Dans un petit enclos marin tout près du parc national de Mayumba (sud du Gabon) nage un drôle d'animal: c'est Victor, un jeune lamantin trouvé sur une plage en 2010 et choyé par la Wildlife conservation Society (WCS) soucieuse de préserver ce mammifère marin menacé.
"Comment va Victor?" "Et victor"?" Victor est une véritable vedette de la région et est devenu une sorte de mascotte. Agents des parcs, employés du WCS et villageois s'enquièrent régulièrement de sa santé auprès des responsables comme s'il s'agissait d'un enfant. Il a même sa page sur le site du parc : mayumbanationalpark.com
Le lamantin, nourri au biberon par les humains, est aujourd'hui apprivoisé ou presque et vient lécher les pieds des visiteurs avec son énorme truffe et son regard bleu vitreux. Il se laisse caresser et paraît presque humain lorsqu'il tente de cacher sa tête derrière ses deux nageoire ventrales dont il se sert souvent comme de mains.
Le WCS n'a pas ménagé ses efforts pour sauver l'animal. Il faut dire que l'espèce africaine de cet herbivore est particulièrement en danger même si l'on a aucune donnée chiffrée sur sa population, les scientifiques constatant sa disparition progressive des embouchures de fleuves et rivières où il était jadis très répandu.
Un accord de coopération sur la conservation du lamantin lie 15 États en Afrique dans le cadre de la Convention sur les espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CMS) pour protéger cette espèce vulnérable. C'est surtout l'homme qui est responsable de sa disparition, en raison de la chasse mais surtout des barrages et activités qui changent son habitat, selon l'ONG Wetland international.
Victor, alors bébé, a été retrouvé échoué sur une plage de Mayumba par des villageois qui ont alerté le WCS local. Le bébé portait de nombreuses blessures. Le WCS l'a alors pris en charge et a notamment embauché Brice Louembet, un villageois, pour s'occuper de lui à plein temps. "Tous les jours, je le soignais, j'enlevais le pus de ses blessures. On le nourrissait au biberon. Il fallait être là en permanence. Petit à petit, il a commencé à aller mieux", se souvient Brice. "On l'a surnommé Victor parce que sa survie a été une victoire".
Un bénévole du Centre de conservation des lamantins de Porto Rico, où le lamantin des Caraïbes est beaucoup plus étudié, est même venu à Mayumba pour prodiguer ses conseils et aider l'animal à survivre. Victor est, selon le WCS, le premier "veau" d'Afrique élevé en captivité, et cela sans parents.
Aujourd'hui, le WCS se trouve à un moment crucial : décider de l'avenir de Victor. Dans l'idéal, il faudra le libérer pour lui faire retrouver son milieu naturel en toute liberté. Mais sa gentillesse pourrait lui jouer des tours auprès d'humains désireux de le chasser. Une des idées est donc de le relâcher près de Gamba, plus au nord, où la pression de pêche est moins grande et où il existe des lagunes. Mais, d'autres employés du WCS préféreraient le voir adopter par un village qui pourraient s'en occuper et le protéger, tout en bénéficiant d'aides voire d'une petite manne touristique.