
Près d’un an après la disparition du voilier Grain de soleil, au large des Açores, les familles des trois victimes et les acteurs des recherches sont toujours mobilisés. Ils souhaitent proposer des innovations humaines pour la sécurité en mer.
Au moment de la disparition du voilier Grain de soleil, un élan de générosité inattendu et exceptionnel s’est formé autour des familles des naufragés, au-delà du monde maritime. « Je crois que nous avons touché des personnes qui ne connaissaient pas la mer car nous avons veillé à présenter chacun des marins, Guillaume, Etienne et Franck, de façon très humaine. Nous avons touché des mères, des frères, des amis… », commente Anne Quéméré. Proche du skipper, Guillaume Moussette, la navigatrice a mis de côté ses projets au printemps dernier pour aider les familles et organiser des recherches. Les recherches officielles ne donnant pas de résultat, le collectif avait affrété deux navires et coordonné plusieurs dizaines d’embarcations volontaires pour quadriller la zone. Anne Quéméré découvre alors le monde du sauvetage et ses grands acteurs. « Il y a peut-être un manque d’humanité dans ces institutions, témoigne-t-elle. Je comprends l’importance de se préserver pour ces professionnels mais si les familles nous ont appelés c’est qu’elles étaient perdues. » Difficile notamment de leur expliquer les longues heures nécessaires au déploiement des moyens de sauvetage. « Certains des parents des trois garçons n’ont jamais navigué », insiste Anne Quéméré. Un an plus tard, Anne Quéméré peine à ravaler ses larmes lorsqu’elle rappelle que l’un des trois occupants a tenu une balise hors de l’eau pendant 75 heures. L’émotion est vive. « Nous avons hésité à prolonger cette période de mobilisation par un fonds de dotation. Nous nous demandions s’il ne fallait pas laisser les familles faire leur deuil mais rien n’est plus insupportable que de perdre un enfant pour rien. » Le fonds permettra de mettre en place des solutions de sécurité en mer à taille humaine. Les proches des disparus du Grain de Soleil souhaitent que leur expérience et les enseignements qu'ils en ont tirés puissent être utiles à d'autres, "tout simplement" a précisé le collectif lors de son message fondateur.
Prendre le temps de mettre en place des dispositifs différents
La première action des organisateurs du fonds de dotation fut de lancer un appel à témoignages pour recueillir des récits de naufragés, des informations techniques, pour s'immerger encore plus dans le monde du sauvetage. L'accessibilité financière des moyens de sécurité est également très rapidement arrivée en tête de leurs préoccupations. Anne Quéméré le regrette : embarquer un équipement de sécurité est encore une question d’argent. « Un budget de 2.000 euros à 26 ans (l'âge du skipper, ndlr), ce n’est pas rien. » Alors, l’équipe du fonds de dotation Grain de Soleil réfléchit à un système de location à bas prix d'équipements, comme le téléphone par satellite iridium, au sein des capitaineries. "On pourrait ne facturer que la durée de la location d'un téléphone si les unités de communication, qui coûtent tellement cher, n'ont pas été utilisées à l'arrivée", envisage Anne Quéméré. La navigatrice évoque aussi une astreinte téléphonique tenue par des bénévoles - "C'est relativement facile à organiser avec les téléphones portables" - pour aider les familles en détresse. "Les équipes des Cross sont comme des chirurgiens qui n'ont pas envie d'être embêtés par les appels des familles. Je pense qu'ils seraient soulagés par un tel dispositif", avance-t-elle. Le collectif du fonds de dotation a quitté le temps de l'urgence pour prendre le temps de réfléchir à des dispositifs différents. Anne Quéméré était ainsi au Forum Mer en Sécurité organisé par les Sauveteurs en mer.