
Deux maxi trimarans se mesurent déjà, en conditions réelles, à l’un des chronos les plus durs de la voile océanique. D’un côté, Sodebo Ultim 3 et Thomas Coville vient de s’élancer avec un objectif clair : revenir avant l’heure limite qui correspond au temps de référence d’IDEC Sport, établi en 2017. De l’autre, IDEC Sport est reparti sur la même trace avec The Famous Project CIC, un équipage 100 % féminin emmené par Alexia Barrier, qui vise aussi à inscrire une nouvelle page dans l’histoire de ce trophée.
La question de battre ce record n’est donc pas théorique. Elle se joue maintenant, dans la météo du moment, dans la violence des mers du Sud, dans la capacité d’un Ultim à rester longtemps à son potentiel maximal sans en payer le prix fort. Le Trophée Jules Verne ne laisse aucune place à l’approximation !
Un record ancien sur un bateau qui ne volait pas, et c’est tout le paradoxe
Le temps à battre reste celui de Francis Joyon et de l’équipage IDEC Sport : 40 jours 23 heures 30 minutes et 30 secondes. Sur le papier, les Ultim actuels, plus rapides, plus puissants, capables de phases de vol, devraient avoir « explosé » ce chrono depuis longtemps. Dans la réalité, ce record résiste parce que le Trophée Jules Verne ne récompense pas un pic de vitesse, mais une moyenne planétaire sur une boucle qui ne pardonne rien.
C’est là que le record de 2017 devient fascinant : il a été signé par un trimaran qui ne reposait pas sur la logique du vol permanent, mais sur une fiabilité, une cohérence de plateforme et une lecture météo suffisamment juste pour éviter les pièges les plus coûteux en ralentissements. Le Jules Verne, ce n’est pas « aller vite » : c’est « aller vite longtemps », au bon endroit, au bon moment.

2026 commence déjà : 2 bateaux, 2 récits, 1 même arbitre, la météo
Le 15 décembre 2025, Sodebo Ultim 3 a franchi la ligne de départ au large d’Ouessant, avec 7 marins à bord et une contrainte simple : recouper la ligne d’arrivée avant le 25 janvier 2026 à 20h31’35’ pour effacer Joyon. C’est la définition même du Jules Verne : un duel contre un temps, pas contre un adversaire, même si la course se raconte toujours mieux quand un autre bateau est quelque part sur le même océan.
Cet "autre bateau", c’est IDEC Sport, le détenteur du record depuis ans maintenant, confié à Alexia Barrier et à l’équipage de The Famous Project CIC, parti fin novembre 2025, avec une ambition qui dépasse le chronomètre : inscrire un temps de référence féminin, tout en se confrontant au standard absolu du trophée. A l’heure où sont écrites ces lignes, le trimaran rouge filait au large de Bonne-Espérance avec un retard sur le record absolu dû à des avaries de hook, mais... l’histoire reste à écrire sur l’Indien le Pacifique et la remontée de l’Atlantique. La météo sera le juge de paix ! Dans les équipes modernes, elle n’est pas un simple décor, c’est un organe vital. La bascule en "code vert" qui déclenche un départ, c’est précisément la validation d’un scénario de route et de vitesse sur les premiers jours, avant d’aller chercher les trains de dépressions du Sud.

Ce qu’il faut aligner pour gagner du temps : la trilogie bateau, équipage, fenêtre
Thomas Coville le résume avec une franchise qui colle parfaitement à la réalité de ces tentatives : « Il faut avoir un bon bateau, un bon équipage et une bonne météo. » Tout est là, et tout est piégeux.
Le bateau d’abord. Sodebo Ultim 3 a été pensé pour ce parcours, explique Coville, et l’équipe a fait un travail express de remise à niveau après la Transat Café L’Or : démontage, vérification, remontage en 3 semaines, une "gageure technique" à cette échelle. Cette phrase dit autre chose que la seule performance : elle dit l’obsession de réduire le risque, car la moindre avarie casse instantanément la moyenne.
L’équipage ensuite. Les noms comptent moins ici que la complémentarité et l’expérience des mers du Sud. Sodebo repart avec un équipage stable, déjà engagé sur la campagne précédente, et dont la cohésion est un facteur de sécurité autant qu’un gain de performance. Côté IDEC, l’histoire est différente mais l’exigence identique : un bateau légendaire, actuel détenteur du record depuis ans, d’une solidité à toute épreuve, une tentative très bien organisée par une équipe très professionnelle, et une pression particulière liée à la dimension pionnière du projet. Un équipage 100% féminin sur le parcours le plus difficile et avec l’ambition de battre LE record !
La fenêtre météo enfin, et c’est souvent elle qui "fait" ou "défait" un Jules Verne. Le départ n’est jamais un geste romantique : c’est un pari sur la séquence des premiers jours, puis sur la possibilité d’enchaîner les systèmes dans le Sud sans se faire enfermer.
La barre des 40 jours : possible, mais pas de la manière dont on l’imagine
Passer sous les 40 jours est devenu une frontière symbolique. Les marins savent que les Ultim en sont capables. La question n’est pas tant la vitesse maximale que la capacité à la soutenir sans basculer dans la zone de rupture.
Plus un bateau est mené fort, plus les contraintes structurelles augmentent. Chaque nœud gagné expose davantage aux chocs, à la fatigue des appendices, à la moindre faiblesse matérielle. Les tentatives avortées de ces dernières années l’ont montré : il suffit d’un incident dans l’océan Indien ou le Pacifique pour transformer une trajectoire idéale en abandon.
Le record est donc battable, mais à une condition stricte : que les bateaux puissent rester dans une plage de performance élevée sans franchir la ligne rouge. Le Jules Verne récompense moins le bateau le plus rapide que le système le plus robuste, dans toutes ses dimensions.
Pensez à consulter les prévisions sur METEO CONSULT Marine.
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