Vendée Globe : les derniers efforts avant le réconfort

Par Figaronautisme.com

Alors que Charlie Dalin et Yoann Richomme s'apprêtent à dormir dans un lit qu'ils imaginent avec impatience, les autres marins poursuivent leur route, savourant les moments qui semblent suspendus dans le temps. Mais pour ces marins d'exception, embarqués dans une course effrénée, tout peut changer en un instant, aussi rapidement qu'un départ à l’abattée.

Les yeux qui brillent, le sourire aux lèvres, et la voix emplie d’émotions. Non, on ne parle pas de Charlie Dalin et Yoann Richomme qui, en moins de 24 heures, ont successivement embrasé - et embrassé - les Sables d’Olonne pour célébrer deux épopées si parfaitement exécutées. Cette joie tout aussi pure nous vient de bien plus loin, à 7 000 milles de l’effervescence du moment, dans la solitude d’un marin qui vient de vivre, lui aussi et sans aucun doute avec la même intensité, un rêve de gosse en majesté… Celui d’Oliver Heer (Tut Gut, 29e), qui nous racontait : "Ce Cap Horn, j’y pense depuis toujours, depuis que je fais de l’Optimist sur le lac de Zurich, alors avoir pu le franchir c’est juste fantastique... Je suis un petit garçon très heureux aujourd’hui ! "

Le marin suisse l’aura d’autant plus savouré que son approche aura été légèrement « rock’n’roll », avec une cinquantaine de nœuds de vent et « un sacré état de mer. » « J’ai navigué très sagement, avec trois ris », nous racontait le discret mais solide « Ollie », qui compte désormais plus de 200 milles d’avance sur ses poursuivants Antoine Cornic (HUMAN Immobilier, 35e) et Jingkun Xu (Singchain Team Haikou, 36e). « Ce qui est vraiment impressionnant c’est à quel point, en moins d’une heure, tout se calme au cap, on se retrouve à 20 nœuds avec moins de deux mètres de vague, des conditions parfaites… Je suis très heureux de laisser les mers du Sud derrière moi, ça termine un gros chapitre ! Je suis toujours à peu près en bon état, je suis prêt pour l’Atlantique ! », nous disait-il avec bonheur, nous rappelant cette jolie tirade de Jacques Prévert : « Les rêves, la vie, c'est pareil ! Ou alors ça vaut pas la peine de vivre ! »


« Alors voilà, chaque minute doit être savourée ! »
Est-ce l’arrivée des deux premiers qui, soudain, a donné au reste de la flotte encore plus conscience de l’aventure qu’ils vivaient et qui, comme toutes les meilleures choses parait-il, allait irrémédiablement se finir un jour ? C’est en tous cas ainsi que Benjamin Ferré (Monnoyeur - DUO For a JOB, 16e) nous décrivait son état d’esprit, malgré sa récente avarie de voile d’avant qui lui a valu une montée au mât qu’il redoutait tant : "Moralement ça va super bien, c’est marrant parce que j’ai l’impression que dès que j’ai des nouvelles de la Terre on me demande « quand est ce que t’arrives », et moi je suis plutôt dans le mood « punaise, il reste plus qu’une quinzaine de jours pour profiter, parce qu’après c’est terminé, la vie de terrien reprend ! ». Alors voilà, chaque minute doit être savourée ! Je suis dans cet état d’esprit là depuis quelques jours, en mode guerrier, « ok j’ai compris, c’est ça le Vendée Globe, c’est quoi la prochaine avarie ? De toutes façons faudra toutes les régler pour arriver à bon port ! » Jean Le Cam se moquait de moi en disant que j’étais jamais au chantier, bah je crois que j’ai rattrapé mes quatre ans d’absence sur un Vendée Globe ! "

Pas épargné techniquement, le « bizuth » a tout de même, pour compenser, reçu un joli cadeau de la météo, lui permettant de recoller à des camarades qui lui avaient dit « ciao » au large de la Tasmanie ! Un scénario « inespéré », de son propre aveu, mais auquel « Pépin » a continué de s’accrocher : "Je me suis toujours dit « tant que la ligne d’arrivée n’est pas franchie, tu peux y arriver. S’ils ont pu te coller 1000 milles, tu peux rattraper 1000 milles ! » Après franchement, je pense que les maître-mots là-dedans, c’est humilité et discrétion, il ne faut surtout pas fanfaronner parce que ça peut s’inverser d’une minute à l’autre ! Dans quatre heures, on rentre dans la zone des orages, et ça va être assez aléatoire ! "

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« Bien poser les choses pour la suite… »
Si Romain Attanasio (Fortinet-Best Western, 14e) semble enfin avoir trouvé une porte de sortie – et une solution a son problème de hook, de quoi être ravi -, derrière c’est en effet une belle loterie ! Pour l’heure, le trio de l’option Est, formé par Damien Seguin (Groupe APICIL, 15e), Jean Le Cam (Tout Commence en Finistère – Armor-Lux, 21e) et Alan Roura (Hublot, 17e) ne semble pas récolter les fruits de son pari, mais ils devraient dans les prochaines heures être moins ralentis par les intempéries…

De son côté, Tanguy Le Turquais (Lazare, 18e), lui aussi miraculeusement revenu dans la bataille, expliquait son choix d’aller jouer à l’Ouest :

" On aurait pu partir à l’Est comme Alan, Jean et Damien, mais franchement c’était un peu un calvaire comme option, avec du près dans du vent fort, et t’y gagnais pas grand-chose… Nous on joue dans des petits airs là, mais ça se passe plutôt bien, ça ne permet pas de se reposer parce que c’est sollicitant, mais ça permet de prendre bien soin du bateau, du bonhomme, et de bien poser les choses pour la suite… "
Et c’est justement jamais trop loin l'un de l'autre que Tanguy Le Turquais et Benjamin Ferré espèrent poursuivre ce tour du monde, eux qui depuis le début de l’aventure ne se lâchent pas d’une semelle.

" Je rêve d’une arrivée à devoir tirer un bord aux Glénan en battle avec Tanguy et de passer la ligne en même temps, pour remonter le chenal en même temps, ce serait trop beau par rapport au Vendée qu’on a vécu ! Mon petit copain rose dans mon tableau arrière, comme à l’accoutumée, c’est top ! Et là 20 degrés, grand beau temps, ciel bleu, mer plate, autant te dire : le paradis par rapport à ce qu’on a vécu dans le Sud ! J’avais oublié que le bateau à voile pouvait être aussi agréable ! "
Décidément, il n’y a pas que Paris qui « est tout petit pour ceux qui, comme nous, s'aiment d'un aussi grand amour », l’océan aussi !

Mais pour ces grands enfants qui aimeraient toujours continuer de s’amuser, la fin de la récré peut aussi très vite sonner ! Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence, 12e), plus que jamais à la lutte avec Benjamin Dutreux (Guyot Environnement – Water Family, 13e) et Samantha Davies (Initiatives-Cœur, 14e) se remet ainsi tout juste de sa belle frayeur avec un cargo croisé d’un peu trop près, tandis que devant, Paul Meilhat (Biotherm, 6e) a vu sa course mise entre parenthèse par la casse de son étai.

Si le skipper basé à Lorient était à la lutte avec Sam Goodchild (VULNERABLE, 5e) et Jérémie Beyou (Charal, 4e) pour les places d’honneur, l’objectif est désormais surtout de ramener son bateau jusqu’aux Sables d’Olonne sans démâter… Pas sûr que son petit matelas d’avance sera dès lors suffisant pour calmer l’appétit de Nicolas Lunven (Holcim-PRB, 7e), désormais à moins de 100 milles de son tableau arrière. Du paradis à l’enfer, il n’y a décidément toujours qu’un petit pas, surtout sur le pont d'un IMOCA...

Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Vendée Globe.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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