LA DEUXIÈME NUIT. Le rythme n’a pas faibli tout au long de la journée hier, malgré la traversée d’une zone dépressionnaire avec du vent très irrégulier. Si Éric Péron a été distancé, le groupe des cinq a pu retoucher du vent au milieu de nuit. Désormais, une bulle anticyclonique est à contourner avant de se projeter vers la gestion de la dépression à venir mercredi en fin d'après-midi.
À tous ceux qui aiment être en retard, qui apprécient procrastiner ou rester au lit plutôt qu’affronter le quotidien, le froid et l’adversité, il faut regarder ce que font ces six Ultim lancés autour du monde. Parce qu’eux ne s’autorisent pas de répit, pas de pause et ils attaquent sans compter. Il est possible, en 2024, de disputer une course à bord de bateaux de géants avec la même intensité qu’une étape de la Solitaire du Figaro.
" On a l'impression d'être parti pour une course de trois jours "
" On est toujours surpris par le rythme depuis hier ", confie Guillaume Rottee le directeur de course. " C’est soutenu, on a l’impression d’être parti pour une course de trois jours alors qu’on dispute un tour du monde ", expliquait Anthony Marchand (Actual Ultim 3). Pourtant, il a fallu s’employer. Hier, les marins ont dû traverser une zone dépressionnaire avec du vent très irrégulier. Ils ont dû attendre le milieu de nuit pour retoucher du vent. L’écart s’est en revanche creusé avec Éric Péron (ULTIM ADAGIO) qui concède désormais plus de 210 milles sur le groupe de tête.
Désormais, les cinq premiers, toujours menés par Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild), se sont lancés dans une phase d’empannages. " Ils s’emploient à contourner une bulle anticyclonique par l’Ouest, précise Guillaume. L’idée, c’est de rester à la limite de la bulle, de ne pas faire trop d’Ouest pour ne pas tomber dans une zone sans vent… Ça oblige à manœuvrer un peu ". Un petit casse-tête aux multiples enjeux. Déjà, il ne faut pas perdre de terrain face aux adversaires alors que chaque décision peut avoir un impact, d’autant que 34 milles séparent les cinq premiers.
Ensuite, il convient d’aborder de la meilleure des manières la dépression qu’ils affronteront demain. Celle-ci se prolonge très Sud, jusqu’au Cap Vert. " Ça va se corser avec un passage de front, des vents autour de 40 nœuds, des creux de 4 à 6 mètres à partir de mercredi en début de soirée ". Dans les cellules routage, tous s’activent pour définir la meilleure option. " Les routeurs sont sur le dossier, précise Guillaume. Ils savent tous qu’il faudra profiter au maximum de chaque petite rotation du vent pour gagner quelques milles sur les autres…" Ils ont encore une journée pour étudier les fichiers, avoir un peu plus de visibilité et faire leur choix. La partie d’échecs a commencé !
L’instantanée de la nuit, par Armel Le Cléac’h (Maxi Banque Populaire XI)
"C’est un bilan positif depuis le départ. On a eu un beau spectacle, pas de problèmes techniques et pour l’instant, c’est une belle course, au contact. Se tirer la bourre, au contact, c’est pas mal pour commencer. Il y a eu pas mal d’empannages, de changements de voile et ça a été assez rapide. Le rythme ne faiblit pas, on commence tous à prendre nos marques. C’est important de ne pas se faire décrocher. Ce n’est pas impossible que ça parte par devant et c’est là qu’il faudra être bien placé pour en profiter. Les alizés ne sont pas du tout en place, il y a une grosse dépression à venir… Ça va être compliqué, on va y aller par étape. On travaille dur avec la cellule routage à Lorient. À bord, je me sens de mieux en mieux. Il y a toujours de l’émotion qui revient parce qu’on n’est pas parti pour un entraînement. Mais les habitudes reviennent et ça se passe pas mal. Ça permet de passer outre les émotions du départ."
L’instantanée de la nuit, par Éric Péron (ULTIM ADAGIO)
" Mes premières heures de course se sont bien passées. Ce n’était pas si exigeant mais il y avait beaucoup de manœuvres. La première nuit, j’étais un peu stressé à cause des cargos, d’autant que j’avais un petit problème sur mon ordinateur. Hier, il fallait gérer un petit front pluvieux pas facile et une mer un peu désagréable. Pour l’instant, les cinq concurrents se tirent bien la bourre Moi je suis un peu détaché, je ne peux pas rivaliser sur ces allures. Mais je m’attache à bien faire ce que j’ai à faire. Mais on réfléchit à deux fois avant de changer une voile et de faire une manœuvre. L’effort est conséquent à chaque fois et il faut se ménager pour tenir le rythme. Là, c’est plutôt stable, je vais essayer de manger et dormir. Il y aura probablement un envoi de voile d’ici quelques heures. La dépression à venir, c’est un petit morceau qui ne me plait pas trop, notamment à cause de l’état de la mer attendue. C’est léger mais on commence déjà à le ressentir. On va faire de notre mieux pour proposer une trajectoire qui nous correspond. "