Les 5 navigations antillaises à vivre au moins une fois dans sa vie de marin
5 itinéraires à la voile aux Antilles qu’un marin devrait avoir dans son sillage
Il existe des routes qui comptent dans une vie de marin, comme un premier quart de nuit ou une transat réussie. Aux Antilles, certains itinéraires jouent ce rôle de rite de passage : ils apprennent à lire les alizés, à gérer la mer dans les canaux, à enchaîner les formalités, à composer avec la saison cyclonique et avec l’affluence de la haute saison. Cinq d’entre eux reviennent dans les récits de croisière, de la Martinique aux Grenadines, des Saintes aux îles Vierges.
L’objectif n’est pas de faire un catalogue de cartes postales, mais de montrer ce que chaque route implique réellement pour un chef de bord : distances, météo, sécurité, organisation, erreurs classiques. Les alizés d’est soufflent en moyenne entre 15 et 20 nœuds en saison sèche, parfois 25 à 30 nœuds pendant les périodes de renforcement hivernal, avec une houle qui dépasse souvent 2 mètres. Ce contexte, très stable en apparence, évolue pourtant rapidement lorsqu’on passe d’une navigation à vue dans un canal abrité à un bord vigoureux sous le vent d’une île haute.
1. BVI : le laboratoire de la croisière à vue
Pour beaucoup de navigateurs européens, les îles Vierges britanniques sont la première grande croisière tropicale. Les distances entre Tortola, Virgin Gorda, Jost Van Dyke ou Anegada dépassent rarement 20 milles, la navigation se fait presque entièrement à vue dans le Drake Channel, bien protégé de la houle d’Atlantique.
Sur le papier, tout semble facile : mouillages sablonneux, récifs bien identifiés, alizés réguliers. Dans la réalité, cette destination apprend aussi à naviguer voire... à piloter au milieu d’une flotte de location dense, à manœuvrer dans des zones coralliennes serrées, à utiliser les bouées obligatoires dans les parcs marins et à gérer un trafic de ferries rapide. C’est un terrain idéal pour roder un équipage : lever l’ancre, deux heures de navigation, mouillage, baignade, et recommencer. Une semaine suffit souvent pour transformer un équipage hésitant en équipe bien organisée, prête à s’aventurer vers des navigations plus exposées.
2. Guadeloupe, Les Saintes, Marie-Galante, Dominique : comprendre la météo des îles
Autour de la Guadeloupe, un triangle de 200 à 250 milles mêle navigation côtière, passages de canaux et effets de relief parfois violents. Les étapes sont courtes, mais le vent et la mer changent radicalement au gré du relief. Sous le vent de la Basse-Terre, les alizés peuvent tomber sous les 10 nœuds avant de réapparaître brutalement en sortant des zones de masque. Dans le canal des Saintes ou entre la Guadeloupe et la Dominique, l’accélération peut ajouter 5 à 10 nœuds de vent et former un clapot serré.
Cet itinéraire apprend à anticiper les effets de relief, à raisonner au-delà des prévisions brutes, à gérer les grains tropicaux et à organiser ses départs en fonction des fenêtres météo. S’ajoute la question des formalités dès que l’on pousse jusqu’à la Dominique : entrées, sorties, taxes diverses. Une bonne préparation évite d’y perdre un temps précieux.
3. Martinique - Sainte-Lucie - Saint-Vincent - Grenadines : la route des canaux
La descente vers les Grenadines est l’un des grands classiques caribéens. Pourtant, c’est un itinéraire technique. Entre la Martinique et Sainte-Lucie, puis entre Sainte-Lucie et Saint-Vincent, les canaux sont ouverts, exposés au vent et à la houle. On y navigue souvent dans 20 nœuds établis, parfois plus, avec une mer courte et soutenue. Ces traversées n’ont rien de « petites balades » tropicales : ce sont de vraies navigations hauturières qui demandent un équipage en forme et une veille sérieuse.
Dans les Grenadines, le décor change mais les exigences persistent. Tobago Cays, par exemple, est un terrain d’apprentissage exceptionnel pour la lecture des fonds : viser les taches de sable, éviter les patates de corail, arriver tôt pour profiter de la lumière. C’est l’un des rares endroits où l’on réalise combien la navigation s’appuie autant sur les instruments que sur l’œil du barreur.
4. Antigua, Barbuda, Saint-Barth, Saint-Martin, Anguilla : cap sur le nord
En remontant vers le nord, les distances s’allongent et la houle prend parfois une composante plus marquée, issue des dépressions atlantiques. L’atterrissage sur Barbuda, île basse et bordée de hauts-fonds, exige une précision que les navigateurs n’oublient pas. Entre Saint-Barth, Saint-Martin et Anguilla, les mouillages peuvent devenir inconfortables sous l’effet d’une houle de nord qui contourne les caps.
Cet itinéraire oblige à croiser systématiquement prévisions de vent et de houle, à renoncer parfois à une baie pourtant superbe, et à s’adapter aux systèmes de clearances qui changent d’une île à l’autre. C’est une navigation plus technique qu’elle n’en a l’air, qui forge de vrais réflexes de marin.
5. La grande boucle : Guadeloupe - Grenadines sur un mois
Dernier itinéraire, et pas des moindres : la grande boucle de trois à cinq semaines qui relie Guadeloupe, Martinique, Sainte-Lucie, Saint-Vincent et les Grenadines, puis remonte en faisant escale là où l’on ne s’est pas arrêté à l’aller... On y accumule entre 800 et 1 000 milles, un format qui attire de plus en plus de plaisanciers expérimentés.
C’est un concentré de tout ce que les Antilles exigent : gestion des vivres, entretien du bateau loin des shipchandlers bien fournis, moral de l’équipage, anticipation météo, fatigue accumulée. Beaucoup racontent que cette boucle a été une répétition générale avant un projet plus ambitieux.
Alors, on y va ?
Ces cinq itinéraires ne doivent pas leur réputation aux seules cartes postales. Ils enseignent la réalité de la navigation tropicale : effets de relief, canaux ouverts, houles croisées, formalités multiples et organisation d’équipage. Pour un marin qui rêve d’une transat ou d’une grande croisière, ces routes ne sont pas une parenthèse exotique, mais une formation grandeur nature dans l’un des plus beaux terrains de jeu du monde.
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