
Nul ou presque ne se risquerait à acheter la moindre petite maison, voire garage, sans l’assistance d’un agent immobilier. Dans tous cas les actes et les transferts de fond seront garantis pas un notaire. Pourtant il ne manque pas d’heureux propriétaires de bateaux pour douter du rôle d’un courtier en bateau, également connu, création anglo-saxonne oblige, sous le vocable de yacht broker. Autant vous dire que dans le métier, et donc dans cet article, il vous faudra souffrir nombre d’anglicismes.
D’ailleurs les plus anciens dans le métier, désormais spécialisés dans les superyachts, implantés sur la Côte d’Azur pour des raisons évidentes de proximité avec leurs clients, sont anglo-saxons d’origine et ont pour nom Fraser ou encore Burgess. Marc Pajot, installé à St Tropez fait partie des brokers français actifs sur ce marché. Un autre ancien coureur au large s’est fait une très bonne réputation sur le marché des beaux voiliers de course, notamment en Imoca, c’est Bernard Gallay. La société française doyenne en la matière, AYC met pour sa part en avant son expérience dans les bateaux de grande croisière, chers à son fondateur Christian Picard. Les grands chantiers comme les marques de niche ont eux aussi inclus ce métier à leur offre de service, de Bénéteau avec EYB (devenu Band of Boats ) à Amel ou Outremer. Mais cela n’empêche pas des courtiers indépendants de très bien servir leurs marchés régionaux, ou des secteurs très pointus comme les yachts classiques à l’image d’un François Séruzier à Morlaix.

Tous savent conseiller le vendeur sur la véritable valeur de marché de son navire, et l’acquéreur sur le bateau qui correspond le mieux à son programme et à son budget. Ils connaissent très bien les bateaux qui leur ont été confiés à la vente et les décrivent aux potentiels acheteurs en toute transparence et objectivité. S’ils n’ont pas de bateau correspondant à la recherche d’un acquéreur, ils pourront se tourner vers un confrère avec qui il travailleront en co-brokerage. Ils deviennent alors “buyer-broker” et les deux courtiers partageront alors la commission prévue. Car le courtier doit impérativement signer avec le vendeur un mandat, qui précisera toutes les modalités de la vente : le prix bien sûr, mais aussi le taux de commission, la durée du contrat, son degré d’exclusivité, les conditions de rupture...
Cependant, la phase de recherche, puis de négociation n’est que le début du travail, la partie visible. Une fois un accord trouvé pour la vente d’un voilier ou d’un bateau à moteur, le broker rédige et fais signer le compromis de vente, organise l’expertise en relation avec l’expert nommé par l’acquéreur, sert d’intermédiaire entre les parties en cas de problème mineur relevé lors de l’expertise. Il éditera et fera signer in fine les actes de vente réglementaires avant de procéder aux formalités administratives de transfert de propriété. Il est surtout garant des fonds versés jusqu’au transfert effectif de propriété. Il propose ainsi, comme un notaire, une double garantie de bonne fin de transaction. Aux acquéreurs, qu’ils deviendront bien propriétaires d’un bateau en parfait état de fonctionnement et correspondant à la description initiale. Aux vendeurs, qu’ils recevront bien l’intégralité du prix de vente convenu, commission de courtage déduite, contre cession de la propriété du navire.
Vous n’êtes toujours pas convaincus ? Prenons quelques exemples concrets dans le cadre d’une vente entre particuliers. Est-ce que le vendeur rendra sans délai les 10% d’acompte versés par l’acquéreur en cas d’expertise révélant un vice majeur, ou se dirige-t-on vers un débat sans fin qui se finira dans très longtemps devant les tribunaux ? Est- ce que le vendeur acceptera de réaliser le transfert de propriété avant d’être intégralement payé du montant convenu ou l’acquéreur prendra-t-il le risque de payer plusieurs dizaines de milliers d’euros avant d’être certain que le bateau n’est pas hypothéqué, ou qu’un divorce ou une succession en cours ne bloquera pas la vente pendant des mois ou des années ?
Pour lever les dernières objections, non le propriétaire d’un bateau n’est pas son meilleur vendeur, au contraire. Posséder un bateau est bien trop irrationnel, nous y mettons tous beaucoup trop d’affect, de sentiments et d’argent pour avoir un avis objectif sur sa valeur, ses qualités et ses points faibles. Enfin, si trouvez que le taux de commission est trop élevé, considérez que le courtier a déjà fait une partie de la négociation avant de prendre le bateau à la vente. En effet, 90% des vendeurs surestiment la valeur de leur bateau. Or aucun courtier n’a intérêt à prendre à la vente un bateau au-dessus de sa valeur de marché. Il ne pourrait le vendre et mécontenterait donc rapidement le vendeur. Qui plus est, le taux de commission généralement pratiqué en France de situe en dessous des 10% qui sont la règle sur le marché anglo-saxon. C’est une somme certes, mais comme nous venons de le voir, l’étendue des services proposés par le courtier est à l’avenant. Si nous filons la métaphore avec le marché immobilier, le broker est à la fois agent immobilier et notaire. Seul le rôle d’expert lui échappe, et c’est heureux puisqu’il serait en ce cas juge et partie. Mais il saura vous diriger vers au minimum 2 ou 3 cabinets d’expertises réputés pour leur sérieux.
Si dans le cadre d’une vente internationale, ou pour des sommes très élevées il est devenu incontournable, ne négligez pas le rôle du courtier dans des transactions dès 50 000 euros. Il suffit de constater le nombre de tentatives d’arnaques reçues dès que l’on dépose une annonce sur internet pour se rendre compte que le numérique ne fait pas peur aux arnaqueurs, voire leur donne de nouvelles idées. Comme par exemple hacker les boîtes mail et remplacer discrètement les coordonnées bancaires du destinataire des fonds par une banque exotique à Hong-Kong ou en Slovénie. Les professionnels ne sont pas à l’abri d’ailleurs, mais ils ont mis des sécurités en place et ont dans tous les cas l’obligation de vous protéger contre de telles malversations. C’est leur responsabilité, plus la vôtre. Vous pouvez dormir tranquilles, et plaisance peut continuer à rimer avec plaisir.
