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Lancés dans une tentative de record du tour du monde à la voile à l'envers, Romain Pilliard et Alex Pella doivent passer l'équateur dans la nuit de samedi à dimanche, malgré un choc avec un ofni (objet flottant non identifié) qui a légèrement endommagé un safran vendredi soir.
Dans le deuxième épisode de leur carnet de bord pour l'AFP, Pella évoque les efforts permanents à bord pour "ne pas abîmer le bateau et les bonshommes", très loin du rythme infernal du trophée Jules-Verne, le record à l'endroit, qu'il a remporté au sein de l'équipage de Francis Joyon en 2017.
"Sur le Jules-Verne, tu es perpétuellement à l'attaque. Tu dois prendre beaucoup de risques de casse, sinon ce n'est pas la peine d'essayer. Là c'est différent, il y a moins d'exigence et le parcours est beaucoup plus compliqué, donc il faut moins +tirer+ sur le bateau, réfléchir à la distance et à toutes les difficultés du parcours pour ne pas abîmer le bateau et les bonshommes. On est dessus, on fait de belles trajectoires, mais c'est moins soutenu.
Si on était sur un Jules-Verne, on ne serait même pas partis avec les conditions actuelles, sans alizé bien établi. Mais nous c'est l'inverse. On regarde surtout la fenêtre du Cap Horn en Amérique du Sud. On sait qu'il faut y être dans la pleine saison estivale, entre le 15 janvier et le 15 février, pour ne pas rester bloqués là-bas. Pour l'instant, notre descente atlantique, c'est de la préparation pour ce passage-là".
"Compte tenu des conditions de vent, on a fait une descente un peu atypique, en frôlant les côtes africaines. C'était un peu limite par moments, parce qu'il y avait de grosses flottilles de bateaux de pêche. Maintenant, on est plus décalés, on descend en escaliers vers les côtes brésiliennes.
"Ca n'est pas super rapide mais ça nous va très bien pour cette adaptation au bateau, entre nous... On n'a pas un système de quarts réglé comme une horloge. Quand on doit se coucher parce que ça commence à tirer, on se le dit entre nous, il y en a un qui va à la bannette. On fait des siestes de quatre heures. Ces derniers jours, la mer est un tapis, il n'y a pas de houle, une petite glisse, très agréable. On mange ensemble, c'est quand même plus sympa. On a profité du temps plus mou pour faire des bricoles ensemble le matin. L'après-midi, c'est plus cool, on se repose un peu et la nuit on se relaie".
"L'équateur, j'ai perdu le compte mais j'ai dû le franchir 20/25 fois, avec les transats, les tours du monde, les convoyages... autant de ce côté que dans le Pacifique ou l'océan Indien. Dans l'Atlantique, j'adore ce morceau de parcours. Il y a toutes les conditions, du vent fort là-haut, l'alizé, le passage du pot-au-noir, l'alizé du sud... La mer est une bouilloire. Il faut vraiment être concentré".
"Et c'est toujours un moment sympa, cette bascule de l'autre côté. On a la tête à l'envers. Pour Romain, c'est la première fois. Il a prévu une belle bouteille de champagne. On va essayer de trouver une solution pour qu'il soit bien frais. C'est pas évident en ce moment parce qu'il fait très, très chaud. Mais on va y arriver et on va fêter ça".
Propos recueillis par Fanny CARRIER