Coquille Saint-Jacques : l'or blanc du Bessin se porte bien

Escales
Jeudi 23 mars 2023 à 7h05

©AFP - Lou BENOIST

"La plus belle année de ma vie, comme chaque année", Jean-Marc Daubert accueille "en chaussons" au beau milieu de la nuit sur son chalutier L'Espérance accosté à Port-en-Bessin-Huppain (Calvados) pour la dernière pêche à la coquille Saint-Jacques d'une énième saison extraordinaire.

Arrêtée vendredi dans le gisement le plus prolifique au monde, la baie de Seine, la pêche à la coquille a encore battu des records avec 13.500 tonnes pêchées en Manche Est du 14 novembre au 16 mars, pour toutes les criées normandes de Dieppe à Granville.

C'est 15% de plus que l'an passé selon le comité des pêches, alors que les criées ne représentent que 40% du volume débarqué.

"C'est vraiment la jachère qui multiplie la ressource, le réchauffement climatique sans doute aussi" assure le "patron" de L'Espérance en quittant le port de nuit avec une trentaine d'autres chalutiers.

La jachère, c'est une zone tournante d'interdiction de pêche mise en place en collaboration entre l'Ifremer et les pêcheurs.

La baie de Seine, de Barfleur au Cap d'Antifer, est divisée en quatre tranches, dont une est fermée chaque année depuis 2016 pour permettre aux bivalves de mieux se reproduire.

Cette année c'est la zone 1, la plus à l'ouest, qui est fermée, obligeant les chalutiers du Cotentin, éloignés de Port-en-Bessin, à descendre vers le sud: il n'est pas 5h du matin et l'horizon est couvert de projecteurs.

"Les gars de Saint-Vaast arrivent", dit le patron en pointant les lumières au large, au chaud dans sa passerelle qui n'a rien à envier à un cockpit d'avion de ligne.

Radar, sondeur, bathymétrie, tables traçantes, radios, GPS, caméras pour manoeuvrer les dragues, ce navire à deux millions et demi d'euros boxe dans la catégorie des moins de 15 mètres, pour un quota quotidien de 1.800 kilos.

Une quarantaine de bacs vides attendent les précieuses coquilles sur le pont arrière.

Il est 6h, les dragues s'éveillent: deux barres d'acier plongent à 20 mètres de profondeur pour piéger les coquilles sur le sable dans des anneaux métalliques et remonter 5 à 600 kilos par cycle.

- Gérer l'accès à la ressource -

Déchargé dans un vacarme assourdissant, le produit de la pêche, coquilles mais aussi mollusques, poissons et... cailloux, est trié par deux matelots sur un tapis roulant en 20 à 25 minutes.

Il y aura cinq rotations.

La récolte ne cesse de progresser depuis près de dix ans, et Eric Foucher, chercheur à la station Ifremer de Port-en-Bessin, sait pourquoi: c'est lui qui a accompagné la mise en place la gestion de cette ressource.

"La pêche est limitée en nombre de navires, 220 licences pour la baie, dans le temps, quelques mois, quelques jours par semaine, quelques heures par jour", poursuit le chercheur interrogé par l'AFP.

Les dragues aussi: "Depuis 2020 les anneaux font 97 millimètres contre 92 auparavant, les coquilles de moins de deux ans restent désormais au fond pour se reproduire".

L'idée des jachères fut soufflée à l'homme par l'océan. "En 2011-2012, la baie a été fermée à cause d'une toxine, l'ASP (Amnesic Shellfish Poisoning, NDLR)" rappelle M. Foucher, "l'année d'après, il y avait plus de coquilles, et plus grosses".

Une zone est depuis mise en jachère chaque année, permettant une plus grande densité de coquilles au fond de l'eau, et donc une meilleure reproduction, qui entraîne... une plus grande densité: "en 2005 il y avait une coquille tous les 5 m2, en 2022 il y en avait une par m2, voire trois ou quatre par endroits".

La dernière drague est triée sur L'Espérance en fin de matinée au large d'Omaha Beach, dont le soleil réchauffe le sable rougi du sang américain le 6 juin 1944.

Les 40 bacs vides du pont arrière sont désormais remplis à ras bord, le quota de la saison est fait "plus rapidement et plus facilement que la saison dernière", conclut Jean-Marc Daubert, comme chaque année.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l'atout voyage et évasion de l'équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l'actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne. Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l'édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com. Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l'Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
François Tregouet
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Depuis toujours, François est passionné de voile en général et de multicoques en particulier. En croisière ou en course, de l’Europe à l’Australie, il ne les délaisse que lorsque le règlement l’exige : Mini-transat, Fastnet, Giraglia… Jamais rassasié de nouveautés, il a assisté à la plupart des salons sur les cinq continents. Depuis 2018 il se consacre entièrement à la rédaction et à l’information, notamment pour Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s'est toujours intéressé à l'équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l'auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d'occasion et qui décrivent non seulement l'évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux
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Max Billac
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son Targa 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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Eric Mas est l'un des fondateur de METEO CONSULT – La Chaîne Météo. Éminent spécialiste de météo, Eric est également un marin passionné qui a routé les plus grands skippers sur toutes les eaux du globe : VDH lors du premier Vendée Globe, Philippe Jeantot, Jean Maurel, Michel Desjoyeaux, Francis Joyon, et tant d'autres. Actuellement il participe au projet de Lalou Roucayrol sur son multi 50.
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