
C’est dans une brise légère de 8 nœuds de Nord-Est que les bateaux se sont élancés depuis Arrecife, capitale de Lanzarote au Nord de l’archipel des Canaries. Si les alizés sont désormais bien établis sur l’Atlantique les 36 premières heures s’annoncent plutôt délicates, avec notamment le dévent de l’île de Tenerife qui culmine à 3700 mètres d’altitude. Mais les plus rapides ont néanmoins le record de l’épreuve en vue. Il a été établi en 2015 par le MOD70 « Phaedo3 » de Lloyd Thornburg, en 5 jours 22 heures 46 minutes 03 secondes. Et s’il est battu, il y a de fortes chances que ce soit par un quasi-sistership puisque trois trimarans sont pressentis pour arriver les premiers de l’autre côté de l’Atlantique. Ils étaient d’ailleurs tous trois à l'origine des monotypes MOD70, et même optimisés, ils restent très proches les uns des autres. « Maserati » est équipé de plans porteurs sur tous ses appendices, « Snowflake » dispose de deux mètres de mât supplémentaires et « Zoulou » est équipé de Foils en C supposés améliorer la portance. Juste avant le coup de canon, les routages effectués par Collier Wakefield à bord de « Zoulou », donnaient un temps de course de 05 jours et 20h, alors il ne faudra pas commettre la moindre erreur pour faire tomber le record.

Des maxis et des légendes
Pour le plus grand bateau engagé, le Swan 15 Supermaxi « Jasi », son navigateur Tom Robinson prévoit un temps de traversée entre 9 et 10 jours. Même durée envisagée par le navigateur Konrad Lipski à bord du VO70 « I love Poland ». Mais combien de temps mettront les deux équipages Français qui focalisent une large part de l’attention en cé début d’hiver ? Nous aurons tous certainement un regard aussi passionné que bienveillant sur deux voiliers qui ont fait l’histoire de la course au large : « Pen Duick VI » et « L’Esprit d’Equipe ». Pour les deux bateaux, menés respectivement par Marie Tabarly et Lionel Regnier, cette transatlantique est un très bon entrainement en vue de l’Ocean Globe Race, course autour du monde « à l’ancienne » en équipage, célébrant les 50 ans de la première Whitbread, dont le départ sera donné en septembre prochain. Eric Tabarly a commandé les plans de Pen Duick VI à André Mauric en 1973. Construit en aluminium, il est particulièrement léger et ses performances lui auraient permis de briller dans la Whitbread 1973, s’il n’avait subi deux démâtages dans la première et la troisième étape, qui auront raison de la détermination de l’équipage. Il connaîtra son heure de gloire trois ans plus tard, et de quelle manière, en remportant l’Ostar 76 (transat anglaise en solitaire). Quant à L’Esprit d’Equipe, c’est un plan de Philippe Briand construit lui aussi en aluminium en 1981 sous le nom de « 33 Export ». Repris et mené ensuite par Lionel Péan, il a brillamment remporté l’édition 1986, gagnant toutes les étapes à l’exception de la seconde, entre Cape Town et Auckland, lors de laquelle il se classe quand même deuxième. C’est le premier bateau Français à avoir remporté cette course mythique.

Qui pour l’emporter en compensé ?
Ils seront confrontés à des voiliers de conception bien plus récente, à l’image du NMYD 54 du Français Eric de Turckheim, vice-commodore du RORC, et qui court en IRC Zero. Son « Teasing Machine », récent vainqueur de la Rolex Middle Sea Race 2022, est l’un des trois 50 pieds ultra-performants. Son navigateur, le talentueux Laurent Pagès s’attend dès le passage des Canaries négocié, à des conditions idéales, 15 à 25 nœuds de vent arrière, mais dans lesquelles les équipages seront très sollicités physiquement et resteront toujours sous la menaces de grains potentiellement violents. Pour les plus petits bateaux de la course, le Sun Fast 3200 « Purple Mist » du duo féminin Kate Cope et Claire Dresser, ou encore le Sun Fast 3300 « Sea Bear », mené en double par Peter Bacon et son fils Duncan, la traversée sera beaucoup plus longue, mais une victoire en temps compensé est toujours possible. Ils ont bien en tête l’exemple de Richard Palmer et Jeremy Waitt qui l’avaient emporté en 2019 à bord de leur JPK 10.10 « Jangada ». Pour eux, le choix météo s’avère encore plus cornélien entre descendre au Sud chercher les Alizés ou rester sur la route Nord dans l’espoir d’un flux plus appuyé. Une chose est sûre, même si le premier met moins de six jours pour travers Il faudra attendre deux semaines pour connaître le vainqueur « overall ».