Comme des métronomes dans les Cinquantièmes Hurlants

Course au large
Par Figaro Nautisme

François Gabart et Armel Le Cléac’h engrangent les milles sans aucune difficulté vers la Tasmanie. Jean-Pierre Dick redémarre enfin.

François Gabart et Armel Le Cléac’h engrangent les milles sans aucune difficulté vers la Tasmanie. Jean-Pierre Dick redémarre enfin.

Au niveau des Cinquantièmes Hurlants, à l’approche de la porte des glaces Autralie Est située sous la Tasmanie, François Gabart (Macif) et Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) continuent d’engranger les milles comme des métronomes, dans des vents de sud-ouest de l’ordre de 25 nœuds. Même si la mer est formée dans cette fin de traversée de l’océan Indien, les deux leaders ont réussi à maintenir entre 18 et 19 nœuds de moyenne depuis vingt-quatre heures. A cette cadence élevée, les poursuivants encore aux prises avec des conditions météo instables concèdent toujours beaucoup de terrain.

 

Dick redémarre

Seul Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec), troisième à 490 milles du tableau arrière de Macif, entrevoit la fin du tunnel : « La bonne nouvelle du jour est que l'anticyclone ne va pas me rattraper. Je vais graduellement retrouver du vent au fur et à mesure de ma descente vers la prochaine porte. Cela fait du bien de se sortir de ce pétrin pétoleux ! Il était temps. Je suis par 48° Sud et il commence à faire froid. J'ai eu l'onglée (ndlr : douleur provoquée par le froid) en allant sur le pont ce matin. Le froid te perce les os. Il doit faire 5° degrés, idem pour l'eau. L'embrun des premières lueurs du jour est frisquet ! ». Et, effectivement, Dick, au classement de samedi, à 16 heures, avait redémarré et naviguait à 16 nœuds.

 

Thomson et Stamm patientent

Toujours coincés  dix degrés en latitude plus nord que Gabart, Alex Thomson (Hugo Boss) et Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) ne peuvent toujours pas plonger franchement vers le sud pour franchir la porte des glaces Australie Ouest à cause d’une large zone de calmes qui stagne encore sous eux. Derrière, Jean Le Cam (SynerCiel) est désormais bien installé à la sixième place de la hiérarchie devant Mike Golding (Gamesa), alors que Dominique Wavre, de son côté, est maintenant sous la menace du retour de Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) qui n’est plus qu’à 65 milles de Mirabaud.

 

Des rafales à 63 nœuds !

Derrière le skipper espagnol, Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) a vécu des heures difficiles avec des rafales de vent  à 63 nœuds. La mer très forte ne lui permet plus de vivre normalement. Dormir et s’alimenter deviennent alors impossible. Heureusement, cet épisode fut de courte durée et le skipper d’Akéna Vérandas a pu retrouver une vie à bord moins agitée.

 

LES VOIX DU LARGE
 
François Gabart (Macif) :
« Ça va plutôt vite, la mer est plutôt mauvaise et les conditions ne sont pas faciles. Il doit y avoir des petites différences qui font que je vais plus vite que mes poursuivants... Je suis pourtant dans les mêmes configurations qu’hier. J’ai peut-être mon petit secret, je ne sais pas... Je n’essaye pas spécialement de battre des records de vitesse car c’est toujours un peu risqué, je préfère avoir une bonne moyenne. Le bateau bouge beaucoup, le vent change pas mal de direction et les conditions sont difficiles donc je me concentre beaucoup sur ma navigation et mes manœuvres. Je n’ai pas vraiment le temps pour autre chose, je suppose que c’est pareil pour Armel (Le Cléac’h). Les températures ont baissé, il doit faire dans les 8° degrés ».

 Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) : « C’est un peu agité depuis 36h, il y a pas mal de grains et de vent avec des rafales entre 22 et 35 nœuds. Ça bouge pas mal, ça tape. J’aimerais bien avoir un petit moment de répit pour faire le tour du bateau mais ce n’est pas prévu pour tout de suite. Je vais devoir attendre. On s’habitue mais c’est quand même un peu usant (ndlr : d’être secoué dans le bateau). On avance, donc tant mieux, je préfère être comme ça ».

 Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) : « Ça va, ça avance doucement, le vent n’est pas encore établi, il y a 11 ou 12 nœuds de vent portant. Ça s’essouffle et derrière il y a Claudia (ndlr : tempête tropicale)... Elle va venir, la grande brune ! J’ai pu avancer dans les réparations depuis deux jours et remettre en route un hydrogénérateur. Là, je finis de réparer une voile, par contre je n’ai pas encore pu faire la colonne de winch. Il va falloir que je m’en occupe rapidement pour que rien ne puisse être laissé à la mer, c’est un petit problème qui peut créer un gros bordel. Plus le bateau est proche de sa préparation normale moins il y a de risques de perdre quoi que ce soit. Et ensuite il faudra faire attention à la météo. Ce n’est pas vraiment un cyclone mais il y a des vents capricieux, il faut faire gaffe à ces phénomènes. Ma dent ne me fait plus mal, la pharmacie est limitée donc je ne prends les médicaments que lorsque j’en ai vraiment besoin. Depuis que j’ai mis le pansement, je n’ai plus de douleur et ça n’a pas l’air de s’infecter. Donc c’est plutôt une bonne nouvelle ».

Javier Sanso : « J’ai gagné pas mal dans l’Est, demain je me retrouverai devant une dépression qui me donnera des vents favorables pour me permettre d’accélérer.  Il faut faire attention car par ici, quand les bulletins météo annoncent 25 nœuds de vent, on peut avoir 40 ! Et les grains peuvent compliquer les choses si on est sur-toilés. C’est normal, dans ces zones, il faut s’adapter et en sortir pour rejoindre le Pacifique au plus vite. Ca fait presque une semaine que j’ai 800 milles de retard sur Mirabaud, j’espère que demain je réduirai mon écart à 250 milles. C’est un bon stimulant pour rester concentré et garder le rythme. Il me semble que le groupe devant moi est dans le même système météo, avec des vents variables. Ils ne vont pas avancer beaucoup dans les 24 prochaines heures. Bientôt, nous serons tous dans le même système et ce sera difficile de récupérer plus de milles ».

Tanguy de Lamotte (Initiatives Coeur) : « On est déjà samedi ! Samedi 15 décembre !!! Hier, j'ai sorti la caisse de nourriture pour la semaine à venir et je suis allé chercher la caisse 5... Le temps passe vite finalement. Je croyais qu'on commençait la 5ème semaine de course, et non, c'est la 6ème... Après le passage de la porte Crozet hier, j'ai vite empanné pour faire route à l'est et surtout un peu au sud pour éviter au maximum la zone sans vent qui arrive au nord. A la tombée de la nuit, le vent est monté à 25 nœuds et les vagues étaient très mal organisées donc j'ai rangé le gennaker, ai mis le J2 (foc) et ai navigué un peu plus appuyé pour mieux passer les vagues. Avec 1 ris dans la grand voile, ça allait vite ! Souvent 20 nœuds au speedo !!! Mais j'avais trouvé le bon angle et le bateau était bien calé donc j'en ai profité pour bien me caler dans la bannette ! Ensuite, j'ai eu un appel pour participer au diner de Noël de la chocolaterie Alex Olivier ! Normalement j'y vais, mais cette année j'ai une excuse... C'était sympa d'y faire un petit tour et je crois qu'ils étaient contents de savoir qu'il me restait des orangettes. Ce matin, le vent a molli et il y a toujours des vagues mal organisées : ça va revenir et je vais pouvoir faire route en bâbord (avec un vent venant de la gauche) vers la porte Amsterdam... Bon samedi à tous et bon courage pour ceux qui font les courses de Noël (bien content de ne pas avoir à le faire) ».

Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) : « Ce sont les conditions de mer du Sud. Hier, j’ai eu un petit front assez franc avec de bonnes rafales. Là, ça commence à mollir un peu mais je me suis un peu fait peur. Ça bouge dans tous les sens. Depuis hier, je n’ai pas beaucoup dormi. Je savais que le front arrivait donc je me suis reposé hier matin et j’ai juste fait deux petites siestes de trente minutes depuis hier soir car il a fallu empanner et le bateau est parti en surf. Mais je sais que ça ne va pas durer une semaine donc ça va ».

CLASSEMENT

Positions du 15/12 à 16 heures : 1.François Gabart (Macif) à 13 221 milles de la ligne d’arrivée; 2.Armel Le Cléac´h (Banque Populaire) à 52,2 milles du leader; 3.Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) à 490;1 m; 4.Alex Thomson (Hugo Boss) à 801,9 m; 5.Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) à 859,7 m; 6.Jean Le Cam (SynerCiel) à 1 572,7 m; 7.Mike Golding (Gamesa) à 1 672,7 m; 8.Dominique Wavre (Mirabaud) à 1 926,6 m; 9.Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) à 1 991,3 m; 10.Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) à 2 462,7 m; 11.Bertrand de Broc (Votre Nom Autour du Monde avec EDM Projets) à 2 851,7 m; 12.Tanguy de Lamotte (Initiatives-Coeur) à 3 240,5 m; 13.Alessandro Di Benedetto (Team Plastique) à 3 813 m. Abandons : Marc Guillemot (Safran); Kito de Pavant (Groupe Bel); Samantha Davies (Savéol); Louis Burton (Bureau Vallée); Jérémie Beyou (Maître CoQ); Zbigniew Gutkowski (Energa); Vincent Riou (PRB).

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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