Trophée Jules Verne 2026 : pourquoi le record résiste encore

Course au large
Par Mark Bernie

Depuis 2017, le temps de référence du Trophée Jules Verne autour du monde défie les générations de maxi-trimarans. Plus rapides, plus puissants, plus sophistiqués, les Ultim actuels semblent armés pour battre ce chrono mythique. Pourtant, l’océan continue de dicter sa loi. À l’heure où plusieurs tentatives sont engagées, une question s’impose : le record est-il vraiment à portée, et à quelles conditions précises ?

Depuis 2017, le temps de référence du Trophée Jules Verne autour du monde défie les générations de maxi-trimarans. Plus rapides, plus puissants, plus sophistiqués, les Ultim actuels semblent armés pour battre ce chrono mythique. Pourtant, l’océan continue de dicter sa loi. À l’heure où plusieurs tentatives sont engagées, une question s’impose : le record est-il vraiment à portée, et à quelles conditions précises ?

Deux maxi trimarans se mesurent déjà, en conditions réelles, à l’un des chronos les plus durs de la voile océanique. D’un côté, Sodebo Ultim 3 et Thomas Coville vient de s’élancer avec un objectif clair : revenir avant l’heure limite qui correspond au temps de référence d’IDEC Sport, établi en 2017. De l’autre, IDEC Sport est reparti sur la même trace avec The Famous Project CIC, un équipage 100 % féminin emmené par Alexia Barrier, qui vise aussi à inscrire une nouvelle page dans l’histoire de ce trophée.
La question de battre ce record n’est donc pas théorique. Elle se joue maintenant, dans la météo du moment, dans la violence des mers du Sud, dans la capacité d’un Ultim à rester longtemps à son potentiel maximal sans en payer le prix fort. Le Trophée Jules Verne ne laisse aucune place à l’approximation !


Un record ancien sur un bateau qui ne volait pas, et c’est tout le paradoxe

Le temps à battre reste celui de Francis Joyon et de l’équipage IDEC Sport : 40 jours 23 heures 30 minutes et 30 secondes. Sur le papier, les Ultim actuels, plus rapides, plus puissants, capables de phases de vol, devraient avoir « explosé » ce chrono depuis longtemps. Dans la réalité, ce record résiste parce que le Trophée Jules Verne ne récompense pas un pic de vitesse, mais une moyenne planétaire sur une boucle qui ne pardonne rien.
C’est là que le record de 2017 devient fascinant : il a été signé par un trimaran qui ne reposait pas sur la logique du vol permanent, mais sur une fiabilité, une cohérence de plateforme et une lecture météo suffisamment juste pour éviter les pièges les plus coûteux en ralentissements. Le Jules Verne, ce n’est pas « aller vite » : c’est « aller vite longtemps », au bon endroit, au bon moment.

Francis Joyon
Francis Joyon© IDEC Sport

2026 commence déjà : 2 bateaux, 2 récits, 1 même arbitre, la météo

Le 15 décembre 2025, Sodebo Ultim 3 a franchi la ligne de départ au large d’Ouessant, avec 7 marins à bord et une contrainte simple : recouper la ligne d’arrivée avant le 25 janvier 2026 à 20h31’35’ pour effacer Joyon. C’est la définition même du Jules Verne : un duel contre un temps, pas contre un adversaire, même si la course se raconte toujours mieux quand un autre bateau est quelque part sur le même océan.
Cet "autre bateau", c’est IDEC Sport, le détenteur du record depuis ans maintenant, confié à Alexia Barrier et à l’équipage de The Famous Project CIC, parti fin novembre 2025, avec une ambition qui dépasse le chronomètre : inscrire un temps de référence féminin, tout en se confrontant au standard absolu du trophée. A l’heure où sont écrites ces lignes, le trimaran rouge filait au large de Bonne-Espérance avec un retard sur le record absolu dû à des avaries de hook, mais... l’histoire reste à écrire sur l’Indien le Pacifique et la remontée de l’Atlantique. La météo sera le juge de paix ! Dans les équipes modernes, elle n’est pas un simple décor, c’est un organe vital. La bascule en "code vert" qui déclenche un départ, c’est précisément la validation d’un scénario de route et de vitesse sur les premiers jours, avant d’aller chercher les trains de dépressions du Sud.

© The Famous Project

Ce qu’il faut aligner pour gagner du temps : la trilogie bateau, équipage, fenêtre

Thomas Coville le résume avec une franchise qui colle parfaitement à la réalité de ces tentatives : « Il faut avoir un bon bateau, un bon équipage et une bonne météo. » Tout est là, et tout est piégeux.
Le bateau d’abord. Sodebo Ultim 3 a été pensé pour ce parcours, explique Coville, et l’équipe a fait un travail express de remise à niveau après la Transat Café L’Or : démontage, vérification, remontage en 3 semaines, une "gageure technique" à cette échelle. Cette phrase dit autre chose que la seule performance : elle dit l’obsession de réduire le risque, car la moindre avarie casse instantanément la moyenne.
L’équipage ensuite. Les noms comptent moins ici que la complémentarité et l’expérience des mers du Sud. Sodebo repart avec un équipage stable, déjà engagé sur la campagne précédente, et dont la cohésion est un facteur de sécurité autant qu’un gain de performance. Côté IDEC, l’histoire est différente mais l’exigence identique : un bateau légendaire, actuel détenteur du record depuis ans, d’une solidité à toute épreuve, une tentative très bien organisée par une équipe très professionnelle, et une pression particulière liée à la dimension pionnière du projet. Un équipage 100% féminin sur le parcours le plus difficile et avec l’ambition de battre LE record !
La fenêtre météo enfin, et c’est souvent elle qui "fait" ou "défait" un Jules Verne. Le départ n’est jamais un geste romantique : c’est un pari sur la séquence des premiers jours, puis sur la possibilité d’enchaîner les systèmes dans le Sud sans se faire enfermer.

La barre des 40 jours : possible, mais pas de la manière dont on l’imagine

Passer sous les 40 jours est devenu une frontière symbolique. Les marins savent que les Ultim en sont capables. La question n’est pas tant la vitesse maximale que la capacité à la soutenir sans basculer dans la zone de rupture.
Plus un bateau est mené fort, plus les contraintes structurelles augmentent. Chaque nœud gagné expose davantage aux chocs, à la fatigue des appendices, à la moindre faiblesse matérielle. Les tentatives avortées de ces dernières années l’ont montré : il suffit d’un incident dans l’océan Indien ou le Pacifique pour transformer une trajectoire idéale en abandon.
Le record est donc battable, mais à une condition stricte : que les bateaux puissent rester dans une plage de performance élevée sans franchir la ligne rouge. Le Jules Verne récompense moins le bateau le plus rapide que le système le plus robuste, dans toutes ses dimensions.

Pensez à consulter les prévisions sur METEO CONSULT Marine.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...
Irwin Sonigo
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Capitaine 200 et ancien embarqué dans la Marine nationale, Irwin Sonigo a exploré toutes les facettes de la navigation. Des premiers bords sur un cotre aurique de 1932 à la grande plaisance sur la Côte d’Azur, en passant par les catamarans de Polynésie, les voiliers des Antilles ou plusieurs transatlantiques, il a tout expérimenté. Il participe à la construction d’Open 60 en Nouvelle-Zélande et embarque comme boat pilote lors de la 32e America’s Cup. Aujourd’hui, il met cette riche expérience au service de Figaro Nautisme, où il signe des essais et reportages ancrés dans le réel.