Thon tropical: la pêche française boit la tasse

Par Figaronautisme.com

"Les temps sont durs" pour la pêche au thon tropical. Entre flambée du gazole et épuisement de la ressource, les armements français traversent une passe difficile, alors même que leur place est contestée dans l'Océan indien.

C'est l'armateur réunionnais Sapmer qui a ouvert le bal des mauvaises nouvelles en novembre dernier avec l'annonce de la cession de trois thoniers senneurs, sous pavillon mauricien, pour cause de baisse de ses quotas.

Peu après, l'armement de Concarneau (Finistère) Via Océan (ex-Saupiquet), a annoncé la "cessation définitive" de l'activité de ses thoniers senneurs dans l'Atlantique. A l'arrêt à Abidjan, les navires ont été mis en vente tandis que 58 salariés vont être licenciés.

Enfin, la Compagnie Française du Thon Océanique (CFTO), elle aussi basée à Concarneau, a annoncé cette semaine un plan d'économies, en raison "de difficultés historiques" qui "ont durement et durablement impacté l'entreprise".

Outre la diminution des vivres à bord des navires ou l'arrêt des fournitures de tabac, la direction envisage une baisse de 30% des salaires des quelque 260 marins, selon la CFDT.

 

- Un quart de la pêche française -

 

"Les marins ont bien conscience que les temps sont difficiles et ils veulent garder leur boulot. Mais à quel prix?", interroge Sylvie Roux, déléguée Pêche CFDT.

Forte de 15 thoniers (dont l'un sous pavillon italien), la CFTO a enregistré près de 30 millions d'euros de pertes nettes en 2020 et 2021, et n'a plus publié ses résultats depuis.

Ses déboires sont d'autant plus scrutés que l'armateur breton, pionnier de la pêche au thon dans l'Océan indien, compte la plus grande flottille française du secteur.

"La pêche au thon a été très rentable pendant très longtemps. Les marins étaient extrêmement bien payés", rappelle Patrice Guillotreau économiste des pêches à l'Institut de recherche pour le développement (IRD).

"Les conditions ont changé: c'est une pêche peut-être un peu plus coûteuse, le poisson est de plus petite taille et moins bien valorisé par les conserveries", ajoute l'économiste.

Avec 100.000 tonnes de thons capturés par an, cette filière reste un acteur majeur de la pêche française: ses navires débarquent un quart des volumes de poissons pêchés sous pavillon français, selon l'organisation professionnelle Orthongel.

La crise du Covid puis la guerre en Ukraine ont cependant déstabilisé les armements en provoquant des tensions sur la chaîne logistique et une flambée du prix du gazole, qui représente "35% du chiffre d'affaires annuel d'un thonier senneur", selon Xavier Leduc, président d'Orthongel.

Ces énormes navires congélateurs, de 80 mètres voire 100 mètres de long, avec 25 marins à bord, consomment entre 10.000 et 12.000 litres de carburant par jour. Et les prix du thon, fixés sur un marché mondial, "n'ont pas compensé la hausse des coûts", souligne M. Leduc.

 

- pêche industrielle et "destructrice"-

Dans ce contexte économique tendu, les navires français et espagnols sont pointés du doigt par un groupe d'États côtiers de l'Océan indien qui critiquent leur technique de pêche, basée sur le recours à des milliers de dispositifs de concentration de poissons (DCP).

Ces radeaux dérivants, équipés de balises GPS et d'écho-sondeurs, facilitent les captures en attirant les thons en grande quantité. Mais ils sont critiqués pour la pollution, les prises accessoires et les importantes captures de juvéniles qu'ils engendrent.

Des ONG, comme l'association Bloom, dénoncent ainsi la pêche "destructrice" et "industrielle" pratiquée par les senneurs européens, alors que la ressource se fait rare dans l'Océan indien, où les stocks de thon albacore et patudo sont fortement surpêchés.

"A terme, la pêcherie va être difficile à exploiter pour les Européens car leur place est contestée", remarque M. Guillotreau.

Vendredi, la Commission thonière de l'Océan indien (CTOI), réunie à Bangkok (Thaïlande), a adopté une résolution réduisant progressivement de 300 à 225 le nombre de DCP autorisés par navire d'ici à 2028.

Des "efforts supplémentaires" qui "menacent très sérieusement la durabilité des entreprises fortement malmenées par les crises récentes", a regretté Orthongel dans un communiqué.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
Max Billac
Max Billac
Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…