D’un point de vue statistique, les concurrents de cette 14ème édition de The Ocean Race auraient dû fêter l’arrivée à Gênes en grande pompe ce week-end, après plus de 32 000 milles de course… mais la météo n’étant pas une science exacte, et les hautes pressions qui stationnent du nord au sud de l’Europe, générant chaleur et vents faibles, les ETA (Estimations de Temps d’Arrivée) ont été décalées. Le VO65 WindWhiper Racing Team, mené par Daryl Wisland, devrait atteindre Gênes en grand vainqueur ce lundi 26 juin à la mi-journée, et le premier IMOCA, 24 heures plus tard.
Sous un soleil de plomb, les équipages prennent leur mal en patience et « cuisent à petit feu ». Au large de Barcelone ce dimanche, c’est un temps à aller pique-niquer à la plage. A bord de Holcim-PRB, toujours en tête des IMOCA, il ne manque que les serviettes de bain et parasols. Sous J0, l’immense voile de portant, le bateau suisse glisse sur une mer aussi plate qu’une limande, croisant des voiliers en régate dominicale. « C’est toujours marrant de voir la vie à terre juste en passant… » lâche Benjamin Schwartz, le skipper. L’équipage est sur le pont et cherche un peu d’ombre. Il n’y a pas qu’à terre que les températures flirtent avec les plus de 30 degrés. « Dans le cockpit, c’est un sauna ! » confirme la Hollandaise Annemieke Bes, manifestement accablée par la chaleur. Après un pique-nique improvisé autour de sardines, Ambrogio Beccaria devise avec Yoann Richomme à l’étrave. « La prochaine fois, on se fera tatouer les noms des sponsors sur le torse » plaisante l’Italien. « C’est long ! Il faut être patient dans cette histoire. Ici, il te faut un bon gennaker, de l’espoir et toujours rester positif. Sinon, tu es foutu ! » On a beau achever le tour du monde en course après avoir repassé la longitude d’Alicante, port de départ de cette 14ème édition en janvier dernier, l’ambiance est plus à la croisière côtière. Faute de vent, il y a même un petit côté vacances. À bord de Biotherm, Paul Meilhat remonte l’indispensable seau du bord et s’arrose comme une plante, suivi quelques minutes plus tard par Mariana Lobato. Pour se dessaler et profiter d’une vraie douche d’eau douce dans la capitale de la Ligurie, il va falloir attendre encore un peu !
Tuer le temps
Quel contraste avec ces images des mers du sud puis de l’Atlantique nord où les équipages serraient les dents et traversaient le cockpit et la cabine, les mains solidement accrochées aux mains courantes, essayant de ne pas se faire projeter contre une cloison ! Là, changement de décor. On se déplace tel un chat, on retend un nerf de chute sur le guindant du J0 et on tue le temps, bien que toujours un œil sur les chiffres défilant sur les afficheurs. Sur Team Malizia, épié aux jumelles par Biotherm quelques milles devant, c’est « atelier lecture ». Hasard ou pas, c’est la veille du Brevet, le diplôme clôturant les années collège en France. Rosalin Kuiper, Boris Herrmann et Will Harris feuillètent et lisent à haute voix des albums concoctés par des enfants aux différentes escales. Dessins, poèmes, photos Polaroid, mots d’encouragement voire déclarations d’amour… mais aussi et surtout une préoccupation revenant en boucle : celle de préserver l’Océan. Nicolas Lunven, le navigateur du bord, toujours aussi concentré et placide à la table à cartes, la tête dans les fichiers météo, cherche la meilleure route… mais avoue que c’est compliqué. Team Holcim-PRB a tenté de « faire le break » en allant à la côte algérienne quand Biotherm et Team Malizia optaient pour le littoral espagnol. Les compteurs sont à nouveau remis à zéro… En VO65, WindWhisper Racing qui a lâché ses concurrents, a opté pour une route médiane. Son avance est telle qu’il n’a pas les mêmes conditions météo mais ne peut plus contrôler ses adversaires qui ont choisi de longer la terre. Sauf grosse « mistoufle », le monotype aux couleurs de la Pologne devait être le premier à s’amarrer dans le port de Gênes, ce lundi.
Final sous haute tension
Si Team Holcim-PRB, qui a franchi la longitude de l’île de Porquerolles tôt ce lundi matin, conserve un léger avantage. Biotherm et Team Malizia ne sont respectivement qu’à 7 et 14 milles du leader sur une route un peu plus sud. A 7 heures UTC, les trois bateaux marchaient à un peu plus de 9 nœuds sur la route. Ces prochaines heures vont être aussi longues que stressantes, la victoire pouvant très bien se jouer dans le dernier mille. Les Américains de 11th Hour Racing Team, repartis après leur collision avec GUYOT environnement-Team Europe, cravachent et sont attendus le 30 juin. La veille, le jury international aura rendu sa décision et l’on connaîtra alors le nom du grand vainqueur de cette première édition de The Ocean Race en IMOCA.