
C’est un combat de quasi chaque instant. Une lutte contre les adversaires bien sûr, mais avant tout une lutte contre les éléments, contre la fatigue et parfois même une lutte contre soi-même. Après plus de 4 jours de course et déjà plus de 2500 milles parcourus dans l’Atlantique, François Gabart reste placé pour une deuxième victoire dans la Route du Rhum, la première en catégorie Ultime (victoire en 2014 en IMOCA). « Les dernières 24 heures ont été intenses et denses, raconte François. Il s’est passé pas mal de choses. Samedi soir, aux Açores, on a eu un passage très très joli au ras de ces bouts de terre, mais assez technique avec du vent et un virement de bord. Dans la traine, il faut aller vite et on a fait un bord assez dingue avec plus de 40 nœuds pendant plusieurs minutes voire même plusieurs heures. C’était une super sensation même si c’était un peu chaud avec du vent et des grains. »
Après une première moitié de course essentiellement menée face aux vents, avec une sortie de manche éprouvante puis plusieurs traversées de fronts et quelques rares moments de répits dans du petit temps pour récupérer quelques minutes, les écarts restent encore minimes, principalement avec Maxi Edmond de Rothschild, skippé par Charles Caudrelier avec lequel François s’est régulièrement échangé la tête de course, et Sodebo Ultim 3, mené par Thomas Coville, en embuscade quelques milles derrière le duo de tête.
Depuis la nuit de samedi à dimanche, après un formidable match-race entre les îles des Açores, les bateaux de tête, qui ont tous opté pour partir rapidement vers le sud, ont enfin réussi à toucher les alizés et les vents portants. Si François a perdu quelques milles suite à un problème de foil finalement réparé (voir ci-contre) il aborde avec une grande détermination les derniers jours de course.
Comme il y a quatre ans, où il avait seulement échoué de sept minutes face à Francis Joyon, les dernières journées et sans doute même les dernières heures de course risquent d’être particulièrement intenses et indécises. « Je suis vraiment super content d’avoir réussi à bricoler et à repartir. Le bateau va bien et va vite. Le Trimaran SVR-LAZARTIGUE est à nouveau 100% opérationnel. » De quoi se projeter avec beaucoup d’envie sur les derniers jours de traversée vers la Guadeloupe avec notamment le contournement de l’île et tous ses pièges. « Maintenant que tout est réparé, je vais essayer de rattraper le retard. Il reste encore plein de choses à faire jusqu’à la ligne d’arrivée et ça va être top. » L’arrivée est pour le moment estimée à mercredi midi TU (13 heures, en métropole) soit autour de 7 jours de course, une marque qui serait alors inférieure au record de Francis Joyon et IDEC Sport établi il y a quatre ans en 7 jours 14 heures 21 minutes et 47 secondes.
« Alors que je dormais, pam ! Un gros bruit me réveille »
François Gabart s’est fait une belle frayeur samedi en fin de journée. Il raconte.
« Après le passage des Açores, je mets ensuite toute la toile pour descendre au portant, j’étais super content des réglages avec un bateau qui fonctionnait super bien. Je fais alors une petite sieste parce que je n’avais pas beaucoup dormi depuis 24 heures et alors que je dormais, pam, un gros boum me réveille et le bateau ralentit d’un coup. Je pensais que c’était la dérive car le bruit était le même que lorsque nous avions eu le problème pendant le convoyage vers Saint-Malo. Mais non, la dérive était là en parfait état. C’est le foil sous le vent qui est remonté. Pour accrocher le foil au vérin, on a une estrope (anneau en cordage) assez grosse et elle a cassé. Le foil était toujours là mais était remonté de façon assez violente dans un gros bruit mais heureusement sans se casser. Sans foil, le bateau allait 5 ou 6 nœuds moins vite. On a échangé avec l’équipe pour voir si c’était réparable et si ça valait le coup sachant qu’il ne restait plus que 15 heures de tribord avant de repasser principalement en babord. L’équipe à terre est en partie en Bretagne, en partie en Guadeloupe, et une partie était même à l’aéroport. On a brainstormé et finalement décidé de réparer. J’ai passé deux heures le bateau arrêté car il fallait rentrer dans le flotteur sous le vent, ouvrir pas mal de trappes, repasser un messager, ce qui est compliqué car il n’y a pas beaucoup de place, remettre une nouvelle ligne, la refixer sur le foil et tout ça en mer, à trois mètres de haut. Et comme je ne mesure pas trois mètres, il a fallu faire un peu d’escalade. C’était un peu de la bricole mais tout s’est remis en place. Je renavigue sur le foil, ça tient. »
Des manœuvres particulièrement nombreuses et éprouvantes
La première partie de course essentiellement disputée face aux vents a obligé les skippers à effectuer de très nombreuses manœuvres. Sur le Trimaran SVR-LAZARTIGUE, François Gabart a par exemple effectué 19 virements avec à chaque fois la nécessité de changer la configuration de voiles (grand-voile/J2, puis grand-voile/J0, puis grand-voile/J1, puis grand-voile/J2 puis 1 ris/J2). Si les prochaines heures devraient être un peu plus calmes avec des vents portants, le contournement de la Guadeloupe pour rejoindre Pointe-à-Pitre nécessitera à nouveau de multiples manœuvres.