America’s Cup, naissance d’une compétition de légende

La coupe des 100 guinées, une première édition emblématique
1851, l’Angleterre reçoit le monde entier à l’occasion de la toute première exposition universelle baptisée « Great Exhibition of the Works of Industry of all Nations ». Le principe de la manifestation est simple : permettre à chaque pays invité de présenter son savoir-faire et ses compétences technologiques. Les jeunes Etats-Unis d’Amérique, indépendants depuis 1776, veulent en profiter pour démontrer leur expertise au monde entier ; et accessoirement à leur ancienne puissance coloniale... Autour de l’exposition, l’un des moments forts doit être une régate organisée par le Royal Yacht Squadron sur l’île de Wight en présence de la Reine Victoria.
L’occasion pour le New York Yacht Club, créé en 1844, de construire le meilleur voilier possible et de battre les Anglais sur leur propre terrain. Ce bateau est une goélette, nommé « America », une unité imposante avec ses 30,86 mètres de long pour 170 tonnes, 492m2 de toile et 3,33m de tirant d’eau.
Le 21 juin 1851, « America » quitte New York pour rejoindre l’Europe. La goélette arrive au Havre le 11 juillet à l’issue d’une navigation sans histoire. Après un carénage rapide en France, elle appareille pour l’île de Wight le 30 juillet pour s’en aller en découdre avec les Anglais.
Malheureusement les règles du Royal Yacht Squadron sont claires : la régate annuelle est réservée aux membres. Et la goélette « America » ne l’est pas ! Les premières manches se déroulent donc sans le bateau américain…
Le dernier jour, fairplays, les Anglais finissent par inviter les Américains à courir exceptionnellement avec eux. C’est d’autant plus important que la reine sera présente pour remettre la « coupe des 100 guinées », (le nom du trophée), au vainqueur.
La dernière régate est donc ouverte à « toutes les nations ». Il s’agit d’une course de 53 milles autour de l’île de Wight dont le départ est donné à 10h00 le 22 août 1851. Sept goélettes (dont six anglaises et « America ») et huit cotres sont sur la ligne. Le départ est une catastrophe pour le bateau américain qui passe la ligne bon dernier. Cela commence mal !
Une première régate et déjà une réclamation : la genèse de l’America’s Cup
Une fois lancée, « America » remonte la flotte. Il faut dire que Richard Brown, le capitaine de la goélette américaine, est un fin marin. Il est pilote à New York. Et il a l’habitude de lutter contre les navires de ses concurrents au milieu des bancs de sable pour rejoindre au plus vite les bateaux qui ont besoin de leurs services. Le premier arrivé obtient le job et à ce jeu, il excelle… Dans ces eaux anglaises qu’il ne domine pas, le malin capitaine a embarqué un pilote local qui connait les lieux comme sa poche. Il propose à son capitaine de passer par un étroit chenal entre un bateau-phare et la terre tandis que tous les autres bateaux passent au large. Cette manœuvre audacieuse permet à « America » de prendre la tête de la flotte. S’en suivra une protestation d’un des bateaux anglais, la première, mais pas la dernière de l’histoire de la « Cup ». Le comité de course ne retiendra pas d’infraction, les règles officielles de la régate ne précisant pas de quel côté il convenait de laisser la marque de parcours…
A 18h00, « America » passe la ligne avec 18 minutes d’avance sur « Aurora ». Les bateaux anglais sont humiliés. La reine aurait eu cette phrase devenue légendaire : « Qui est deuxième ? ». « Majesté, il n’y a pas de second » lui aurait-on répondu.
L’America’s Cup, un défi entre yachts clubs
Les armateurs « d’America » repartent aux Etats-Unis avec la coupe des cent guinées, une aiguière en argent un peu clinquante, qui ressemble surtout à un pichet rococo. Ils décident d’en faire don à leur yacht club à New York à la condition que le trophée puisse être remis en jeu. Cette donation et la règle pour lancer un défi officiel sont validées par un courrier officiel, le « Deed of Gift », qui régit, encore aujourd’hui, la compétition.
Le New-York Yacht Club invite alors les yachts clubs du monde entier à venir les défier. En jeu, le fameux pichet en argent dont le nom devient, officiellement, America’s Cup, en hommage à la goélette éponyme.
La première édition de la compétition n’aura finalement lieu qu’en août 1870, après la fin de la guerre de sécession. James Lloyd Ashbury, richissime homme d’affaire anglais, lance officiellement un défi sous le patronage du Royal Thames Yacht Club. Le 8 août 1870, ils sont dix-sept bateaux sur la ligne dont « Cambria », le bateau anglais, qui rêve de ramener la « Cup » au pays. Las, les Anglais finissent huitième. Pour l’histoire, le premier vainqueur officiel de l’America’s Cup est « Magic », appartenant à Franklin Osgood businessman et marin passionné.
En 1871, le même Lord Ashbury lance un nouveau défi au New York Yacht Club : une compétition au meilleur des sept manches. Les Américains acceptent à condition que leur bateau, appelé le « defender » soit choisi chaque matin de régate. Les deux premières manches sont gagnées par l’Américain « Columbia », qui démâte dans la troisième manche. Pas le temps de réparer avant la course suivante. Le yacht « Sappho » prend alors la suite pour le NYYC et remporte les deux manches suivantes. L’America’s Cup reste à New York. Et elle le restera encore longtemps !
Les défis s’enchainent ensuite de manière plus ou moins régulière. Entre 1870 et la fin des années 1960, ce sont vingt éditions de l’America’s Cup qui se déroulent dans les eaux new-yorkaises. A chaque fois, un ou plusieurs « defenders » (les bateaux du New York Yacht Club) s’opposent aux « challengers » américains ou venant d’autres pays. Et systématiquement le champion du New York Yacht Club l’emporte. La coupe est tellement bien installée dans la salle des trophées que nul n’imagine, qu’un jour, elle puisse quitter les lieux…
Pour la 21e édition en 1970, le NYYC décide d’organiser une pré-régate entre les « challengers », avec pour la première fois la participation d’un bateau français. L’ère moderne de l’America’s Cup vient de commencer…