Ils se sont croisés au cœur de l’océan Indien, pourtant bien moins fréquenté que le golfe de Gascogne. Le Maxi Edmond de Rothschild est passé ce dimanche midi à proximité d’un bateau de pêche à la légine, habitué de ces zones à proximité des Kerguelen. Le capitaine français de ce navire, Charles Cayeux, raconte ce drôle de chassé-croisé au milieu de nulle part.
Il venait de prendre son quart et avait une petite idée de ce qui allait se passer. « Je savais que le Maxi Edmond de Rothschild allait venir à proximité de notre route », explique Charles Cayeux. Lui aussi est un marin de l’extrême à sa manière. Six mois par an (par sessions de trois mois en mer, trois mois à terre), il dirige un équipage d’une vingtaine d’hommes au cœur des mers australes. Amoureux de cette nature brute et sauvage, il ne cache pas son admiration pour les grands skippers.
« Ici, c’est du beau temps ! » « Ici, c’est du beau temps ! »
Alors, il n’a pas hésité ce dimanche midi à « tenter de prendre contact avec Charles Caudrelier » raconte-t-il via des notes audios. Il essaie à plusieurs reprises de le joindre, d’autant que le Maxi Edmond de Rothschild « était à portée de VHF » et filait un peu plus au Sud. Mais le skipper ne répond pas. « Quand il nous a dépassés, il traçait à 34 nœuds ! »
« J’aurais bien aimé lui parler parce qu’on ne croise jamais personne par ici, raconte ‘l’autre Charles’. _Ce n’est pas anodin de croiser des skippers dans les 40es rugissants _» Pour lui pas de doute : « la situation météo cette semaine est favorable. On a des vents de secteur Ouest, Nord-Ouest, avec une vingtaine de nœuds. Donc autant dire qu’ici, c’est du beau temps ! »
Un jeu avec les cachalots et les orques
Charles Cayeux fait partie des rares Français à pêcher la légine, un poisson noble prisé par les marchés asiatiques. La technique de pêche – il utilise une palangre, une ligne de plusieurs milliers d’hameçons posés au fond- est aussi ancestrale que respectueuse de la biodiversité. D’ailleurs, chaque session de pêche se transforme souvent en jeu avec les cachalots et les orques. «Là, on a deux familles d’orques autour du bateau qui se servent sur nos lignes. Et on a trois cachalots un peu plus loin ! »
Le marin prend le temps de dépeindre le tableau qui lui fait face depuis sa cabine. Sa campagne de pêche est bientôt terminée et il va prochainement faire route vers la Réunion pour l’achever. Mais avant, il tient à alerter « les autres concurrents qui ne vont pas tarder à venir ici » : « il y a pas mal de présence de cachalots en surface. Nous étions près de l’île de la Possession (150 m2) et il y en avait vraiment beaucoup. C’est monnaie courante pendant l’été austral mais on le perçoit quand c’est encore un peu plus que les autres ». Il arrête alors sa phrase subitement et pour cause : « je viens justement de voir un cachalot qui se fait chasser par les orques ». L’océan Indien cultive ainsi ses tourments et dispose de ses propres règles, aussi, pour tous ceux qui le peuplent.
LE POINT SUR LA COURSE. Des paroles et des actes
Les forces en présence n’ont pas évolué en ce dimanche, déjà le troisième passé en mer. Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild), toujours en tête, pointe à près de 470 milles des Kerguelen.
Thomas Coville (Sodebo Ultim 3) se réjouissait d’avoir passé dans la nuit le cap de Bonne-Espérance puis celui des Aiguilles qui marque l’entrée dans l’océan Indien. « Il s’est passé beaucoup de choses depuis le départ, ce tour du monde nous a réservé bien des surprises », confiait-il dans un communiqué publié en fin de matinée. « Le Cap de Bonne-Espérance porte bien son nom : on espère que ça va bien se passer ». La suite ? « Vous ne la connaissez pas, l’imaginaire est dépassé. Ce sera un océan qui va être difficile ».
En milieu de matinée, c’est Tom Laperche (SVR Lazartigue) qui donnait des nouvelles : « on devrait être à Cape Town demain matin, en fin de nuit. On va rester prudent parce qu’il y a du vent assez fort et de la mer un peu plus formée pour approcher l’Afrique du Sud. Ça va être le début d’une nouvelle aventure, d’un nouveau voyage ces prochains jours afin de prendre les meilleures décisions pour la suite. » Affaire à suivre.