Les Côtes d'Armor au fil de l'eau

Paimpol, mémoire vivante des terre-neuvas
Pour saisir l’âme du lieu, il suffit de flâner sur les quais Neuf et Morand, le regard happé par les façades colorées et les vieux bateaux de bois amarrés. Le Musée de la Mer, installé dans une ancienne sécherie de morues de 1880, plonge dans la rudesse des campagnes de pêche, qui coûtaient souvent la vie à plus de 2 000 marins. On imagine les mousses de 12 ans affrontant neige, embruns et quarts interminables, tandis qu’à terre, mères et épouses guettaient un retour qui ne venait pas toujours. Autour de la place du Martray, les maisons d’armateurs témoignent encore de cette prospérité passée, leurs pierres sculptées rappelant l’importance du commerce maritime.
La tradition se perpétue aussi dans les voix. Tous les deux ans, en août, le Festival du Chant de Marin réunit près de 150 000 visiteurs pour faire vibrer la ville au rythme des « chants à virer ». Hors festival, « La Paimpolaise » et d’autres airs marins résonnent régulièrement dans les bars du port, où l’on se retrouve autour d’un verre comme on le ferait sur un pont de bateau.
Entre mémoire et balades côtières
Quitter le centre de Paimpol, c’est prolonger le voyage dans le temps. À Ploubazlanec, la chapelle de Perros-Hamon et le mur des Disparus racontent en silence les drames de la mer. La croix des Veuves, plantée face à l’horizon, symbolise cette attente infinie qui marqua des générations entières. Plus loin, l’abbaye maritime de Beauport mêle pierres médiévales, vergers et prairies littorales dans un site de 68 hectares où les chanoines cultivaient céréales et légumes pour nourrir pèlerins et voyageurs. Aujourd’hui, on y flâne du cloître jusqu’aux rives, bercé par l’odeur des pommiers et le cri des mouettes.
Le Trieux, fleuve côtier navigable, offre une parenthèse bucolique. Depuis Paimpol, une croisière de quatre heures mène jusqu’au château de la Roche-Jagu, dressé sur son éperon rocheux depuis le XVe siècle. Un arrêt d’1h30 permet de parcourir ses jardins suspendus et ses expositions temporaires. En été, on peut aussi embarquer à bord de la Vapeur du Trieux, locomotive centenaire qui serpente sur 18 km jusqu’à Pontrieux, la « petite Venise » du Trégor. Le voyage en train, longeant les rives boisées et ponctué de haltes fleuries, séduit autant les enfants que les amateurs de paysages.
Loguivy et le goût du large
À l’entrée de l’estuaire, Loguivy-de-la-Mer déploie ses quais animés par les caseyeurs. Ici, le fameux « bleu de Loguivy », le homard breton aux reflets cobalt, est une véritable fierté. De juin à décembre, on le trouve vivant dans les poissonneries, prêt à rejoindre les marmites des gourmets. Les marins, qui sillonnent la Manche du Conquet aux îles Scilly, perpétuent une pêche sélective, tout en diversifiant leurs prises : langoustes et coquilles Saint-Jacques complètent la récolte.
L’archipel de Bréhat, entre granit rose et lumière
À dix minutes de bateau depuis la pointe de l’Arcouest, Bréhat dévoile un chapelet d’îlots et de rochers sculptés par la mer. Ici, la marée rythme tout : jusqu’à 12 mètres d’amplitude peuvent vider les ports, sauf ceux dotés de bassins à flot comme Paimpol. Les navigateurs le savent, l’annuaire des marées ne quitte jamais la poche.
L’île principale, baignée d’une lumière changeante qui inspira Matisse et Foujita, surprend par sa végétation presque méditerranéenne : eucalyptus, palmiers, pins parasols, hortensias et agapanthes prospèrent au milieu des rochers de granit rose. À Port-Clos, on commence par une baignade à Guerzido, plage intimiste aux eaux turquoise, avant de rejoindre le moulin à marées de Birlot. Au nord, la « Petite Irlande » déploie lande rase, criques escarpées, herbe battue par les vents et phares isolés du Rosédo et du Paon, parfaits pour finir la journée face à l’océan.
De Paimpol à Bréhat, la Bretagne se révèle à la fois rude et accueillante, façonnée par les marées, les hommes et la lumière. Ici, chaque pas raconte une histoire : celle des marins disparus, des fêtes qui résonnent encore, des jardins qui fleurissent au bord de l’eau et des vents qui sculptent les côtes. Entre mémoire maritime et douceur insulaire, cette portion de littoral offre une expérience complète : vivante, touchante et profondément attachante. Une fois parti, on garde longtemps sur la peau le parfum du sel, et dans l’esprit l’envie d’y revenir.
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