Seul à la barre du Trimaran SVR-Lazartigue, Tom Laperche est rentré ce lundi à Concarneau après cinq jours de navigation. À bord de ce géant des mers, il a parcouru les 2500 milles nécessaires pour valider sa qualification pour l’Arkea Ultim Challenge - Brest, première course autour du monde en solitaire et sans escale destinée aux Ultims (départ le 7 janvier 2024, à Brest). L’occasion surtout de prendre de précieux repères avant l’enchaînement des courses dans les prochains mois, dont la Transat Jacques-Vabre, en octobre, transatlantique en double avec François Gabart pour skipper.
Tom, comment s’est déroulé cette navigation ?
La notion de qualification était surtout administrative. J’étais davantage dans un esprit d’entraînement. J’ai parcouru les 2500 milles avec des pointes à 43 nœuds. La moyenne est anecdotique car le but n’était pas d’aller le plus vite possible. Nous sommes dans une période où il n’y a pas énormément de vent dans notre zone entre la France et l’Espagne. Je suis donc allé chercher du vent au large dans la dépression. C’était du vent instable, des grains proches de l’orage. Ce sont des conditions pas forcément faciles qui amènent de la complexité dans la gestion du bateau. Tant mieux car j’étais dans une optique de travail. J’ai eu des heures à haute vitesse ce qui a permis de travailler sur la maitrise du bateau. Je me suis forcé à faire des manœuvres, des changements de voile. Je me suis imposé des périodes de 24 heures avec une grosse concentration pour travailler sur la vitesse ou sur des manœuvres, avec des contraintes pour se rapprocher d’une situation de course.
Quelques changements ont été apportés sur le bateau lors du chantier d’hiver. Comment a évolué le bateau ?
Il y a quelques changements auxquels je me suis adaptés. C’est essentiellement de l’ergonomie, du déplacement dans le cockpit. Il n’y a pas de « moins bien » et même des points positifs. La job list ergonomie est prioritaire. Après cinq jours en mer, je vois un peu mieux ce dont j’ai besoin. Je n’avais jamais passé autant de temps seul en mer en étant responsable du Trimaran SVR-LAZARTIGUE, en ayant le stress permanent d’être sur un fil, d’avoir l’écoute des voiles pas trop loin, tout en essayant d’aller vite, comme si c’était en course. Cela nécessite des arrangements par exemple pour savoir comment dormir, où dormir pour être confort et y laisser le moins d’énergie possible. Nous allons beaucoup travailler dessus pendant le chantier d’été pour avoir la meilleure ergonomie possible pour faire du solitaire, entre 40 et 50 jours.
Comment murit le projet Arkea Ultim Challenge - Brest dans votre esprit ?
La perspective de ce tour du monde en solitaire se rapproche. Pourtant, je me faisais la réflexion en regardant les photos du bateau qui vole, que j’étais encore comme un enfant. J’ai encore le regard de gosse qui regarde les images de bateaux mais en même temps, je suis skipper de ce bateau et capable de naviguer tout seul. Je suis tellement heureux sur le bateau. Il y a plein de moment quand je navigue où je me dis que c’est fantastique. Naviguer sur ces bateaux, les faire voler, c’est un privilège, un truc de dingue, en termes psychologiques et dans tout ce que ça demande d’engagement. Il y a aussi toute la confiance et la présence de l’équipe qui quelque part me « prête » ce bateau. Je sais qu’à n’importe quel moment ils peuvent m’envoyer des infos et que je peux leur demander des choses. Quand il y a une petite bricole sur le bateau, il y a aussitôt un échange. Ça permet aussi de se rôder sur notre fonctionnement quand je serai en solitaire.
Votre prochaine course est la Rolex Fastnet Race entre Cowes, sur l’île de Wight (Grande-Bretagne) et Cherbourg via le rocher du Fastnet, au sud de l’Irlande. Comment l’envisagez-vous ?
Ça va être du bonheur. C’est une super belle course. Le Fastnet c’est un moment toujours fort. La côte sud de l’Angleterre, la Manche, ce sont des endroits techniques à naviguer. Mais ça va aller vite car quand on regarde le parcours, c’est petit par rapport à mes 2500 milles que je viens de faire. Tu peux pousser au maximum avec des concurrents à côté. Le but va être de travailler sur la vitesse du bateau, les réglages et la navigation en équipage en vue d’un futur trophée Jules-Verne (tour du monde en équipage sans escale et sans assistance ; record : 40 j 23 h 30 min 30 s, détenu depuis janvier 2017 par Francis Joyon sur Idec Sport).
Comment allez-vous gérer l’enchaînement des courses ?
Après la Rolex Fastnet Race, le bateau va entrer en chantier d’été. Nous allons en profiter pour prendre des vacances. Que ce soit pour François ou moi, nous allons nous déconnecter un peu du bateau car après, avec la préparation pour la Transat Jacques-Vabre, Le Havre, le retour du bateau de La Martinique et le tour du monde, il n’y aura pratiquement plus d’arrêt. C’est l’occasion de prendre une bonne bouffée d’air avant de se replonger à fond dans le Trimaran. »