
Jacques Caraës, coureur émérite et directeur de course des deux dernières éditions du Vendée Globe, sera à la barre de l’exceptionnel Moonbeam. Ce plan Fife est basé à Brest avec deux autres unités du même architecte, Moonbeam IV et Mariquita. Considéré comme un chef d’œuvre de l’histoire de la plaisance, Moonbeam a été construit en 1903. Après des années d’abandon, il est restauré en 1988 et gréé en cotre. On le voit souvent en Méditerranée sur les régates classiques mais disputer les 695 milles de la Rolex Fastnet Race est un sacré défi pour ce navire plus habitué aux parcours côtiers. « J'apprécie beaucoup que le RORC nous ait autorisé à participer. Je suis sûr qu'il n'y aura pas beaucoup de bateaux aussi âgés » explique Jacques Caraës qui a choisi Moonbeam pour ses qualités marines. « Moonbeam est le meilleur bateau par vent fort - il est plus facile à manœuvrer et plus marin. Sur les bateaux plus grands, nous avons toujours besoin de 20 personnes pour les faire manœuvrer, ce qui est beaucoup. » Jacques est par ailleurs de retour sur une course qu’il connaît bien. Il a participé à la tragique édition 1979 en tant qu’équipier, contraint d’abandonner son bateau dans la tempête. Une expérience qu’il a partagé récemment dans le podcast « Le Roman du Fastnet ».
Retour à Cherbourg pour Amokura
Pour la deuxième édition consécutive, Amokura sera au départ de la Rolex Fastnet Race et fera partie des doyens de la course. Ce 50 pieds a été construit en 1939 pour Ernest Harston, alors aide de camp de Lord Mountbatten. Amokura témoigne de la difficulté de la course puisqu’il a dû abandonner à deux reprises, en 1959 et 2019 avant de franchir la ligne d’arrivée, pour la première fois seulement, en 2021. C'est peut-être le changement de parcours vers Cherbourg qui a inspiré Amokura, lui qui a été le premier voilier britannique à escaler Cherbourg après la Seconde Guerre mondiale. Les récents résultats en course d'Amokura sont d'autant plus remarquables que Paul Moxon, son propriétaire, régate le plus souvent en double. Quant à Maluka, les régatiers de la Sydney Hobart sont habitués à ses lignes arrondies. Ce vétéran de 9 mètres, mis à l’eau en 1932, participe à toutes les courses disputées dans le sud de l’Australie. Mais il n’a pas hésité à faire le tour du globe pour être au départ de cette Rolex Fastnet Race. Son propriétaire, Sean Langman, a en effet souhaité participer à cette cinquantième édition qui s’annonce exceptionnelle. « À 90 ans, Maluka devrait bien s'intégrer pour les 98 ans de la Rolex Fastnet Race. Mon fils Pete a participé à sa première Sydney-Hobart à l'âge de 18 ans en tant que skipper. Courir au large sur Maluka est pour notre équipage l’essence même de notre sport. Notre objectif est de prendre le départ et d'arriver au bout, mais surtout de profiter de la navigation et de la compagnie des uns et des autres. L'équipage est composé de moi-même, Pete Langman, Josh Alexander, Peter Inchbold et Gordon Maguire » explique Sean Langman.

Stormvogel, premier maxi des temps modernes
Les « classiques modernes » de l'après-guerre seront également bien représentés. Stormvogel, un ketch de 22,6 mètres lancé en 1961 est l'un des voiliers les plus réussis des années 60, et il peut être considéré comme le premier maxi des temps modernes. Le Fastnet de 1961 est sa première course et il l’emporte en temps réel avant d'entamer avec succès de nombreuses régates autour du monde comprenant entre autres, la Newport-Bermudes, le Gotland Runt, la Transpac, Sydney Hobart, la China Sea Race et la Middle Sea Race. Lors de la Rolex Fastnet Race de 2021, il s’est classé septième sur 181 participants au classement général IRC. Deux des concurrents de Stormvogel dans les années 60 participeront également à la course cette année. Ce sera la première fois que Germania VI participera à la Rolex Fastnet Race. En grande partie d'origine, Germania VI a néanmoins fait l'objet d'améliorations visant à le rendre plus maniable : "Il y a quatre ans, nous avons remplacé le tangon en aluminium de 8 mètres de long (il fallait trois personnes pour soulever) par un tangon en carbone beaucoup plus léger", explique Seiderer, le skipper. Il participera à la compétition avec un équipage composé de cinq marins expérimentés et de cinq stagiaires âgés de 16 à 30 ans. Proche parent de Germania VI et rival fréquent de Stormvogel, Kialoa II était la propriété du célèbre Américain Jim Kilroy. Comparé à Stormvogel, le programme de Kialoa II était davantage centré sur les États-Unis, mais les deux bateaux se sont notamment affrontés lors de la Transpac de 1967, où Stormvogel est arrivé premier en temps réel. Pour la Rolex Fastnet Race 2023, Kialoa II viendra de Sydney. Ce voyage au long cours aurait dû passer par le Cap Horn, mais des problèmes d'étai l’ont obligé à se dérouter sur Tahiti. Au moment où nous écrivons ces lignes, Kialoa II est en route pour Panama.

Le Loup Rouge, local et fidèle
Enfin, cette liste, même non-exhaustive, ne pouvait omettre l’une des stars de la Rolex Fastnet Race : Le Loup Rouge. Basé à Cherbourg-en-Cotentin, propriété de Pierre Legoupil, bien que son propriétaire soit Français, il s'agit d'une conception britannique. En l’occurrence, un Maïca de 11 mètres construit en 1962 par John Illingworth, ancien Commodore du RORC, et Angus Primrose. Plus petit handicap de la Rolex Fastnet Race 2021, Le Loup Rouge a été le dernier à arriver à son port d'attache, remportant le Galley Slaves Trophy. Il reste en excellent état et, bien qu'il ait conservé son "esprit" d'origine, il a été discrètement amélioré avec, par exemple, une bôme et un tangon en aluminium, un moteur et un accastillage modernes, ou encore des voiles en Dacron.