Coville : « Le Vendée Globe est dans un coin de ma tête»

Course au large
Par Mathieu, Edouard

INTERVIEW. Sixième du Vendée Globe lors de l'édition 2000-2001, Thomas Coville est actuellement en quête du record du tour du monde en solitaire sur un multicoque. Un projet qui ne l'empêche pas de suivre attentivement la course.

VOILE : ROUTE DU RHUM ARRIVEE THOMAS COVILLE ©La Chaîne Météo
INTERVIEW. Sixième du Vendée Globe lors de l'édition 2000-2001, Thomas Coville est actuellement en quête du record du tour du monde en solitaire sur un multicoque. Un projet qui ne l'empêche pas de suivre attentivement la course.

Figaro Nautisme.- Avec quel oeil suivez-vous ce Vendée Globe, celui du simple spectateur ou du spécialiste?

Thomas Coville.- Je fais des routages tous les jours sur plusieurs bateaux donc je me suis vraiment mis dans l'idée de travailler grâce au Vendée Globe et donc d'avoir plutôt une vue de spécialiste.

Vous avez déjà tout fait, du solitaire, de l'équipage, du monocoque du multicoque, qu'est-ce que vous préférez?

C'est vraiment le multicoque que je préfère. Après, entre le solitaire et l'équipage, je ne suis pas tranché. Les deux exercices m'intéressent parce qu'ils me font tous les deux progresser. Selon moi, le style du solitaire et celui de l'équipage sont complémentaires. L'introspection que j'ai travaillée pour être meilleur en solitaire m'aide à avoir une meilleure vision de toutes les tâches qu'il faut faire à bord mais aussi à réaliser que, quand on arrive dans un équipage, le plus important ce n'est plus soi mais l'autre.

Le solitaire a aussi un côté plus féminin, multitâche. Être polyvalent sur tous les schémas du jeu qui sont complets et complexes, ça aide à se fondre dans un équipage. Et inversement quand on est en équipage, il faut avoir la bonne alchimie être disponible pour un leader qui a la pression mais aussi être attentif à chaque personne. Ça m'a aidé d'avoir eu de l'expérience en solitaire pour être plus humain en équipage parce qu'en solitaire, l'humain est souvent davantage mis en avant et davantage sollicité.

De toutes les courses que vous avez faites, le Vendée Globe est-elle la plus belle?

Pour moi, le Vendée Globe reste un souvenir exceptionnel, parce que c'était mon premier tour du monde en solitaire, mais je ne pense pas que ce soit mon meilleur. Il a été douloureux, puisque j'ai perdu mon pilote automatique sous l'Australie et j'ai donc décroché de la tête pour me retrouver dans les 5e-6e à la fin, loin de mon objectif sportif. Pour autant, ce fût pour moi une véritable révélation, c'est là que j'ai réalisé que la planète entière était mon terrain de jeu et que j'avais envie de tourner autour.

Le Vendée Globe a été un voyage initiatique qui a conditionné le reste. Dans tous les projets auxquels j'arrive à me raccrocher aujourd'hui, en solitaire ou en équipage, c'est autour du globe que je prends le plus de plaisir car il y a de la durée, c'est très varié au niveau des climats et des conditions de course et tout ça est passionnant.

Rêvez-vous de revenir un jour sur le Vendée Globe, peut-être dès la prochaine édition?

Je me suis toujours gardé dans un coin de la tête que le Vendée Globe était une course sur laquelle je pourrais revenir. Maintenant, j'ai pour l'instant ce rêve d'aller chercher le record du tour du monde en multicoque en solitaire. Tant que je n'aurais pas atteint cet objectif, je ne pense pas à autre chose. Après c'est vrai que c'est un objectif qui pourrait redevenir majeur pour moi. Quand on voit la compétition telle qu'elle est vécue par les 6 premiers bateaux, c'est génial de voir ça et ça donne évidemment envie.

Les premiers skippers arrivent dans l'Océan Indien, quels sont les risques de cette zone?

L'Océan Indien, c'est celui que j'ai toujours le plus redouté car c'est celui où j'ai eu le plus d'ennuis à chaque fois. C'est une zone très compliquée notamment au niveau du climat. C'est difficile de gérer les changements, tout d'abord entre l'Afrique du Sud et l'Antarctique puis entre l'Australie et à nouveau l'Antarctique. Il y a donc des dépressions qui s'enchaînent et qui peuvent être très violentes. C'est également une mer très grosse et croisée à cause de ces dépressions. J'ai des souvenirs de m'être fait vraiment bousculer et d'avoir souffert dans cet océan. Au contraire du Pacifique dans lequel, même s'il ne porte pas forcément bien son nom, on peut prendre un rythme assez facilement.

Les portes des glaces sont-elles nécessaires selon vous?

Je trouve que c'est une très bonne initiative. Surtout que les personnes avec qui le Vendée Globe travaille aujourd'hui, CLS (Collecte Localisation Satellites), sont très compétentes. Personnellement, je collabore avec eux depuis quelques temps déjà. Il faudrait, par contre, que les portes soient situées longtemps à l'avance. Je trouve que là, on est dans la limite où on risque d'avantager ou désavantager certains skippers.

C'est vrai que la fin de la liberté totale d'aller où on le souhaitait peut être déplorée quelque part mais en même temps, je pense qu'il faut travailler avec son temps et que, quand on peut avoir des informations et limiter les risques, c'est bien. Avant on ne savait pas et donc on allait se mettre en péril, mais maintenant que l'on sait, ça n'a pas de sens commun d'aller vers ces zones. Ça limite bien sûr le jeu stratégique et tactique notamment pour revenir lorsque l'on est derrière. Le débat est compliqué. On aurait pu envisager d'en mettre moins. Il y a là-dedans une responsabilité de l'organisateur qui ne peut pas se permettre de faire n'importe quoi en lançant une course où la liberté serait totale.

Malheureusement l'organisateur est responsable de sa course et presque des dommages qui peuvent arriver aux concurrents donc il est obligé de jouer la carte de la sécurité.

Comment jugez-vous cette édition du Vendée Globe?

Le rythme des trois premiers est vraiment impressionnant même si je pense qu'ils sont dans des conditions que leurs bateaux affectionnent particulièrement et ils se sont régalés sur la dernière semaine. Ce rythme est la marque que, dans ce Vendée Globe, il y a des gens très aguerris même s'il y a un bizut dans le lot (François Gabart). Ils ont une maîtrise d'eux-mêmes et de la météo qui est incroyable. On a aujourd'hui sur cette course des skippers de très haut niveau.

Qui voyez-vous comme favori?

Je pense qu'il y a trois garçons devant qui vont se livrer une bataille sans merci qui risque d'être une guerre d'usure où l'un d'entre eux voire peut-être même les trois lâcheront par casse mécanique ou physique. Je ne leur souhaite bien-sûr pas parce qu'ils réalisent une superbe course et je trouve que leur affrontement est magnifique à suivre. Je suis impressionné par le changement de tempérament qu'Armel Le Cléac'h a réussi à effectuer, il n'attend plus patiemment derrière, il prend les rênes et de quelle manière! La situation que l'on a là va sûrement durer au moins jusqu'au Cap Horn.

Que pensez-vous d'Alessandro Di Benedetto qui skippe votre ancien bateau?

Alessandro a tout de suite envisagé de simplement faire le tour à mon avis. Il va apprendre sur ce tour du monde, avec un bateau qu'il a mis à sa mesure et à son image. Il y va sans forcer, il n'est pas dans la même course que les autres et c'est aussi très respectable.

Dans un Vendée Globe, il y a tous les profils et c'est pour ça que je ne suis pas favorable à la monotypie sur cette course parce que sinon, il y aura une monotypie des profils des concurrents. Or on voit aujourd'hui que la beauté du Vendée Globe, c'est aussi des origines différentes et des objectifs différents. Je suis sûr que plein de gens se reconnaissent en lui et c'est vraiment important d'avoir des personnes comme lui dans cette course. Il est bien en mer, il est heureux d'être là et il le fait partager. Il aurait pu faire le premier Vendée Globe aux côtés de Titouan Lamazou qui était déjà un artiste.

Il faut de la diversité dans cette course, il faut plus d'étrangers et plus de femmes et ce sera encore plus agréable. Il y a beaucoup de schizophrènes à terre, et Alessandro, lui, il reste lui-même tout le temps. Il a ce côté enfantin, naturel et moi mes enfants l'adorent.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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