America’s Cup, naissance d’une compétition de légende

D’ici quelques semaines, la 37e édition de l’America’s Cup va se dérouler sous les yeux de tous les passionnés du monde entier – près d’un milliard de personnes avait suivi la précédente édition. De la fin août au 27 octobre 2024, nous allons vibrer devant des monocoques volants – les fameux AC75 - capables d’atteindre les 100 km/h. Retour sur l’histoire de l’America’s Cup, une légende qui fait fantasmer les meilleurs marins, architectes, constructeurs et les plus grandes fortunes du monde depuis… 1851 !

La coupe des 100 guinées, une première édition emblématique

1851, l’Angleterre reçoit le monde entier à l’occasion de la toute première exposition universelle baptisée « Great Exhibition of the Works of Industry of all Nations ». Le principe de la manifestation est simple : permettre à chaque pays invité de présenter son savoir-faire et ses compétences technologiques. Les jeunes Etats-Unis d’Amérique, indépendants depuis 1776, veulent en profiter pour démontrer leur expertise au monde entier ; et accessoirement à leur ancienne puissance coloniale... Autour de l’exposition, l’un des moments forts doit être une régate organisée par le Royal Yacht Squadron sur l’île de Wight en présence de la Reine Victoria.

L’occasion pour le New York Yacht Club, créé en 1844, de construire le meilleur voilier possible et de battre les Anglais sur leur propre terrain. Ce bateau est une goélette, nommé « America », une unité imposante avec ses 30,86 mètres de long pour 170 tonnes, 492m2 de toile et 3,33m de tirant d’eau.

Le 21 juin 1851, « America » quitte New York pour rejoindre l’Europe. La goélette arrive au Havre le 11 juillet à l’issue d’une navigation sans histoire. Après un carénage rapide en France, elle appareille pour l’île de Wight le 30 juillet pour s’en aller en découdre avec les Anglais.

Malheureusement les règles du Royal Yacht Squadron sont claires : la régate annuelle est réservée aux membres. Et la goélette « America » ne l’est pas ! Les premières manches se déroulent donc sans le bateau américain…

Le dernier jour, fairplays, les Anglais finissent par inviter les Américains à courir exceptionnellement avec eux. C’est d’autant plus important que la reine sera présente pour remettre la « coupe des 100 guinées », (le nom du trophée), au vainqueur.

La dernière régate est donc ouverte à « toutes les nations ». Il s’agit d’une course de 53 milles autour de l’île de Wight dont le départ est donné à 10h00 le 22 août 1851. Sept goélettes (dont six anglaises et « America ») et huit cotres sont sur la ligne. Le départ est une catastrophe pour le bateau américain qui passe la ligne bon dernier. Cela commence mal !

Une première régate et déjà une réclamation : la genèse de l’America’s Cup

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8 août 1870 : la première America’s Cup se court officiellement dans les eaux new-yorkaises. Le vainqueur est le yacht Magic© Tableau de Charles Gulager

Une fois lancée, « America » remonte la flotte. Il faut dire que Richard Brown, le capitaine de la goélette américaine, est un fin marin. Il est pilote à New York. Et il a l’habitude de lutter contre les navires de ses concurrents au milieu des bancs de sable pour rejoindre au plus vite les bateaux qui ont besoin de leurs services. Le premier arrivé obtient le job et à ce jeu, il excelle… Dans ces eaux anglaises qu’il ne domine pas, le malin capitaine a embarqué un pilote local qui connait les lieux comme sa poche. Il propose à son capitaine de passer par un étroit chenal entre un bateau-phare et la terre tandis que tous les autres bateaux passent au large. Cette manœuvre audacieuse permet à « America » de prendre la tête de la flotte. S’en suivra une protestation d’un des bateaux anglais, la première, mais pas la dernière de l’histoire de la « Cup ». Le comité de course ne retiendra pas d’infraction, les règles officielles de la régate ne précisant pas de quel côté il convenait de laisser la marque de parcours…

A 18h00, « America » passe la ligne avec 18 minutes d’avance sur « Aurora ». Les bateaux anglais sont humiliés. La reine aurait eu cette phrase devenue légendaire : « Qui est deuxième ? ». « Majesté, il n’y a pas de second » lui aurait-on répondu.

L’America’s Cup, un défi entre yachts clubs

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La fameuse America’s Cup est le plus ancien trophée sportif encore en jeu © 37th America’s Cup

Les armateurs « d’America » repartent aux Etats-Unis avec la coupe des cent guinées, une aiguière en argent un peu clinquante, qui ressemble surtout à un pichet rococo. Ils décident d’en faire don à leur yacht club à New York à la condition que le trophée puisse être remis en jeu. Cette donation et la règle pour lancer un défi officiel sont validées par un courrier officiel, le « Deed of Gift », qui régit, encore aujourd’hui, la compétition.

Le New-York Yacht Club invite alors les yachts clubs du monde entier à venir les défier. En jeu, le fameux pichet en argent dont le nom devient, officiellement, America’s Cup, en hommage à la goélette éponyme.

La première édition de la compétition n’aura finalement lieu qu’en août 1870, après la fin de la guerre de sécession. James Lloyd Ashbury, richissime homme d’affaire anglais, lance officiellement un défi sous le patronage du Royal Thames Yacht Club. Le 8 août 1870, ils sont dix-sept bateaux sur la ligne dont « Cambria », le bateau anglais, qui rêve de ramener la « Cup » au pays. Las, les Anglais finissent huitième. Pour l’histoire, le premier vainqueur officiel de l’America’s Cup est « Magic », appartenant à Franklin Osgood businessman et marin passionné.

En 1871, le même Lord Ashbury lance un nouveau défi au New York Yacht Club : une compétition au meilleur des sept manches. Les Américains acceptent à condition que leur bateau, appelé le « defender » soit choisi chaque matin de régate. Les deux premières manches sont gagnées par l’Américain « Columbia », qui démâte dans la troisième manche. Pas le temps de réparer avant la course suivante. Le yacht « Sappho » prend alors la suite pour le NYYC et remporte les deux manches suivantes. L’America’s Cup reste à New York. Et elle le restera encore longtemps !

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James Ashbury, le premier à avoir officiellement lancé un défi au New York Yacht Club pour tenter de s’emparer de l’America’s Cup. Depuis, on ne compte plus les têtes couronnées, hommes d’affaire et héritiers fortunés à avoir tenté leur chance…

Les défis s’enchainent ensuite de manière plus ou moins régulière. Entre 1870 et la fin des années 1960, ce sont vingt éditions de l’America’s Cup qui se déroulent dans les eaux new-yorkaises. A chaque fois, un ou plusieurs « defenders » (les bateaux du New York Yacht Club) s’opposent aux « challengers » américains ou venant d’autres pays. Et systématiquement le champion du New York Yacht Club l’emporte. La coupe est tellement bien installée dans la salle des trophées que nul n’imagine, qu’un jour, elle puisse quitter les lieux…

Pour la 21e édition en 1970, le NYYC décide d’organiser une pré-régate entre les « challengers », avec pour la première fois la participation d’un bateau français. L’ère moderne de l’America’s Cup vient de commencer…

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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