, l’île caribéenne expose les concurrents à de nouvelles influences météo.
« En se rapprochant des systèmes venant du continent américain, on peut rencontrer des fronts froids qui perturbent les alizés », explique Brian Thompson, navigateur et barreur sur Argo. « Grenade garantissait presque toujours un vent régulier jusqu’au bout, alors qu’ici, la fin de course pourrait être plus piégeuse. »
La distance globale reste d’environ 3 000 milles, mais la trajectoire devient plus tactique. Le départ de Lanzarote impose de franchir rapidement la zone des Canaries avant de se caler dans le bon flux. Les premières 36 heures seront décisives : c’est là que tout se joue, entre les options nord ou sud, selon la position de l’anticyclone des Açores.

Des rivaux de longue date, séparés par des détails

Depuis 2015, Argo et Zoulou s’affrontent régulièrement sur les grands rendez-vous océaniques. Jason Carroll (États-Unis) et Erik Maris (France) ont chacun bâti autour de leurs MOD70 une équipe de haut niveau, où se côtoient marins professionnels, ingénieurs de performance et navigateurs de course au large.
Ces trimarans de 21,2 mètres, signés VPLP, sont capables de maintenir 35 nœuds sur plusieurs heures et de franchir l’Atlantique en moins de 6 jours. Conçus pour le Trophée Multi One Design, ils ont depuis été optimisés pour le large. Foils de nouvelle génération, gouvernails redessinés, voiles plus légères et électronique de bord sur mesure : chaque détail compte.
« Les deux bateaux sont aujourd’hui quasi identiques », confirme Thompson. « Les différences se jouent sur le réglage du rake, la tension des haubans ou la profondeur de dérive. Ce sont des écarts minuscules, mais à ces vitesses, le moindre nœud fait la différence. »

Les cerveaux de la performance

À bord de Zoulou, Ned Collier Wakefield, skipper et tacticien, peut compter sur le navigateur Miles Seddon, fin connaisseur de la météo et des modèles de routage. « Miles est un vrai métronome », confie Wakefield. « Il maîtrise la lecture des polaires et des systèmes. Avec lui, on optimise chaque choix, notamment dans les 48 premières heures. C’est souvent là que la course se gagne. »
En face, Argo aligne un équipage expérimenté, emmené par Brian Thompson, vétéran de la Volvo Ocean Race et du Vendée Globe. Son approche est plus instinctive, forgée par des années à naviguer sur des machines extrêmes. « Sur ces bateaux, tu ressens les pressions avant de les voir à l’écran. L’ordinateur te confirme juste ce que ton corps a déjà compris », explique-t-il.

© Tim Wright/RORC

Vie à bord : la vitesse, la fatigue et le vacarme

À 30 nœuds de moyenne, tout devient difficile : manger, dormir, se concentrer. Le bruit, le tangage et les chocs répétés transforment chaque quart en test d’endurance.
« Tu dors littéralement dans une caisse de résonance », raconte Wakefield. « Le bruit des coques qui frappent les vagues, le sifflement des foils... certains portent des casques antibruit pour espérer fermer les yeux. »
Chaque équipage compte six marins, répartis en deux équipes de trois, sur un rythme de trois heures de quart, trois heures de repos. En réalité, le sommeil effectif dépasse rarement une heure et demie. « On limite les périodes de barre à une heure », ajoute Thompson. « Après ça, la concentration chute et les performances aussi. »

Malgré les chiffres impressionnants, c’est toujours l’humain qui fait la différence. La RORC Transatlantic Race exige une vigilance constante : réglages de voiles, surveillance des polaires, anticipation des grains.
Les fameux squalls, ces nuages d’orage tropicaux accompagnés de rafales et de pluie, sont à la fois opportunité et piège. « Le but, c’est de rester juste devant le grain pour profiter de sa pression sans se faire enfermer dans le trou d’air derrière », détaille Thompson. « C’est là que les erreurs coûtent cher. »
À cette allure, la coordination d’équipe devient cruciale. Un empannage raté ou un foil mal ajusté peut faire perdre plusieurs milles. Chaque manœuvre mobilise tout l’équipage, y compris ceux "off watch", censés se reposer.

Une rivalité forgée dans le respect

Malgré la tension de la compétition, le respect mutuel entre Argo et Zoulou reste fort. « On se connaît tous », reconnaît Wakefield. « On s’est souvent retrouvés sur les mêmes pontons, parfois dans les mêmes projets. J’ai même aidé à convoyer Argo vers Lanzarote une année. »
Les deux équipes partagent une même philosophie : repousser les limites sans jamais perdre l’esprit marin. « Quand tu termines une transat sur un MOD70, tu ne ressens pas de triomphe, juste une immense satisfaction d’avoir tenu », confie Thompson. « Et la première bière, à terre, c’est toujours ensemble. »

Cette édition 2026 réunira plusieurs figures du multicoque océanique. Outre Argo et Zoulou, le catamaran MG5 WellnessTraining de Marc Guillemot, vainqueur des Line Honours en 2025, sera au départ. À 52 pieds, il incarne une autre école : moins extrême, mais redoutablement efficace sous la jauge MOCRA. Guillemot, ancien troisième du Vendée Globe 2008-2009 et double vainqueur de la Transat Jacques Vabre, vise une place sur le podium en temps compensé.
Autre participant notable : Sterec Ultime, trimaran de 50 pieds construit par Dick Newick en 1985. Son propriétaire, Christophe Bogrand, l’engagera ensuite sur la Route du Rhum 2026.

L’esprit RORC : passion et exigence

Derrière les chiffres et les vitesses folles, la RORC Transatlantic Race reste avant tout une école de rigueur. Elle réunit professionnels et amateurs éclairés autour d’un même défi : traverser l’Atlantique dans les règles de l’art.
Pour Thompson, c’est un rappel de ce qui fait la grandeur de la voile océanique : « Que tu sois sur un 35 pieds ou un 70 pieds, tu vis la même chose : planifier, t’adapter, faire confiance à ton équipage. »
Wakefield renchérit : « Ces bateaux sont durs, mais c’est une chance unique. À chaque départ, on sait qu’on va souffrir. Et pourtant, on a tous hâte de repartir. »

Argo et Zoulou s’élanceront de Marina Lanzarote le 11 janvier 2026. Le duel promet d’être serré, les écarts mesurés en heures, voire en minutes, à l’arrivée à Antigua. Une transat qui s’annonce comme l’une des plus rapides, et des plus intenses, jamais disputées sur la RORC Transatlantic Race.

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...
Irwin Sonigo
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Capitaine 200 et ancien embarqué dans la Marine nationale, Irwin Sonigo a exploré toutes les facettes de la navigation. Des premiers bords sur un cotre aurique de 1932 à la grande plaisance sur la Côte d’Azur, en passant par les catamarans de Polynésie, les voiliers des Antilles ou plusieurs transatlantiques, il a tout expérimenté. Il participe à la construction d’Open 60 en Nouvelle-Zélande et embarque comme boat pilote lors de la 32e America’s Cup. Aujourd’hui, il met cette riche expérience au service de Figaro Nautisme, où il signe des essais et reportages ancrés dans le réel.