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N’est-ce pas sur le trimaran Orma 60 Fujicolor de Loïck Peyron que nous les avons vus apparaître ? Je crois me souvenir d’équipiers d’avant déjà reliés à leur skipper/barreur par la voix des ondes. Plus récemment, vous les avez vus à bord des trimarans Ultim ou des monocoques volants de l’America's Cup équipés de casques-micros. Il faut dire que filant régulièrement à plus de 35 nœuds avec donc un vent apparent bien supérieur, sur une plateforme de plus de 700m² (Classe 32/23) tout en carbone qui résonne, inutile de crier le message n’arrivera jamais. D’autant plus que, notamment sur les AC75, les manœuvres sont de véritables chorégraphies cadencées à la seconde près. Tout dysfonctionnement peut donc mener à la catastrophe comme nous avons pu le constater lors du quasi-naufrage d’American Magic il y a quelques jours. Cette sortie de piste spectaculaire est sans doute le résultat d’un cumul de causes encore pas totalement élucidé. Mais un décalage de quelques fractions de secondes entre barreurs, régleurs de voile et de l’équipier en charge du contrôle… du vol, n’est pas à exclure.
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Que faut-il en retenir pour nos croisières estivales ou nos régates IRC du printemps ? Tout d’abord que rien ne sert de crier, il faut communiquer à point ! Avec les caméras embarquées retransmettant en direct ou en différé mais dans leur intégralité, il est aisé de constater l’économie de mots en vigueur à bord des bateaux les plus rapides de la planète. Et bien entendu pas un mot au-dessus de l’autre. S’il reste quelques capitaines ayant pour fâcheuse habitude de crier sur leurs équipiers, ou pire leur équipière préférée, il est urgent qu’ils entrent dans le XXIème siècle et adoptent quelques règles toutes simples. La première d’entre-elles étant d’anticiper. Décomposer en avance la manœuvre à venir qu’il s’agisse d’un simple virement de bord, d’un empannage, d’un affalage, d’une arrivée de port ou d’un mouillage avec l’ensemble de l’équipage est une très bonne habitude à prendre. Que chacun, quel que soit son niveau connaisse le dérouler de la manœuvre, son rôle, les moments clés et bien entendu les mots qui déclencheront les différentes phases est un gage de rassurance pour tous. L’expérience aidant, la complexité augmentant, surtout en régate, plusieurs scénarios possibles seront envisagés et déclencheront des manœuvres différentes, typiquement : « A la bouée sous le vent, on affale, et on repart sur le même bord sauf si on se retrouve sous le vent de notre concurrent direct, auquel cas on virera le plus rapidement possible pour se dégager ». Ainsi tout le monde sait qu’il faut être prêt à virer de bord très vite.
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Une fois dans le feu de l’action, il y a deux façons de communiquer. La première est à sens unique, le plus souvent émise par le skipper, mais pouvant l’être aussi par le tacticien, le navigateur ou le barreur. C’est simple, rapide, efficace, « je vire », « je mouille », aucune réponse n’est attendue et il n’y a donc aucun retour sur le fait que tour le monde ait bien entendu et compris l’information. La communication à double sens, certes prend plus de temps, car nécessite un échange, mais au moins l’émetteur initial sait à quoi s’en tenir quant à la compréhension qu’ont eu de son message, celui ou ceux à qui il était destiné. Les difficultés commencent quand le bruit (moteur et vent principalement…), les obstacles (capuches), l’orientation (quand la voix suit le regard…à l’opposé de l’interlocuteur, grand classique des manœuvres de mouillage). Deux solutions sont alors à votre disposition. La première, ancestrale et totalement gratuite mais nécessitant d’avoir été anticipée, est la communication non-verbale. Pour reprendre l’exemple de l’arrivée ou du départ d’un mouillage, indiquer l’orientation de la chaîne d’ancre au barreur avec l’avant-bras est visuellement très parlant. De nombreux signes peuvent ainsi avoir été convenus en amont pour différents moments de la vie du bord. Cependant leur nombre restera toujours limité et ne pourra concerner qu’un public habitué. Alors en dernier ressort, comme me le confiait un lecteur très prévenant, il existe depuis quelques années sur le marché à des prix tout à fait abordables, à partir d’une centaine d’euros la paire, un équipement « anti-divorce » très efficace, des Talkie-Walkie étanches avec oreillettes. Quel plaisir d’arriver au mouillage et de pouvoir échanger presque à voix basse, avec votre moitié. Quelle meilleure impression laisser qu’un bateau arrivant sans un mot plus haut que l’autre au ponton ou dans une crique ? Indéniablement, l’essayer c’est l’adopter.
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