Nouvelle règlementation des navires sur le littoral méditerranéen

Yachting

En octobre 2020, le Vice-Amiral d’Escadre Laurent Isnard, préfet maritime de la Méditerranée, signait les premiers arrêtés règlementant le mouillage des navires de 20 ou 24 mètres le long des côtes des Alpes-Maritimes, du Var et d’autres départements du littoral méditerranéen.

Yachts au mouillage dans la baie de Beaulieu ©Sophie Savant-Ros
En octobre 2020, le Vice-Amiral d’Escadre Laurent Isnard, préfet maritime de la Méditerranée, signait les premiers arrêtés règlementant le mouillage des navires de 20 ou 24 mètres le long des côtes des Alpes-Maritimes, du Var et d’autres départements du littoral méditerranéen.

Ces arrêtés définissent des zones d’interdiction au mouillage, qui ont été identifiées selon un processus de concertation rassemblant les acteurs du monde de la mer : acteurs institutionnels, collectivités, ports, associations environnementales, pilotes, pêcheurs, plaisanciers et professionnels du yachting dont le GEPY (Groupement des Equipages Professionnels du Yachting).

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Extrait arrêté PREMAR zone Hyères Bénat Camarat

Ces arrêtés répondent à deux objectifs clés pour le littoral méditerranéen :

- Protéger l’herbier de posidonie

La posidonie, qui est essentielle à l’écosystème et à la biodiversité, est une espèce protégée depuis 1988, fortement menacée : durant les dernières décennies, sa surface a été considérablement réduite. Son rôle est capital pour la biodiversité : elle fait office de nurseries et d’abri pour les poissons, elle purifie l’eau en filtrant les matières en suspension, elle fixe le carbone, les fonds meubles, elle atténue la houle ce qui permet de protéger les plages de l’érosion.

L’une des causes principales de cette destruction a été identifiée comme le mouillage des grands navires, dont l’ancre arrache la posidonie.

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Mérou caché dans les posidonies© Sophie Savant-Ros

- Sécurité

En parallèle, organiser le mouillage sur le littoral, particulièrement fréquenté pendant l’été, va permettre de décongestionner des zones côtières entières, jusqu’alors propices aux conflits d’usage et aux accidents.

Ces arrêtés interdisant le mouillage des bateaux de plus de 20 mètres suscite la colère de certains acteurs économiques associés au monde du yachting. Il faut rappeler que le secteur de la plaisance de luxe génère un chiffre d’affaires de 3 milliards d’euros par an. Tous les jours, dans les ports de la région, les marins font sonner leurs cornes de brume en guise de protestation.

« La consultation de ce décret a été faite du 10 août au 1er septembre 2020, période pendant laquelle toute notre profession est en activité » déplore Mathieu Reix, président de l’association SOS Navigation auprès de nos confrères de CNEWS. Il ajoute « Nous aimons la mer et nous comprenons tout à fait la nécessité de protéger la posidonie, c’est pour cela que nous essayons de mouiller sur des zones sableuses. Il existe des solutions pour faire cohabiter la grande plaisance et l’écologie maritime.»

L’argument mis en avant par les professionnels est avant tout d'ordre économique.

« Environ 35% des yachts de la planète se trouvent en région PACA » précise Mathieu Reix. « Les enjeux financiers autour du yachting sont considérables sur l’activité de toute une ville. Le manque à gagner touche les restaurateurs, les hôteliers, les boutiques de prêt-à-porter, les entreprises évoluant dans le monde du yachting et les commerces d'avitaillement. Les dépenses effectuées à terre par les passagers atteignent parfois 50.000 euros par jour. Avec ce décret, les nouvelles zones de mouillage ne permettront plus aux clients français, anglais, allemands et américains de faire des escales. »

Toujours selon le président de l’association SOS Navigation, de nombreux navires ont déjà mis le cap sur l’Espagne, l’Italie et surtout le Croatie. En France, plusieurs milliers d’emplois seraient ainsi menacés alors que le secteur peine toujours à se relever de la crise sanitaire. « De nombreux marins français ne pourront pas suivre les navires sur lesquels ils travaillent. L’an dernier, nous n’avons tourné qu’à 50% de notre capacité. Il faut que les autorités comprennent que nous ne défendons pas les propriétaires de yachts. Nous défendons nos emplois. Nous ne sommes pas riches, nous sommes des salariés

SOS Navigation vient d’adresser un courrier au Président de la République afin de demander la suspension de ce décret jusqu’à la mise en place d’une solution et une concertation du milieu professionnel actif. Une pétition signée par de nombreux parlementaires a également été lancée.

Par ailleurs si tout le monde reconnait que la protection des herbiers de posidonies et les questions environnementales sont des enjeux capitaux, la question des responsabilités de la dégradation fait débat lorsque l’on questionne les acteurs. La cause revient-elle vraiment et exclusivement aux yachts de plus de 20 ou 24 mètres ?

Les équipages professionnels sont sensibilisés peut être mieux que d’autres à ces problématiques de responsabilité environnementale, et recherchent plus que d’autres les zones sablonneuses pour mouiller. Alors qu’un grand nombre de yachts inférieurs à 20 mètres jettent aussi leur ancre dans des zones d’herbiers et provoquent également des dommages, certainement à une autre échelle mais avec un facteur quantitatif non négligeable… Se pose alors la question d’équité entre plaisance et grande plaisance.

Aujourd’hui les arrêtés autorisent bien quelques carrés de zones sablonneuses, où chacun sera libre de mouiller, mais le risque est de voir une concentration et une congestion des dites zones, avec des conflits d’usage qui risquent d’apparaitre.

L’une des alternatives au mouillage pour les grands yachts (super yachts) réside dans le positionnement dynamique, mais celui-ci est considéré juridiquement comme un arrêt du navire, et donc également réglementé dans les arrêtés, mais néanmoins autorisé au-delà des 300 mètres. Le positionnement dynamique permet au navire de rester en position avec l’appui de ses moteurs et du propulseur d’étrave. Si cette solution protège bien les fonds sous-marins et les herbiers, l’empreinte carbone n’est pas optimale dans cette solution.

Actuellement la préfecture maritime encourage vivement les alternatives locales au mouillage forain, telles que les zones de mouillage et d’équipement légers (ZMEL). Ces ZMEL dotées d’équipements écologiques permettent un mouillage non destructeur pour la posidonie. En d’autres termes des mouillages organisés avec des bouées et des ancrages écologiques dans le sable ou la matte morte (ie. l’enchevêtrement de rhizomes morts et de racines des champs de posidonies entre lesquelles est resté du sédiment où seule la partie supérieure de cette structure est formée de plantes vivantes). Aujourd’hui ces ancrages peuvent tenir, selon la nature des fonds et le nombre de points d’ancrage, des yachts jusqu’à 40 mètres dans le meilleur des cas, et bien évidemment selon les conditions météorologiques rencontrées.

Pour la saison 2021 il semble que les communes ou groupements de communes ne se soient pas encore totalement organisées pour mettre en place ces ZMEL, en dehors de quelques projets existants ou en cours de mise en place. La procédure administrative de mise en place de ZMEL est assez longue et les investissements assez lourds avec une visibilité sur l’amortissement encore mal évaluée, ce qui réfrène à ce jour un certain nombre de communes. Cependant nous sommes à l’aube de nouveaux usages, qui vont se mettre en place dans les toutes prochaines années. On peut ainsi imaginer la mise en place de ZMEL dite « en libre service » et ainsi réserver son mouillage (sa bouée) via une application, ou arriver et payer avec un code QR existant sur la bouée. Une ZMEL de ce type existe déjà dans le voisinage de l’Ile de Bagaud (Parc National de Port-Cros), avec 68 bouées disponibles du 15 avril au 15 octobre, le mouillage est strictement interdit à l’année. Ces bouées sont gratuites le jour et un tarif fonction de la taille du navire et progressif selon le nombre de nuitées (maximum 5). Le risque avec ces zones est d’avoir des conflits d’usage. D’autres ZMEL seront associées avec non seulement des services sur bouées (réservation, lamanage, enlèvement des poubelles), mais aussi un service de police pour assurer une bonne orchestration. La société Seaflotech©, du navigateur Lionel Péan, qui travaille sur les appels d’offre de différentes ZMEL, mène aussi des études pour qu’à terme certaines grosses bouées de mouillage soient alimentées en énergie afin de réduire l’empreinte carbone des gros navires au mouillage.

Si l’on peut parier que d’ici un an ou deux, la mise en place de tels mouillages organisés soit répandue sur l’ensemble du littoral, il restera néanmoins la question des super yachts dont la taille ne permet pas aujourd’hui d’assurer des mouillages écologiques fiables, mais les acteurs comme Seaflotech© et d’autres œuvrent sur des solutions ad hoc.

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© Illustration Adobe Stock

Reste qu’en l’état, et à la veille de la saison 2021 nul ne sait exactement quelles seront les conséquences économiques de ces interdictions, mais écologiquement nous sommes dans la bonne dynamique pour préserver la Méditerranée.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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