L'exploitation du "poisson des glaces", disparu de l'assiette des Réunionnais depuis 20 ans, va pouvoir reprendre: c'est la conclusion d'une campagne scientifique et halieutique destinée à évaluer le stock de poissons des Kerguelen, dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).
"La biomasse a été renouvelée, c'est un très bon résultat", a déclaré le professeur Guy Duhamel, directeur du département Milieux et peuplements aquatiques du Museum national d'histoire naturelle (MNHN), en tirant le bilan de la campagne Poker 3 (Poissons des Kerguelen), achevée lundi soir. Après Poker 1 en 2006, Poker 2 en 2010, la campagne Poker 3, démarrée il y a cinq semaines, devait établir un "diagnostic précis de la ressource" dans la zone économique exclusive (ZEE) française des Kerguelen. Elle a ciblé prioritairement deux poissons: la légine australe, actuellement pêchée par sept palangriers basés à la Réunion et le "poisson des glaces" dont l'exploitation a dû s'arrêter il y a une vingtaine d'années en raison de sa surpêche.
"L'objectif de ces travaux était d'étayer de manière scientifique les conditions d'une pêche durable et raisonnée dans la zone", a expliqué le préfet des TAAF, Pascal Bolot. Pour mener à bien sa mission à bord du chalutier l'Austral, l'équipe de neuf scientifiques sous la direction du professeur Duhamel, aidés par 37 marins, a procédé à plus de 200 chalutages entre 100 et 1.000 m de profondeur au nord du plateau de Kerguelen.
Résultat : "Il n'y a pas de souci à se faire pour la légine. Sa biomasse est stable, voire en augmentation", a indiqué le professeur Duhamel. Il n'envisage toutefois pas de modifier son mode de pêcherie sélective (profondeur de pêche, interdiction du chalutage, etc.) qui a justement permis de préserver cette espèce. Bonne nouvelle également pour le "poisson des glaces" (champsocephalus gunnari), petite espèce de 25 à 35 cm de long, au sang incolore et vivant en grands bancs : la campagne Poker 3 a conforté les premiers relevés de 2010 montrant une reconstitution des stocks autorisant une reprise de la pêche, selon le professeur Duhamel.
"Nous allons proposer un quota de 700 tonnes en deux campagnes de pêche par an", annonce-t-il, ne se faisant aucun souci sur ses débouchés commerciaux. "Les Australiens le vendent très bien à l'exportation, entre 5-6 dollars le kilo", note-t-il. "C'est un poisson à la chair très ferme et blanche qui a un goût agréable rappelant celui de la truite. Il n'a quasiment pas d'arêtes, ce qui est important en termes de commercialisation", explique Thierry Clot, chef du service des pêches des TAAF.