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Les quarante skippers du dixième Vendée Globe s’élanceront des Sables d’Olonne le 10 novembre pour un tour du monde en solitaire, sans assistance et sans escale. L’épreuve est réservée aux IMOCA (International Monohull Open Class Association), des monocoques de 60 pieds (18,28 mètres) porteurs des technologies les plus avancées. « La course est un laboratoire dont certaines innovations peuvent profiter aux bateaux de M et Mme tout le monde », estime Arnaud Cacquevel, responsable de la filière voile de compétition et de la technologie chez Bretagne Développement Innovation (BDI), agence financée par ladite région. « Notre responsabilité, au-delà du sport, est de faire en sorte que l’ensemble de l’intelligence produite soit utilisée ailleurs, pour la plaisance, renchérit Antoine Mermod, le président de la Classe IMOCA. On a la chance d’avoir des équipes bien financées, des partenaires solides et de véritables pilotes d’essai : les skippers. » Du côté des architectes navals, comme Éric Levet du cabinet Marc Lombard Yacht Design Group basé à La Rochelle on est plus mesuré. « Les transferts de technologies existent mais sont moins directs qu’il y a 30-40 années. Un fossé s’est creusé entre les bateaux de courses et la croisière, au niveau des proportions générales, des vitesses et de la complexité des systèmes. » Il reconnait tout de même quelques héritages directs comme les mats carbone, certains éléments de pouliage, les pilotes automatiques… Pour le reste, son discours est dissonant.
L’enjeu énergétiqueL’énergie à bord est un enjeu crucial pour alimenter le matériel électronique utilisé H24 par les champions. Outre les quelques litres de carburants encore autorisés et les panneaux solaires pour produire de l’électricité, les IMOCA sont désormais équipés d’hydrogénérateurs. Un système développé dès 2008 par Watt&Sea, la société de Yannick Bestaven - dernier lauréat du Vendée Globe. « Mais comme nos bateaux commencent à voler, les hélices plongées dans l’eau sont moins efficaces. Dans les prochains mois nous allons ouvrir un cycle de travail sur le sujet », indique le patron de la Classe IMOCA. L’avenir de la technologie semble aussi limité dans le domaine du transport et des loisirs. Le cabinet Lombard travaille lui aussi sur l’autonomie des futurs bateaux de croisières, sans énergie fossile, mais en privilégiant l’axe des panneaux solaires et des batteries. « Pour nous, les hydrogénérateurs sont très efficaces sous voile, avec un rapport simplicité/poids/efficacité quasi imbattable, mais ne peuvent pas suffire dans le cas des bateaux de croisière car sur ces derniers on passe la plus grande proportion du temps au mouillage et peu en navigation. Pour la croisière, l’usage des panneaux solaires en quantité suffisante est la solution de production d’énergie la plus adaptée au programme. »Les foils spectaculaires L’évolution la plus spectaculaire de ces dernières années est celle apportée par les foils, ces appendices qui émergent de chaque côté de la coque et permettent au bateau de se soulever et de limiter le frottement sur l’eau. « Tous les navires de la Coupe de l’America plus de la moitié des IMOCA en sont équipés. Les foils ont considérablement augmenté les performances. » On les retrouve sur d’autres supports comme le kitefoil, vu aux Jeux Olympiques ou les zodiacs de la société bretonne SEAir, conçus pour l’armée ou encore les Seabubbles (taxis flottants-volants sur la Seine) de l’ancien skipper compétiteur Alain Thébault. MerConcept, la société de François Gabart, multiple vainqueur de courses au large, travaille aussi sur cette forme de mobilité “aérienne“ pour en étendre les capacités. Vont-ils se généraliser à l’ensemble de la flotte ? « L’efficacité des foils sur un bateau rapide de petite ou moyenne taille n’est plus à prouver, indique Éric Levet. Mais il faut garder en tête que les bateaux de croisière et de travail, sont plus lents, plus lourds, doivent rester simples, facile à entretenir pour diminuer les contraintes de coûts d’exploitation. Les foils sont apparus dans les domaines du transport et de l’armée dans les années 60, ils ont peu à peu disparu pour ces raisons. Le passage au composite et aux motorisations électriques aide à les réintroduire, mais à notre sens cela restera un marché de niche où la vitesse est absolument nécessaire pour des embarcations de relativement petite taille ».
L’avenir de la voileBeaucoup voient dans le déploiement vélique l’avenir du transport de personnes et de marchandises. Un espoir inspiré par la compétition et le travail notable de la société VPLP, notamment, pour team USA vainqueur de la Coupe de l’America en 2010. Aujourd’hui, le cargo Canopée, chargé de transporter des morceaux de la fusée Ariane 6 vers Kourou, utilise un système de propulsion hybride, thermique-vélique, conçu avec des ailes géantes (les Oceanwings). Grain de Sail, les voiliers de l’armateur havrais Towt exploitent aussi cette technique. « Oui, tout cela nous parle, nous sommes convaincus que le retour du transport à la voile se fera tôt ou tard à grande échelle. Nous pensons que certains systèmes mis en avant aujourd’hui sont très complexes et coûteux en entretien pour économiser quelques marins à bord ou gagner quelques dixièmes de nœuds. Cela est envisageable tant qu’il y a des financements d’argent public, mais un tri important dans les solutions sera fait quand il faudra envisager un avenir industriel cohérent. On en est encore loin. » Un axe auquel semble pourtant s’accrocher l’industrie de la course au large.
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Les mâts géants de la course aux transportsLes sociétés Multiplast et CDK Technologies, concurrentes pour la fabrication des IMOCA, ont allié leurs forces au sein de Solidsail Mast Factory. Un consortium qui regroupe six sociétés chargées de la mise au point des mâts géants destinés aux transports décarbonés de demain. « C’est un des transferts les plus directs de technologies développées par la course au large depuis de nombreuses années et dont bénéficie vraiment les nouveaux petits cargos à voiles et à matures carbone « high tech ». Nous pensons que l’avenir se jouera aussi avec de la sobriété, plus qu’avec de la technicité à tout prix. Être marin sur un navire de transport à la voile est un métier porteur de rêve et de valeurs, sportif, manuel et intellectuel, avec une forte implication sociale. Le transport décarboné à la voile devrait être le domaine de l’humain, plutôt que celui des machines automatisées »… juge Éric Levet.
Composite d’avenirRoland Jourdain, autre grand nom de la course à la voile, a conçu le pont de son catamaran We Explore avec un matériau bio-composite de fibres de lin. Les bateaux de plaisance pourraient-ils profiter de cette innovation et améliorer leur recyclage en fin de vie ? Éric Levet y croit peu « pour un usage industriel dans la construction de plaisance de moyenne et grande taille, car la production du lin en France est limitée et qu’il en faut beaucoup. De plus cette fibre naturelle n’est pas facile à stratifier en infusion, et elle est à ce jour quasiment impossible à recycler après l’adjonction de résine. » En revanche, l’architecte envisage un avenir à la résine Elium, matériau thermoplastique recyclable. « Elle représente un espoir assez fort car sa matrice est semblable en termes de propriétés mécaniques à la résine époxy ou polyester qui sont majoritairement utilisées depuis 50 ans. On peut en faire du composite performant. Le Groupe Bénéteau l’utilise déjà en mode production. »
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