"La nuit, je me réveille, je pense toujours à la montée des eaux, ça devient obsédant": A 71 ans, Poeta Carolo, porte-parole de la chefferie de St-Joseph, au nord de l'île d'Ouvéa en Nouvelle-Calédonie voit son atoll disparaître avec l'érosion et le réchauffement climatique.
Baptisée "île la plus proche du paradis" grâce à son ruban de sable blanc qui court le long de sa côte ouest et ses eaux turquoises, Ouvéa est en partie inscrite au patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco depuis 2008. Mais le responsable kanak ne reconnaît plus les 25 km de plages de sa jeunesse. La mer grignote depuis des années cette île étroite et toute en longueur avec une plage réduite désormais à une largeur de quelques mètres. "De chez moi à la mer à marée haute, il y avait presque 80 mètres, maintenant je ne fais même pas 36 pas" jusqu'à l'eau, poursuit l'ancien élu local. La faute "au réchauffement climatique" et "aux grandes puissances qui en sont responsables", dénonce-t-il.
Les courants marins et les cyclones et tempêtes sont également en cause, souligne Jacques Adjouhgniope, président de l'association pour la biodiversité d'Ouvéa (ASBO). Mais il accuse aussi l'extraction -désormais interdite- de sable utilisé pour faire du béton destiné aux bâtiments ou aux citernes d'eau. "Les gens continuent, ils ont besoin de sable pour construire, s'ils doivent importer d'autres matériaux, ça leur coûte trop cher".
L'ASBO a installé sur le littoral des bornes pour évaluer la progression de la mer. Un dispositif qui a dû être stoppé, "faute de financement", mais "c'est sûr, l'eau monte et elle n'arrête pas de monter".
L'érosion pénalise les tortues marines, qui n'ont plus assez de sable pour pondre leurs oeufs, et les Puffins du Pacifique, des oiseaux migrateurs qui nichent dans les dunes, explique le président de l'association. Mais elle a un impact surtout sur la population. Dans l'île de quelque 3.000 âmes, la plupart des habitations sont installées sur le littoral. "On nous conseille de ne plus construire en bord de mer, et de penser au repli vers l'intérieur des terres", explique Poeta.
La principale route d'Ouvéa, qui traverse l'île et permet de rejoindre le nord où les bateaux assurent le ravitaillement, est aussi menacée. Sur la commune de Wadrilla (centre), l'érosion a complètement détruit l'accotement, jusqu'à mettre en péril la sécurité des automobilistes.