ARKEA ULTIM CHALLENGE : Yann Eliès : « Ils entrent dans la partie aventure »

Par Figaronautisme.com

LE GRAND TÉMOIN DU SAMEDI (2). Ils ont déjà parcouru les mers du globe, déjà affronté des conditions harassantes et regardent avec attention et bienveillance cet incroyable challenge. Tous les samedis, nous donnons la parole à des marins qui ont marqué leur époque et qui savent trouver les mots afin d’évoquer l’actuel. Après Michel Desjoyeaux, c’est au tour de Yann Eliès. Lui qui compte trois victoires à la Solitaire du Figaro et autant à la Transat Jacques Vabre, a disputé deux Vendée Globe et participé à une préparation pour le Trophée Jules-Verne avec Edmond de Rothschild. En somme, il a un regard propre sur ces bateaux, leur fiabilité et surtout sur ce parcours et cet océan Indien que les skippers de l’ARKÉA ULTIM CHALLENGE-Brest vont bientôt arpenter. Confidences d’un averti enthousiaste.

Cette course, c’est l’issue d’années de développement, de doutes, de promesses… Quel regard portes-tu sur le fait qu’elle ait lieu ?

Ça me fait penser à The Race en 2000 (course autour du monde en équipage). C’est le type de courses qui défraient la chronique, un événement un peu à contre-courant qui bouscule les us et coutumes de leur époque. Il y a un aspect nouveau, exceptionnel, l’idée d’un défi de pionniers. Ce genre d’événements fait du bien ! Il n’y a eu qu’une seule édition de The Race, je suis persuadé que ce ne sera pas le cas pour l’ARKÉA ULTIM CHALLENGE-Brest.

On a assisté à un sprint la première semaine, avec un duo côte à côte... C’était un scénario attendu d’après toi ?

Ils ont disputé la partie facile, c’était du pain béni ce début de course. Ça peut être compliqué parfois, le dégolfage, mais ils ont eu des conditions faciles. C’est à partir de maintenant que ça va se compliquer. Nous avons eu de la chance d’avoir une régate et on aurait rêvé qu’elle se transforme en bataille planétaire. Mais là, on entre dans une nouvelle phase : ils vont rentrer dans la partie aventure.

« Les appendices, le talon d’Achille d’un Ultim »

Il y a eu les avaries d’Armel, de Tom Laperche… Qu’est-ce que tu en as pensé ?

Malheureusement, c’est normal. Ce sont des bateaux qui restent jeunes, complexes et qui n’ont encore jamais fait le tour du monde dans cette configuration. Les équipes cherchent encore – et c’est normal - à savoir où mettre le curseur. Et puis on est encore à se demander si ça va être possible ou impossible d’aller au bout…

Il y a toujours cette part d’incertitudes, notamment liée aux Ofnis…

Il faut que l’on soit capable de les détecter encore plus. Je trouve que le fait d’instaurer des zones de protection des cétacés est une bonne chose et je suis sûr qu’on ne se posera plus la question de leur utilité dans les années à venir… C’est comme la ceinture de sécurité !

On sait que les équipes anticipent tout, vérifient plusieurs fois et renforcent les composants… Pourquoi est-ce que ça ne suffit pas ?

Parce que le talon d’Achille d’un Ultim, c'est ces six appendices qui traînent dans l’eau. On n’imagine pas les contraintes physiques qu’ils subissent. C’est exactement le même principe que le pneu d’une voiture au Dakar : il suffit d’une pierre mal placée sur le parcours pour crever. Sauf qu’en Ultim, impossible de s’arrêter et de réparer soi-même. Structurellement, ce sont des bateaux à la pointe, mais il suffit d’un grain de sable pour enrayer leur bon fonctionnement à l’image du problème de durite qu’a eu à gérer Armel Le Cléac’h.

« Dans l’océan Indien, un cocktail explosif »

Tu as connu les mers du Sud au Vendée Globe, à The Ocean Race… Comment décris-tu ce qu’on ressent dans l’océan Indien ?

Le plus dur, c’est d’y entrer. Avant, tu profites de conditions idylliques, en tee-shirt, sur une mer plate… Et là, en une poignée d’heures, les choses se corsent : la mer devient froide, le vent plus intense, plus dense. Le corps humain doit vite s’adapter. On doit faire face au courant des Aiguilles, aux dépressions qui descendent d’Afrique et qui se mêlent à l’air glacial. Ça forme un cocktail explosif pour les machines et pour les hommes. Ceux qui passeront la semaine auront de grandes chances d’arriver jusqu’au Cap Horn. Mais là, des avaries peuvent avoir lieu, l’océan est agité et ce n’est jamais facile.

En 2017, tu as bouclé le Vendée Globe en 80 jours et 3 heures. L’ARKÉA ULTIM CHALLENGE-Brest, ça bouscule la perception du temps ?

Oui totalement ! L’Équateur en 6 jours, le Cap de Bonne-Espérance en 12 jours, le Cap Horn en 35 jours… Ça fait rêver ! C’est à la fois exceptionnel et troublant. Lors de mon premier tour du monde, j’avais du mal à me représenter la terre, à me dire qu’on pouvait en faire le tour. Et puis tu te rends compte que ce n’est pas si long et pas si grand finalement.

Tu as navigué à plusieurs reprises à bord du Maxi Edmond de Rothschild. Comment décris-tu les sensations à bord ?

Ça va super vite ! Les appendices font du bruit, on entend les foils qui bougent dans leurs cales. Il y a beaucoup d’alarmes aussi qui sonnent dès qu’il peut y avoir un souci. Si le bateau ne gîte pas comme un monocoque, tu as des mouvements longitudinaux, tout est en latéral. Mais c’est d’une jouissance incroyable. Progresser à 35, 40 nœuds, se rapprocher des 800 milles parcourus en une journée… Ce sont de sacrées machines !

Il y a encore du plaisir à aller toujours plus vite, toujours plus fort dans le contexte actuel ?

Il faut surtout rappeler que le rêve – et on commence à le vivre – c’est que l’ensemble de ces innovations ruisselle dans l’industrie du transport de marchandises à la voile. La course au large peut parvenir à libérer le champ des possibles en la matière et on ne peut que s’en réjouir.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
Max Billac
Max Billac
Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…
Cyrille Duchesne
Cyrille Duchesne
Cyrille Duchesne
Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...