Cambodge : le village des pêcheurs perchés

Un voyage dans le temps, au rythme du fleuveLe trajet depuis Siem Reap est déjà une immersion. Après une cinquantaine de minutes sur une route d’abord asphaltée, puis de plus en plus chaotique, la piste ocre mène aux abords du village. Sous un soleil accablant, des cyclistes serpentent entre les rizières aux reflets émeraude, contrastant avec la terre rouge de la sécheresse. Puis, le fleuve apparaît, artère vitale du village.
Ici, l’eau est omniprésente. Elle façonne les habitations, les modes de vie, l’économie locale. Les maisons sur pilotis, véritables échafaudages de bois et de bambou perchés à près de 10 mètres du sol, semblent défier la gravité. En saison sèche, elles dominent le paysage comme un décor surréaliste. À la saison des pluies, elles flottent littéralement sur les eaux montantes du lac.
L’embarcadère est animé : des barques de pêche côtoient quelques bateaux dédiés aux visiteurs. La découverte du village se fait obligatoirement en pirogue à moteur, un moyen de contribuer à l’économie locale tout en préservant le fragile équilibre du site.
Un mode de vie centré sur la pêche et la débrouilleSur les rives, les pêcheurs s’activent, réparent leurs filets ou empilent des casiers en bambou, prêts à capturer les poissons du lac. Ici, le filet à plomb est roi, mais les techniques varient : pêche à la volée, au piège ou encore à l’épuisette pour les crevettes. Les enfants, pieds nus sur les berges, se joignent à l’effort, apprenant dès le plus jeune âge les gestes qui assureront leur survie.
Sur la place principale du village, les femmes jouent un rôle clé : elles étalent les crevettes roses sur de larges bâches pour les sécher au soleil. Pas de réfrigération possible dans ce monde sans électricité ni eau courante, ici, le séchage reste la meilleure solution de conservation. Puis, dans un ballet bien rôdé, elles remplissent de grands sacs en toile de riz, prêts à être vendus sur les marchés alentour.
Dans cette micro-société lacustre, chacun a son rôle. Les plus jeunes apprennent la navigation dès l’enfance. C’est le cas de Jade et Sow, 14 et 10 ans, qui pilotent une embarcation bringuebalante sous un soleil de plomb. Le plus grand manie le moteur, tandis que le plus jeune corrige à la rame les trajectoires incertaines. Leur complicité, presque silencieuse, illustre une transmission de savoirs qui se fait naturellement, sans école ni livres.
Une architecture sur pilotis, entre ingéniosité et rudesseSur invitation, une mère de famille ouvre les portes de sa maison perchée. L’échange est limité par la barrière de la langue, mais les gestes suffisent. L’intérieur est sommaire : un étage supérieur pour dormir, protégé des crues, et un niveau inférieur, plus ouvert, servant de cuisine et d’espace de vie. Le sol en bambou tressé laisse filtrer l’air et la lumière, tandis que les murs en bois brut offrent peu d’intimité mais une précieuse ventilation naturelle.
Pendant la mousson, les eaux du lac montent de manière spectaculaire. Les 10 mètres qui séparent les habitations du sol sec en saison sèche se réduisent parfois à 5 mètres seulement. Mais la structure des maisons permet d’évacuer facilement l’eau et de s’adapter aux inondations récurrentes.
Un village entre traditions et modernitéSi Kâmpong Khleang reste le village flottant le plus densément peuplé du Tonlé Sap, il est paradoxalement l’un des moins visités. Un atout qui préserve encore son authenticité, même si le tourisme se développe lentement. Mais cette ouverture au monde extérieur apporte aussi des disparités économiques croissantes : ceux qui gèrent les excursions en bateau bénéficient d’un revenu plus stable, tandis que les pêcheurs et artisans traditionnels peinent à maintenir leur activité.
Chez les plus âgés, la volonté de perpétuer les traditions est forte. Ils voient le lac comme leur seule ressource, leur unique avenir. Mais les plus jeunes, eux, rêvent parfois d’autre chose. D’une vie moins rude, plus connectée au reste du pays. Entre attachement à leurs racines et désir d’ailleurs, leur avenir se joue entre ces eaux brunes et la terre ferme qu’ils aperçoivent au loin.
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